Un jeu immense et riche qui traîne quelques casseroles

Morrowind est un l'aboutissement d'un choix de développement très précis de la part des développeurs de Daggerfall : avoir un monde moins grand, mais plus concentré. Morrowind c'est un peu le résultat d'une distillation de Daggerfall : les deux jeux se ressemblent beaucoup (même lore, même système d'XP lié à l'utilisation des compétences, même mélange politico-fantastique dans la trame principale), mais Morrowind propose un contenu moins générique dans un espace bien plus restreint et doté d'une identité bien plus marquée.


Commençons par expédier cette identité si enivrante, fruit d'un travail conséquent de la part de Betehsda. Pourquoi l'expédier alors ? Tout simplement car elle ne m'a malheureusement pas plu du tout. Si force est de reconnaître le travail exemplaire accompli par les développeurs pour créer une contrée crédible et cohérente, je ne peux m'empêcher de trouver Vvardenfell laide au possible ! Des vallons recouverts de cendres, des monstres bipèdes grotesques (ou quadripèdes hideux), des champignons géants, des colonies des magiciens ressemblant à un village de schtroumpfs lépreux : voilà ce que j'ai vu dans ce jeu. Sur un plan strictement esthétique, pratiquement rien ne m'a emballé. C'est un peu comme Zeno Clash : y'a du boulot et de la cohérence au niveau artistique, mais je trouve ça laid !


Heureusement l'ambiance du jeu rattrape cette esthétique si particulière : les donjons sombres et hantés, l'orage qui gronde (la météo de manière générale est très réussie), les tempêtes de "sable", les sanctuaires daédriques à l'architecture torturée : autant d'éléments qui vous ferons apprécier votre séjour en Vvardenfell.


Par contre, non content d'être laid, l'univers de Morrowin est peuplé de connards : les gens sont racistes, bourrés de préjugés, hautains, en immense majorité favorables à l'esclavage, j'en passe et des meilleurs ! Et en plus ils ont des noms stupides et impossibles à retenir (il n'y a pas de linguiste chez Bethesda, ça c'est clair !). Vous avez la possibilité de joindre une Grande Maison parmi trois, et les choix sont juste désespérant. En gros vous pouvez rejoindre : soit des mages psychopates, meurtriers et mégalomane ; soit des commerciaux arriviste, opportunistes et prêts à tous les coups bas pour le pognon ; soit des nobles méprisants, conservateurs et réactionnaires.


Et la faune me direz-vous ? Hum, attendez, je vais tuer mon 666ème braillars des falaises et je suis à vous !


Autre gros défaut du jeu : le level design est atroce. On se demande si les développeurs qui ont dessiné les plans des bâtiments ont vraiment réfléchi à ce qu'ils faisaient ; des escaliers cul-de-sacs, des couloirs indifférenciables les uns des autres, des donjons totalement horripilants à parcourir (bon mieux que Daggerfall quand même, hein, mais ça veut pas dire grand chose !). Il n'y avait pas de level designer professionnel chez Bethesda et ça se voit ! Je pourrais choper une migraine rien qu'à l'idée de devoir explorer de nouveau un bâtiment Telvanni !


Côté positif, le système d'expérience qui s'acquiert en utilisant ses compétences a été conservé, et c'est tant mieux, c'est un des points forts de la série ! Petit bémol, j'ai eu l'impression que la progression était plus lente que dans Daggerfall, ce qui pousse à utiliser en permanence l'entraînement pour progresser. Et ceci transforme de facto l'argent en véritable XP du jeu : plus vous aurez d'argent, plus vous pourrez monter de niveau rapidement. Et Morrowind n'étant pas un jeu très radin (vers 15/20 heures de jeu vous commencerez à crouler sous l'or), de l'argent vous en aurez à la pelle, et vous monterez du coup très rapidement en niveau.


