Super Time Force part d'un questionnement assez simple : et si l'on avait donné des mitraillettes au héros de Braid pour qu'il aille défourailler du bad guy à différentes époques de l'Histoire ? Le résultat aurait sans doute donné quelque chose d'aussi foufou que ce Super Time Force. Les gars de Capybara, qui nous avaient auparavant gratifié de l'expérience sensorielle et émotionnelle Sword & Sorcery, ont décidé pour leur nouveau titre de partir sur quelque chose de plus léger, bariolé, voire même complètement allumé. Grand bien leur fasse, mais je ne veux pas savoir ce qui tourne dans leurs bureaux.
STF, pour les intimes, c'est donc l'histoire d'un savant, le Docteur Repeatski (oui oui) qui découvre le secret du voyage dans le temps et qui décide d'en profiter pour son intérêt personnel jusqu'à ce que des vilains bad guys envahissent la Terre et qu'il ne soit parachuté Colonel militaire, en charge de monter une armée histoire de bouter les envahisseurs en-dehors de notre bonne vieille planète. Le tout ne respire déjà pas l'intelligence, mais se complique davantage quand le Docteur Infinity intervient dans l'équation, accusant la Super Time Force de causer davantage de conneries qu'elle n'en répare, à force de moult voyages dans le temps et autres déchirures du continuum espace-temps. Donc, dans ce jeu, on joue des petits cons qui s'amusent à bousiller la planète à grands coups de paradoxes temporels afin de satisfaire les caprices farfelus d'un Colonel visiblement très imbu de sa propre personne. Je pense qu'au niveau décalage, le ton est donné.
Les voyages temporels, c'est la super-classe, mais ce n'est pas juste un prétexte scénaristique puisque cela dessert aussi le gameplay. En effet, le jeu se déroule comme un Run 'n Gun classique (pensez Contra), avec sauts, tirs simples et chargés, et basta ; à la différence qu'il n'y a pas de vie à proprement parler. Une fois le personnage touché, celui-ci meurt, purement et simplement. Mais pas de game over, au contraire, vous avez alors la possibilité de remonter dans le temps afin de reprendre votre niveau à n'importe quel moment histoire de continuer l'aventure avec un nouveau héros, ou le même, au choix. L'ancien héros lui ne disparaît pas, il se contente de continuer sur la lancée que vous lui avez tracée sur la timeline précédente, jusqu'à de nouveaux rencontrer la mort qui lui est due... Sauf si vous parvenez à le sauver, auquel cas le paradoxe créé vous permet de bénéficier de son pouvoir en bonus. Vous n'avez rien compris ? C'est normal, le gameplay est une horreur à expliquer sur le papier, et pourtant infiniment plus instinctif une fois la manette en main. Pour résumer, chaque rembobinage temporel, voulu ou fortuit, vous permet de créer un double de vous qui répètera les mêmes actions entre le point de retour et le point initial de rembobinage. En pratique, cela permet de créer des dizaines de clones de soi-même, principalement histoire de s'aider à péter la gueule des méchants plus vite, mais aussi parfois pour récupérer des bonus cachés ou pour boucler un niveau en temps et en heure.
Car oui, les levels sont régis par un tout-puissant timer, et très court de surcroît, généralement pas suffisant pour parcourir la moitié du chemin dans des conditions normales, d'où l'intérêt d'invoquer de multiples clones histoire de mâcher le boulot. Si le système ne manque pas de subtilités (sacrifier un ou deux héros histoire de les sauver et de bénéficier d'un power-up quelques timelines plus tard, emprunter un chemin alternatif ou rester en arrière histoire de récupérer un bonus juteux, créer des paradoxes temporels sur les bosses de fin de niveaux...), le level design n'est pas conçu pour l'exploiter dans ces moindres retranchements ; si bien que dans la plupart des situations bourriner en avant toute, sans même prendre la peine de changer de personnage, suffit pour terminer sans encombre le niveau. Les collectionneurs devront se prendre un peu plus la tête afin de récupérer les bonus cachés, mais dans l'ensemble on ne peut que regretter que le concept n'ait pas été poussé au-delà du bourrinage de base et de l'explosion orgasmique de projectiles à l'écran, façon Manic Shooter (particulièrement jouissif au demeurant). D'autant que le roster de personnages est assez déséquilibré, avec des héros aux compétences variées mais parfois trop compliquées ou trop dangereuses à utiliser dans le feu de l'action, incitant à rester en sûreté avec les trois héros de base. Peu de prises de risque, des tactiques qui ne varient pas énormément d'un passage à un autre, on peut du coup reprocher à la campagne principale de manquer un poil de challenge ; comment pourrait-il en être autrement, avec le pouvoir quasi-déitique de ne jamais vraiment mourir, et de pouvoir même revenir encore plus balaise ? C'est un peu comme piétiner une fourmilière et l'observer s'effondrer sur elle-même, c'est un peu facile mais certains esprits vicelards en redemandent. Heureusement, le mode Super Hardcore, qui pour le coup porte vraiment bien son blase, est là histoire de corser les choses, mais en attendant rien ne viendra vraiment freiner votre avancée lors des 6 heures de la campagne principale, en-dehors de quelques passages un peu chauds, surtout lors du niveau final.
L'intérêt est ailleurs. Le jeu parvient à être amusant et divertissement le temps qu'il dure, et l'humour débridé et régressif digne d'un ado de 12 ans permet de mieux faire passer la pilule. Les niveaux, au nombre de 6, sont variés, et bien que le chiffre paraisse plutôt faible, ils se renouvellent suffisamment pour ne pas sombrer dans une certaine forme de répétitivité. C'est d'ailleurs une sensation plutôt étrange, car ceux-ci sont particulièrement petits quand on y pense : il ne faudra sans doute pas plus de 5 minutes pour en parcourir un de manière linéaire, mais par la magie des rembobinages multiples il ne sera pas rare d'y passer 45 minutes pour le boucler. En résulte une impression assez étrange on l'on croit avoir rushé un stage, jusqu'à voir l'heure sur sa montre et se dire "ah oui, quand même...". La compression temporelle façon STF (c'est plutôt cohérent avec le sujet remarquez !). Et au-delà du mode Super Hardcore deuxième trou de balle et de la chasse au 100% pas bien compliquée, le rejouabilité est pour ainsi dire quasi-nulle. Je ne sais que penser du coup : d'un côté, je trouve le contenu vraiment léger, et de l'autre je trouve qu'il y a juste ce qu'il faut avant que le jeu ne commence à tourner en rond. Comme si les développeurs s'étaient rendus compte des limites de leur concept.
Je fais la fine bouche ceci dit, parce que je me suis vraiment éclaté lors de ces quelques heures en compagnie du jeu ; les références, les blagues de CE2, les jeux de mots Carambar, l'action foutraque et bordélique en permanence, la satisfaction de bousiller un boss et d'admirer le replay improbable de sa victoire, tout cela me parle. On était peut-être en droit d'attendre un peu plus, mais en l'état le jeu est loin d'être un foutage de gueule : le gameplay est bien huilé, l'aspect technique, que je n'ai pas abordé, est très réussi, entre les graphismes bariolés et pixellisés juste comme il faut et les musiques d'inspiration rétro qui envoient le pâté, bref, sur le fond comme sur la forme le titre est très réussi. C'est justement pour cette raison que l'on aurait aimé qu'il nous résiste un peu plus longtemps.