Toutes proportions gardées
Je suis et je resterais un fan de Jrpg. Genre roi des scénarios alambiqués ou l’on subit souvent des gameplays à la limite du supportable afin juste de découvrir pourquoi le « personnage lambda 64 » nous a abandonné et aussi pourquoi c’est à nous de sauver le monde.
Mais le Jrpg a aussi tendance à brouiller les échelles, à faire des raccourcis grossiers. Entre final fantasy avec ses pays qui possèdent trois villes aux dragons quest dont on apprend qu’on a changé de contrée parce qu’on découvre un château au détour d’une montagne, le jrpg a souvent tendance à beaucoup aimer trancher dans le vif de la toile inextricable de l'administration humaine.
Un quelconque problème à signaler ? « Péquenaut moyen 3 » peut aller voir le roi sans que cela ne dérange personne.
Une menace à affronter ? Les pays s’en remettent tous au même groupe de héros sans que quiconque y trouve quelques choses à redire.
Mais évidemment si je vous raconte ça, c’est que ce n’est pas le cas dans ce tactic ogres.
Le prologue l’annonce sobrement, l’histoire raconte le conflit qui a secoué la région d’ovis en l’an 232 de la nouvelle ère, Ovis étant elle-même une sous contrée dirigée par Félis, elle-même une région annexée par le Saint empire Lodissien.
En quelques phrases le jeu place le contexte et te ramène à une certaine humilité. Ici pas de messie, pas de héros, tactics ogre présente des conflits locaux, qui n’ont pas pour cause la démence machiavélique d’un sombre héraut du mal mais simplement les actions d’hommes aux convictions souvent contraires qui n’ont en soit rien de bien ni de mal.
Et tout de suite beaucoup de choses qui sont incompréhensibles dans un jrpg classique prennent sens dans un contexte géopolitique qui a du sens.
Le héros n’a que 15 ans et dirige des troupes? Oui mais nous sommes dans un monde moyenâgeux de ceux ou les responsabilités viennent tôt et la mort parfois plus vite et dans un monde ou la noblesse à enfin un vrai sens social.
Vous êtes trahis, par un personnage aux ambitions plus égoïstes, ou plus altruistes? Il n’est pas dépeint comme un monstre psychopathe pour autant à grand renforts d’yeux fous et de visage distordu. Juste comme quelqu’un qui a jugé que vous voguiez vers des eaux qui ne lui convenaient pas.
Et c’est cette neutralité de ton, si rare dans beaucoup de J Rpg qui fait chaud au cœur dans un jeu comme ce knight of Lodis. Le jeu ne porte aucun jugement préconçu, ni dans ses dialogues, ni dans son character design ni même dans sa musique, il se contente de rapporter des faits, le seul juge de toute cette épopée c’est nous.
Et cette implication du joueur, le jeu tente de nous le faire comprendre via les mécaniques de son gameplay, chaque décisions majeures, comme recruter un personnage vient avec un choix qui nous est laissé et même s’il semble totalement surréaliste de refuser de l’aide dans certaines conditions, il est toujours possible de le faire.
Pire, il nous laisse souvent faire des choix à l’aveugle, ce qui dans un scénario aussi dirigiste amène parfois à des conséquences regrettables. En sommes il nous laisse choisir, mais ne fait en aucun cas de nous le maître de notre destinée, encore un parti pris que je juge très intelligent.
Le gameplay nous fait aussi ressentir son âpreté de la même manière qu’un fire emblem. Un compagnon mort, c’est un compagnon de perdu et le scénario s’adapte en fonction de ces pertes même si elles concernent un personnage principal ! Et s’il est possible de ressusciter dans le même combat un soldat tombé grâce à de coûteux objets, le jeu demandera beaucoup de vigilance durant le déroulement des batailles, car la difficulté peut être assez relevée, surtout lors des sièges ou les archers ennemis ne se priveront pas de leur avantage de hauteur pour harasser vos personnages les plus fragiles.
Le leveling revient heureusement sur l’un des écueils de To Luct : il abandonne le système de niveau de classe et utilise un système à la FFTA ce qui permet d’avoir une influence plus sensible sur la montée de niveau de chaque personnage et amène à plus de diversité.
Finalement, l’on avance aisément dans l’intrigue. Poussé par l’envie de découvrir les motivations de chaque personnage, alors que le héros à la façon d’un Ramza Beoulve ou d’un Denam Pavel se questionne, ni foncièrement bon ni gratuitement mauvais mais toujours avec un stoïcisme étonnant.
La musique aussi fait partager cette lourdeur ambiante, les thèmes joyeux n’existent pas, ils sont au mieux neutres, mais souvent tristes, voire mélancoliques, même quand il s’agit des retrouvailles du héros et de sa douce, comme si tout semblait rappeler que rien ne dure longtemps à l’échelle du monde.
Alors certes, le jeu va moins loin que ses deux illustres modèles, et ne pousse jamais autant le cynisme ( To Luct chapitre 1) ou la tragédie ( FFT scène finale ) qu'eux. Mais il vaut le coup d’œil, Zytégenia étant définitivement un monde aussi abrupt que complexe, mais pas dénué d’une certaine poésie.
Toutes proportions gardées, ça fait beaucoup de choses pour une petite iso de 4Mo.