Ce qui nous amène à un autre des défauts de Morrowind, et pas des moindres : l'équilibrage est complètement (mais alors complètement !) foiré. Les premières heures de jeu sont bien pénibles, car le perso est trop lent, et la précision de nos coups est liée à la compétence d'arme associée : vous toucherez l'ennemi un fois sur deux ou trois sans rien pouvoir y faire.. Mais ne vous plaignez pas, car vous allez ensuite devenir si puissant que tout le reste du jeu ne sera plus que balade tranquille. Rien ne pourra vraiment sérieusement vous amocher, et aucun monstre ne pourra encaisser plus que quelques coups. Tout un pan du jeu passe donc à la poubelle : il n'y pas vraiment de course au stuff, pas la peine de lancer des sorts de protections avant les combats, qui ne sont du coup ni tactiques ni intéressants. Et vu le temps qu'il faut pour switcher entre votre arme et la magie, laissez-moi vous dire que l'option magie n'est pas exactement exploitable (en plus la liste de sorts est un foutoir sans nom) . On est rapidement si puissant qu'on n'a plus tellement l'impression de progresser en montant de niveau.


Là où Morrowind se détache clairement des autres jeux vidéos, c'est par son aspect ouvert : vous pouvez tout faire, y compris foirer la quête principale en vendant un objet important à un marchand dont vous allez par la suite oublier l'emplacement. Tous les donjons sont accessibles dès le début du jeu (ou presque), et libre à vous d'y entrer vous faire botter les fesses par un monstre bien trop puissant. Ca donne un aspect enivrant au jeu mais malheureusement il y un gros défaut à ce principe : par soucis de liberté / réalisme, les objets de quête n'ont pas de marqueur particulier, et vous pouvez donc tout à fait piller un donjon pour financer vos achats en début de jeu, et vous rendre compte 50 heures plus tard que vous avez ce faisant brisé la quête vous permettant de devenir archimage. Et c'est la grand paradoxe de Morrowind : vous pouvez tout faire, mais vous ne devriez pas tout faire : trop d'exploration est souvent la source de quêtes rendues infaisables par la suite; par la mort d'un PNJ ou la perte/vente d'un objet.


Et ça serait dommage car les quêtes de Morrowind sont généralement très réussies : on peut résoudre la plupart des missions qui nous sont confiées de nombreuses manières différentes : combat, magie, vol, tout est souvent permis. C'est clairement le point fort de Morrowind, ces quêtes riches et bien écrites qui donnent envie de s'investir. De nombreuses surprise vous attendent au détour de diverses quêtes.


Techniquement, ça n'est pas très propre, malgré plusieurs patchs, dont des non-officiels : le jeu comporte encore de nombreux bugs (de collision, de pathfinding, de scripts de quête, de PNJ qui se décalent, ...), des erreurs de traduction (qui rendent parfois l'absence de marqueur de quête sur la carte pénible lorsque le traducteur a inversé Nord et Sud dans les indications du donneur de quête). On est également souvent bloqué par un PNJ dans les couloirs ou les escaliers, parce que ça ne croise pas, tout simplement ! La console est dans ces cas-là votre meilleure amie, et vous en aurez forcément besoin à un moment ou à un autre. Le brouillard est un peu envahissant, et s'il participe à l'ambiance du jeu, on aimerait quelques fois voir plus loin que les prochains 200 mètres. Oh et ça crashe une fois sur deux en sortie de jeu, sans réelle incidence toutefois.


Notons enfin que le jeu est peut-être trop long pour son propre bien : à 90/100 heures de jeu j'avais quand même pas mal l'impression de tourner en rond, et le manque de saveur des combats n'aidait pas à renouveler l'intérêt du jeu.


(Le jeu permet d'incarner un vampire si jamais on se fait infecter, mais c'est pas tellement jouable. En plus les quêtes liées à cet état sont plutôt inintéressantes quand elles ne sont pas purement et simplement des easter eggs.)


En conclusion, Morrowind c'est grand, Morrowind c'est moche, mais Morrowind c'est trop bien !


16/20

Jopopoe
8
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Créée

le 6 déc. 2015

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Jopopoe

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