Fortuna Major
L'histoire de départ de The Cosmic Wheel Sisterhood a de quoi fasciner : Fortuna, une sorcière cartomancienne, a été condamnée à l'exil pour un millénaire en raison de sa prédiction annonçant la...
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L'histoire de départ de The Cosmic Wheel Sisterhood a de quoi fasciner : Fortuna, une sorcière cartomancienne, a été condamnée à l'exil pour un millénaire en raison de sa prédiction annonçant la chute de sa loge. 200 ans après, elle rompt l'un des plus grands tabous de sa communauté en invoquant un béhémot, Ábramar, c'est-à-dire une créature cosmique aux pouvoirs immenses. En passant un pacte avec l'entité - dont le prix à payer sera immanquablement à la hauteur de l'échange - , Fortuna acquiert la capacité de créer ses propres cartes divinatoires, son jeu de tarot ayant été confisqué au moment de son bannissement.
Ce nouveau paquet de cartes sera amené à peser de tout son poids sur les rencontres que Fortuna va faire, entre amitié, défiance, trahison, jeux de pouvoir, divergences, fidélité, ambition, vengeance... jusqu'à influer sur le destin de sa loge, de la communauté des sorcières et de l'univers tout entier.
Le studio espagnol Deconstructeam nous a habitués à ses jeux à embranchements narratifs complexes, dont l'existence n'est souvent qu'un prétexte pour brosser des thèmes sociétaux et humains cruciaux : dilemmes moraux (Gods Will Be Watching), transhumanisme, liberté, justice, bioéthique (The Red Strings Club) ou encore les inégalités homme/femme et la charge mentale (Behind Every Great One, essai expérimental que vous pouvez retrouver dans le recueil Essays on Empathy).
Le tout traversé par une inclusivité sincère et cohérente (au premier rang de ce type de thématique, les questions de genre et de sexualité, mais pas que), à chaque fois dans un univers singulier et à travers des personnages marquants.
Et The Cosmic Wheel Sisterhood ne déroge pas à la règle, loin de là. L'objectif déclaré est de questionner le joueur, de l'interroger sur le fond de ses émotions et, surtout, sur ses valeurs profondes.
Plus que jamais auparavant dans la ludographie de Deconstructeam, il m'a semblé disposer d'un jeu aux embranchements narratifs proches de l'infini. Comme d'habitude, le joueur est projeté dans des dialogues puissants avec certains personnages, nécessitant des choix radicaux dont les conséquences sont souvent clairement énoncées. Sauf que dans le cas présent, il y a le jeu de tarot personnalisé.
L'intelligence du système se trouve dans une articulation entre quatre éléments (feu, eau, air et terre), qui disposent chacun de leurs propres spécificités, et trois éléments de composition (sphères - les arrière-plans, les arcanes - le sujet principal, et les symboles). Ces derniers sont toujours rattachés à un ou plusieurs éléments, symbolisant leur coût mais aussi leurs effets. Ainsi, vous pourrez être tentés de rechercher un équilibre entre certains éléments, voire entre tous, ou, au contraire, vous focaliser sur un élément principal. Cela aura pour effet de bouleverser les attributs de prédiction de la carte créée (destruction, renouveau, détermination, courage, etc.) et, par conséquent, les jeux de prédiction dont vous disposerez lorsque vous la piocherez au détour d'un dialogue avec un personnage.
La cartomancie de Fortuna est fondamentale dans le récit. Dès lors, il est préférable de vraiment se pencher sur sa compréhension, voire d'étudier les cours de sa mentore pour mieux comprendre les arcanes des éléments. Le système est agréable et le joueur prend plaisir à composer ses propres cartes, d'un point de vue graphique, en jouant avec les trois éléments qui la constituent.
Sans surprise, l'histoire est prenante et les personnages, pour la plupart, sont marquants. Qu'il s'agisse de leur design, de leur personnalité, de leurs valeurs ou de leur histoire, une empathie se développe pour tenter de les comprendre, de les aider (ou de leur nuire si tel est votre souhait) et de tisser des liens avec elles. Parce que, oui, il n'y a que des femmes dans ce jeu, exception faite d'Ábramar (non genré en tant que Béhémot). Logique étant donné qu'il s'agit d'une sororité de sorcières. Je n'en dévoilerai pas trop sur ces rencontres mais ces individualités hautes en couleurs alimenteront vos réflexions et dialogues intérieurs à de nombreuses reprises.
Au niveau du scénario, il m'est difficile de détailler tous les embranchements possibles. Je le confesse : je me suis contenté, cette fois, d'une seule fin (celle qu'on pourrait qualifier de "vraie fin" étant donné qu'un succès caché y est rattaché, mais j'aurais tendance à ne pas la distinguer de toutes les autres fins, qui ont sûrement toutes leurs spécificités). Cela étant, au vu des choix de dialogue majeurs, des décisions à prendre et du passif du studio en la matière (je pense notamment à The Red Strings Club), j'ai peu de doutes sur le fait que le panel d'histoires et de fins possibles est large et diversifié.
Au rang esthétique, je souligne une fois de plus le pixel art charmant et dégageant une vraie signature chez Deconstructeam. Par rapport aux précédents jeux du studio, Cosmic Wheel est en outre agrémenté d'artworks détaillés et très soignés pour chaque personnage, apparaissant à l'occasion des dialogues que Fortuna a avec eux.
La bande originale, une fois encore signée fingerspit, ne dévie pas du cahier des charges habituels : soutenant le récit avec brio, elle ne prend jamais le pas sur ce dernier et offre une ambiance planante.
Enfin, je salue le travail de traduction réalisé par les cinq personnes reprises dans les crédits pour la localisation française. Tant dans sa qualité intrinsèque (choix des mots, niveau de la langue, etc.) que dans les adaptations très à-propos avec le jeu et les engagements du studio (notamment l'écriture inclusive), il s'agit d'un ouvrage rare et précieux, presque inhabituel, en particulier pour des jeux d'un si petit calibre.
En conclusion, Deconstructeam ne déçoit pas, ne déçoit toujours pas. Bien au contraire ! The Cosmic Wheel Sisterhood offre ce que le studio sait faire de mieux et devrait ravir les amateurs de jeux narratifs à embranchements. Ceci à l'aide d'un univers riche, des personnages mémorables, des réflexions profondes et un gameplay sublimé par la création de cartes.
Sans se départir d'un certain goût pour l'expérimental, l'équipe nous livre un jeu superbe et foisonnant. Je ne peux qu'encourager tout un chacun à le découvrir et à écrire sa propre histoire à travers les prédictions de Fortuna.
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