Un grand J-RPG du GameCube
Tales of Symphonia est à ranger du côté des bonnes surprises. Certainement n'est-il pas le meilleur RPG de cette génération, techniquement et ambitieusement loin derrière des poids-lourds du genre. Néanmoins, il peut se hisser sans trop de problèmes dans les meilleurs J-RPG disponibles sur le Cube, bien que le genre soit rare sur cette console.
Tales of Symphonia est un jeu enjoué, aidé en cela par un character design fort bien produit, bien mieux que d'autres "Tales of". Certains hérisseront les cheveux à la vue de l'aspect kawaii prononcé, certes, mais l'aventure de l'équipée se fait dans une sorte d'euphorie générale, prêt à aller de l'avant dans un monde doux à regarder, toujours plaisant à parcourir.
Techniquement, le jeu est sans doute un peu pauvre, loin derrière les décors magnifiques, ciselés, hallucinés d'un Baten Kaitos ou même d'une super-production par Square Enix comme Final Fantasy X. Cependant, le design général, des personnages aux décors (usés, traversés par la vie d'une ville ou autre, construit comme des petits édifices sympathiques) rendent le jeu tout à fait attrayant visuellement, plus chaleureux, sympathique, mignon.
Au niveau des combats, Tales of Symphonia engendre le combat en temps réel (même si le jeu propose toujours une séparation entre phases d'exploration et combats), qui semble être, quelques années auparavant, ce que Final Fantasy XII poussera bien plus encore. Le joueur contrôle un seul personnage qu'il contrôle sur un rail 2D pour affronter ses ennemis selon des coups à déclencher (et à débloquer) comme un jeu de combat et donne des ordres à ses compagnons. Il est à noter que jusqu'à 3 joueurs humains peuvent venir brancher leur manette et contrôler les autres personnages, donnant alors, chose rare, un aspect J-RPG multijoueurs.
Bien que Tales of Symphonia remplisse sur le plan ludique son contrat, la plus belle surprise demeure au niveau des thèmes abordés. La narration, si elle est archi-classique, n'a pas peur de lancer ses personnages dans un aventure fleuve aux nombreux rebondissement. Les cliff-hangers réguliers donnent même l'impression de regarder une série télévisée, où les chapitres développent des petites quête qui nourrissent une plus grand, avec pour ambition de donner envie au joueur l'envie de continuer à chaque "fin" d'épisode.
Mais c'est sur le plan thématique que le jeu se permet de nous surprendre. Là encore, si la critique de la religion type monothéiste est un classique du J-RPG (comme Final Fantasy X le fait), on peut néanmoins dire que sous ses apparats innocents, Tales of Symphonia développe le sujet avec une certaine maîtrise qui peut laisser coi. Outre le dilemme de savoir si un monde peut être sauvé au détriment d'un autre, s'agglutine toute une réflexion sur ce qui s'est réellement passé dans l'histoire, ce qui a été réellement été rapporté, censuré et quelle est la légitimité des institutions (et des dieux!) d'utiliser ces textes pour asseoir une quelconque autorité, sans oublier, bien entendu, les écarts entre ce qui est écrit et l'interprétation qu'on en donne.
Ce qui fait en vérité la "force" de cette critique, c'est qu'elle n'est pas attendue ou consensuelle comme peut l'être d'autres, mais elle s'inscrit, volontairement ou non d'ailleurs, dans une critique qui pourrait être tout à fait actuelle... Cette thématique riche couplée à la manière dont le jeu peut se permettre de l'aborder (c'est à dire passer du strict plan théorique à une réalité présente dans le jeu) a offert suffisamment de matière pour créer des suites à Tales of Symphonia en particulier.
Ce Tales of ne révolutionne pas le J-RPG. Ses musiques agaçantes, sa mise en scène risible (le moteur du jeu n'est tout simplement pas fait pour ça) et sa mièvrerie qui l'emporte parfois (un peu trop!!) sur la naïveté entache le tableau. Cependant, le jeu constitue une agréable aventure qui laisseront de bons souvenirs.