Passé le premier haut le coeur, un chouette jeu.
La série des Blackwell a une originalité : si elle est très construite, avec des effets d'échos d'un épisode à l'autre, et si la trame va en se développant toujours plus, il faut toujours s'adapter, d'un épisode à l'autre, à des changements esthétiques importants.
Et Dieu, que j'ai été surpris en lançant une première partie ! Les décors sont plus détaillés et mieux construits, mais en revanche les sprites des personnages sont plus petits. Surtout, après un "Blackwell : Convergence" où les portraits des personnages étaient animés et fort bien dessinés (au point de desservir les pixels de l'écran principal de jeu), on revient ici à des portraits statiques, au départ assez moches. De plus, Rosa a une dégaine complètement différente, Les bras ballants, dégingandée, elle fait penser à une fan de hip-hop longiligne, là où la Rosa de l'épisode précédent avait presque des problèmes de cellulite. Elle fait même un petit mouvement de vague avec ses épaules si on la laisse au repos... Etonnant, pour une jeune fille censée être plutôt timide.
Il faut donc surmonter ces changements. Sinon, la série trouve le bon format, avec beaucoup d'améliorations : Joey a désormais deux icônes d'inventaire : une pour la cravate et une pour le souffle, ce qui va corser quelques énigmes. Rosa a désormais un smartphone (le jeu semble une véritable réclame pour le numérique), pour consulter sa boite mail et faire des recherches sur Oogle, mais aussi pour appeler certains numéros. Le jeu pense à tout, d'ailleurs : on ne peut pas téléphoner en discothèque, ou si la personne est dans la même pièce que nous. Le portable intervient de manière fort intelligente dans nombre d'énigmes. Même au niveau graphique, il y a beaucoup d'améliorations : les animations sont bien plus fluides et variées, avec de beaux effets, comme les reflets de la skyline de nuit sur l'Hudson, ou l'effet aqueux de la porte aux âmes de Rosa (cet écran est de départ des âmes est le premier qui me convainque pleinement).
Les énigmes sont fort bien pensées, avec juste la bonne difficulté, qui va vous arrêter un temps sans vous décourager. On notera que le duo de choc devient de plus en plus bordeline, entre les entrées par effraction à répétition et le sauvetage d'un fantôme de jeune étudiante impliquant une drague éhontée de la part de Joey. Belle réflexion sur les données personnelles, tout à fait de notre temps. Encore une chouette énigme de hackage de mot de passe, au fait.
L'écriture est au rendez-vous. Je craignais un peu que la série ne tombe dans des clichés avec le personnage de Madeline, l'alter ego malheureux de Joey, mais ce n'est pas le cas. New York reste un lieu vivant, avec de nombreux lieux souvent réels comme High Line, le dortoir de l'université de Columbia, et des noms de rue réels. Les intérieurs, cages d'escaliers, coffee shops et autres maisons de retraite font très réels, mon décor préféré étant celui de la discothèque. Les affaires de fantôme sont toutes de fort bonne qualité : un ancien collègue journaliste de Rosa qui l'appelle sur une affaire et ignore être un fantôme (passage touchant), une jeune intérimaire paumée amoureuse d'un homme d'affaire, une étudiante autodestructrice qui se noie dans la vie nocturne, une arnaqueuse à la voyance... Et puis il y a quelques personnages secondaires savoureux, qui d'ailleurs font écho à d'autres épisodes (Sam Durkin, Sarah Elmaleh...). On en apprend un peu plus sur le passé de Joey, même si tout reste encore assez flou. La réflexion est toujours au rendez-vous : qu'est-ce que le bonheur, le libre-arbitre, pourquoi faire de bonnes actions ? Le méchant, Gavin, est fort réussi, et la crise qu'il amène dans la relation entre Joey et Rosa amène une intensité qui donne envie de jouer à l'épisode de conclusion.
Je mets "Blackwell : Deception" assez haut dans la série.