Dans le second tableau de The Case of the Golden Idol, je découvre un homme allongé au sol, une blessure mortelle à la tête. En inspectant la scène, je commence à me construire une image de ce qui a pu se produire, et à imaginer la séquence d'évènements menant à son décès. Tout est clair et les causes semblent assez évidentes.


Mais ce serait sous-estimer le jeu, qui sait exactement quel cheminement mental vous allez suivre, et en joue pour vous mener de fausses pistes en faux semblants, avec des indices flagrants, mais trompeurs qui vous font ignorer les signes plus subtils d'un second niveau de lecture.

Dans le cas présent, des indices grossiers et bien en vue m'ont rendu aveugle à tout un faisceau de preuve qui invalide totalement ma théorie initiale : une trainée de sang, les dernières notes d'un journal intime, un cheval galopant en arrière-plan... tout est là pour qui sait ouvrir les yeux et assembler les pièces du puzzle.


C'est à ce moment que j'ai réellement pris conscience du talent des deux auteurs, Andrejs et Ernests Kļaviņš, qui non seulement nous livrent des scènes de crimes bourrées de détails subtiles et d'indices retors, mais savent aussi diriger notre attention pour nous faire suivre certains cheminements de pensée, sans qu'on se rende compte qu'on se fait mener en bateau.


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The Case of the Golden Idol vous fait naviguer entre deux modes :


■ L'exploration de scènes de crimes figées dans le temps, que vous observez comme dans un point & click pour rassembler un maximum d'information sur les lieux, objets et protagonistes, tout en réunissant des mots clefs. La direction artistique ne mettra pas tout le monde d'accord, mais je lui ai trouvé beaucoup de charme et de personnalité.


■ L'analyse des faits qui se présente typiquement sous la forme de textes à trous. Vous y utilisez toutes les déductions que vous avez faites en jouant les détectives, en utilisez les mots clefs pour former des phrases factuellement exactes, grâce auxquelles le jeu vérifie que vous avez bien tout compris.


Si les deux premiers tableaux sont abordables, la difficulté se corse très vite, avec un troisième niveau qui m'a donné du fil à retordre. Les tableaux sont de plus en plus vastes et s'étendent sur un nombre croissant d'écrans qui fourmillent parfois de petits détails. Tout le monde a 15 trucs dans les poches, des notes, des lettres, des clefs, des couteaux - beaucoup trop de gens sont armés, ce qui ne facilite pas les choses quand on cherche le meurtrier d'une attaque à l'arme blanche.


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Je n'ai fait que très peu de jeux de détective, mon cerveau s'atrophie spontanément dès que je lance un puzzle games, et ce Golden Idol m'a mis en difficulté jusqu'à la fin. Je l'ai péniblement atteinte au bout de 10 heures, alors que HLTB affirme que même ma grand-mère finit le jeu en 6h. J'ai utilisé marginalement des morceaux de soluces quand je restais coincé un peu trop longtemps, et j'ai même zappé le plus gros de l'avant-dernier tableau, car la nature de ce qu'on me demandait de découvrir ne m'intéressait pas spécialement.


Et c'est certainement mon seul grief envers le jeu : sa difficulté brutale, obligeant parfois à des déductions qui - même une fois en possession de la solution - ne me semblent pas du tout évidentes et un peu trop spéculatives à mon goût. C'est un phénomène qui s'accentue à mesure que le jeu progresse, avec des mises en scènes toujours plus compliquées, impliquant des tonnes de personnages aux relations complexes, dont les motivations s'imbriquent et s'entrechoquent dans un vaste bordel conspiratoire.


Heureusement, l’histoire est suffisamment intéressante pour donner envie d’en découvrir le fin mot, mais le jeu ne vous tiendra jamais la main. Même si on résout toutes les affaires qu'il nous est donné d'investiguer, il vous faudra quand même faire preuve d'un solide esprit d'analyse et un bon sens de l'observation pour réellement recoller les morceaux et comprendre certains fils de la trame.


J'ai beaucoup aimé le temps que j'ai passé sur le jeu, mais j'en suis ressorti épuisé et sans aucun désir de jouer aux histoires additionnelles sorties depuis en DLC. Ce n'est clairement pas un jeu que je conseillerais à tout le monde, mais il n'en reste pas moins une expérience narrative fascinante et étonnamment bien exécutée.

Ezhaac
7
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le 12 juil. 2024

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Ezhaac

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