The Last Guardian est un projet déraisonnable.
Presque mort-né alors qu'il était prévu sur PS3 avant d'être ré-annoncé sur cette dernière génération, je me rends compte aujourd'hui que la PS4 crache quand même ses tripes pour afficher les ambitions de Fumito Ueda.
Le jeu est visuellement magnifique, avec ce travail singulier de la lumière, ces paysages vertigineux, ces particules et ces animations complexes, mais au prix de chutes de framerate qui choqueront certains néophytes tandis que les autres se sentiront chez eux... Et comme dans les autres jeux de Ueda, on y retrouvera aussi certains errements dans les mouvements du personnage qui a parfois du mal à sauter et s'agripper là où on souhaite.
Ces imperfections seraient inadmissibles pour n'importe quel blockbuster, mais pour un jeu de la Team Ico, elles sont le signe des efforts qui se sont portés ailleurs, là où ça comptait vraiment pour eux : l'expérience esthétique et émotionnelle.
Ici il s'agit de la bête "Trico" qui est simplement la plus impressionnante créature numérique créée pour un jeu vidéo, sans n'avoir rien à envier aux autres prouesses techniques du cinéma.
Elle a ses humeurs, sa propre autonomie, au point de ne pas toujours répondre à vos ordres, de ne pas répéter deux fois les mêmes actions. Elle est vivante. Ce n'est pas un objet scripté qui va vous accompagner de porte en porte comme tout autre jeu vidéo, mais une intelligence artificielle à part entière qui a l'audace d'essayer de simuler le comportement réaliste d'un animal.
Et le pire c'est que ça marche mieux que vous pouvez l'imaginer.
Cela va sans dire que la relation entre le garçon et la bête concentre le cœur de l'aventure et de son gameplay, mais cette fois dans un registre qui emprunte plus à la philosophie Ico que Shadow of The Colossus , donc il s'agira essentiellement de résoudre des puzzles plus ou moins fastidieux grâce à votre sens de l'observation et vos talents de dresseur. Cette relation évolue progressivement, à travers les épreuves et le fait qu'il n'y ait quasiment aucune fausse note pouvant rendre cette amitié artificielle et forcée, fait que le miracle finit tôt ou tard par se produire : on se sent lié à cette créature, on y partage des émotions pures, ce qui nous fait petit à petit oublier la plupart des moments frustrants(1) du voyage.
En somme, attendez-vous à vivre une aventure qui demandera beaucoup de vous mais qui en retour vous offrira quelque chose d'unique et de précieux. Comme l'a si bien dit Boulapoire dans sa critique dédiée sur Gamekult :
La marque des grandes histoires d'amour se niche dans tout ce qu'on peut y pardonner.
(1) Un ou deux puzzles sont de vraies prises de tête, quand d'autres fois on peut s'agacer de la bête qui comprend pas directement ce que vous lui demander.