PDC (Plaisir à date courte)

Avec son tempérament joueur, ses acrobatiques capacités et son cri hilarant, la chèvre est un animal régulier des vidéos sur le net, amusant petits et grands et sans l’odeur. Depuis 2014, elle est même l’héroïne d’un jeu vidéo grâce à Goat Simulator, qui, à la base une plaisanterie de développeurs, est devenu une série vendue à plusieurs millions d’exemplaires. Il faut dire que le jeu avec sa gestion de la physique aléatoire se prêtait très bien aux vidéos de Youtubeurs qui ont aidé à son succès. A tel point que bien d’autres concurrents s’y sont essayés, polluant les magasins en ligne de jeux bancals mais laissés en l’état pour amuser ceux qui préfèrent regarder des vidéos de joueurs faisant le pitre avec que jouer aux jeux en question.

Avec Supermarket Shriek, la crainte était d’avoir une nouvelle fois un jeu avant tout destiné à être vu plutôt que joué. Son idée de base est simple, loufoque et attrayante : dans un caddie de supermarché, deux personnages usent de leur voix pour le faire avancer, un homme et une chèvre. A chacun correspond une direction et en les faisant crier les deux le chariot avance. Tout se fait ainsi en jouant des gâchettes.

Les règles varient selon les niveaux, prenant place dans des supermarchés principalement, qui seront mis à sac par le passage des deux hurluberlus criants, mais l’enjeu principal reste d’arriver à la fin dans le temps demandé. Un système d’étoiles récompense les passages, en sachant qu’il faut en avoir un certain nombre pour débloquer la suite des évènements, obligeant à revenir pour peaufiner le parcours et améliorer son temps.

Les premiers niveaux montrent les dents, mais seront rapidement traversés une fois le système apprivoisé. Et puis rapidement les obstacles s’enchaînent, dans une mégalomanie dans la difficulté qui devient rapidement étouffante, multipliant pièges, lasers, scies tournantes, sauts dans le vide et virages étroits tout en ajoutant des contraintes de temps qui obligent à aller vite.

Chaque parcours devant se terminer en une seule fois, sans possibilité de recommencer à mi-chemin, les échecs répétitifs deviennent usant. Car pour oser proposer un tel niveau d’exigence, il faut avoir la jouabilité nécessaire, à la précision redoutable. Mais le comportement glissant du caddie rend le tout délicat dans les situations les plus difficiles, les pièges les plus sournois, les niveaux les plus tendus, et tout cela arrive bien rapidement. La satisfaction d’arriver au bout se faisait assez exaltante dans les premiers niveaux, elle devient de plus de plus hypothétique.

Dès lors l’humour bon-enfant du jeu et sa loufoquerie atténueront un temps les crises de rage, tout comme la possibilité de personnaliser notre chèvre ou les quelques amusants niveaux cachés qui s’inspirent de grands classiques du jeu vidéo. Il intègre même un mode coopératif, chacun devant s’occuper d’une direction, qui pourra distraire quelques temps un couple, mais la difficulté progressive risque de créer bien plus de disputes que de joies.

Mais au fil des trop nombreux essais infructueux, fatigué de devoir recommencer un parcours qui est sensé être traversé avec une trajectoire parfaite digne des plus exigeants jeux de conduite, il faut bien se rendre à l’évidence : le jeu est mal réglé, crée par sadisme plutôt que pour le plaisir du joueur.
Dès lors, on revient sur ce qui a été dit plus haut, le jeu vidéo semble avoir été crée pour être vu plutôt que joué, avec les magnifiques courses d’obstacle folles qu’il arrive à susciter dans les meilleurs performances. Malheureusement, pour cela, il faudrait que le jeu soit joué et diffusé par des joueurs au niveau supérieur et à la patience élevée, ce qui n’est guère le cas actuellement.l