(Parlons histoire, non gameplay. Certains le feront bien mieux)

Les zombies, ça fait frissonner, ça dégoute et ça fait vendre. En grande majorité, les jeux traitant du sujet ne vont guère plus loin que « l’épidémie qui a commencé à cause d’irresponsable », « seul contre tous à tout déglinguer » et « sang et violence ». Grossièrement. Et ça n’en fait pas pour autant des mauvais jeux, évidemment ! Toutefois, une autre catégorie de zombification mérite une attention toute particulière. On avait déjà vu dans « Dead Space » une zombification à titre plus religieuse, voyons avec « The Last of Us » une transformation plus naturelle.


En effet, Naughty Dog (« Crash Bandicoot », « Uncharted » …) a choisi pour thème un champignon existant dans la nature : le cordyceps. Il s’agit, en (très) gros, d’un champignon infectant les fourmis et créant des excroissances au niveau de la tête et du cerveau afin de les asservir. Mais ici, le champignon atteint l’être humain, le métamorphosant en une créature plutôt crade très bien foutue, physiquement à mi-chemin entre le zombie et le végétale (en particulier pour les claqueurs) visuellement angoissant. Alors que le jeu commence de nos jours, aux prémices de l’infection, la mise en scène progressive est grandiose, tour à tour lente et angoissante puis nerveuse et oppressante, poussant la fuite en avant de Joël (notre personnage principal), sa fille Sarah et de Tommy (le frère de Joël) jusqu’à l’élément déclencheur : la mort de la jeune fille, abattu par un soldat se contentant de suivre les ordres.


Le jeu reprend donc vingt ans plus tard, à l’été 2033. Si la pandémie a ravagé la quasi-totalité de l’espèce humaine et que la nature a repris le dessus sur la plupart des grandes cités, offrant des panoramas d’une sublime beauté, les quelques survivants vivent entassés dans des villes régies par l’armée et sa loi martiale. La nourriture, denrée rare, n’est distribuée qu’au compte-goutte contre de rares tickets de rationnement. Joël a vieilli, bien plus bourru et taciturne, se livrant au marché noir avec sa partenaire Tess. Les premiers pas de l’aventure se font à tâtons, nous présentant les magouilles du couple pour se faire tickets, munitions et nourritures sous le manteau, nous faisons la connaissance de Marlène, chef du groupe résistant des Lucioles et enfin du personnage central de ce conte sordide : Ellie.


D’abord simple colis du couple, on découvre relativement vite que la jeune fille est infectée par le virus, mais n’en présente pas les symptômes, laissant ainsi penser qu’en tant que porteuse saine, celle-ci pourrait fournir un antidote à l’espèce humaine. Et lorsque la livraison se déroule mal, d’une part parce que les membres des Lucioles chargés de récupérer la jeune fille sont tous mort, que le couple est poursuivi par l’armée et que Tess révèle être infecté et se sacrifie pour permettre à Joël et Ellie de s’enfuir, l’histoire peut réellement débuter.


« The Last of Us » peut ainsi être vu comme un Road-Movie. Partant de Boston, Joël et Ellie vont ainsi traverser une partie du territoire américain, effectuant diverses rencontres (amicale ou non) jusqu’à arriver à leur but. Et c’est en cela que la narration du jeu dévoile son sublime. Les personnages secondaires changent ainsi entre chaque ville et région visitée, permettant à chacun d’avoir une place extrêmement importante et d’être longuement décrit. De cette manière, le joueur a totalement le temps de s’attacher au grincheux Bill, à l’insouciance de Sam, à la relation tumultueuse de Joël et de son frère ou surtout à l’étrange David, tous impeccablement interprété en performance capture. Mais surtout, certains moments de grâce vont illustrer avec beauté et énormément d’émotion l’avancée de la relation entre Joël et Ellie, dans la galère malgré eux avançant vers un but commun.


Mais ne penser qu’au personnage serait ignorer la beauté et la violence du monde extérieur. Car si certaine zone comme Boston tienne debout grâce à la dictature militaire, de nombreuses zones sont revenus à l’état sauvage. Si certaines laissent place à la beauté du règne végétale et animale (les scènes notamment avec les singes ou les girafes), la grande majorité sont aux mains des « chasseurs », en gros des humains ayant refusé de se plier aux ordres des militaires pour vivre dangereusement dans les zones infectées, subsistant à leurs besoins par le vol et le pillage, également par l’attaque de voyageur (notamment visible lors du chapitre à Pittsburgh). Au départ simple vision d’un monde devenu fou, la rencontre avec David apportera une dimension incroyablement psychologique et tordus à ces survivants de l’enfer. Et de cela découlera la fameuse question de savoir qui est réellement le « méchant » du jeu ? Les infectés ou les autres ? Les infectés n’ont plus aucune conscience de ce qu’ils sont, alors que les autres, vivant dans la haine et la peur de l’étranger useront davantage de violence… En cela, « The Last of Us » propose aussi certaines visions réalistes de ce que pourrait bien devenir le monde si ce scénario venait à se réaliser.


Il y aurait tellement d’autres éléments à mettre en valeur afin de souligner toute la beauté cinématographique de ce jeu… Notamment le développement de la relation qui va se nouer entre Joël et Ellie, méfiant et hostile au début, puis de plus en plus proche, symbolisé notamment par les discussions facultatives apparaissant ça et là dans les zones « sûres », tour à tour versé dans l’humour et dans l’émotion, la jeune fille très curieuse de savoir ce qu’était le monde et Joël, au début blasé puis s’attachant petit à petit à elle, de lui raconter de nombreuses anecdotes amusantes… On se prend aisément d’affection pour le duo au fur et à mesure des épreuves qu’ils traversent et de la violence brutale qu’ils encaissent.


En cela, comme Naughty Dog a pu le faire sur Uncharted, le jeu touche au cœur du joueur, dévoilant une histoire partant sur des bases simplistes s’étoffant de plus en plus, frappant à de nombreux moments par sa brutalité et sa violence crue aussi bien que par sa douceur et sa beauté. « The Last of Us » n’a jamais autant mérité son titre de chef-d’œuvre, nous faisant fébrilement attendre la deuxième partie.

Just_an_Ellipsis
10

Créée

le 4 mai 2018

Critique lue 181 fois

NCo Angelito

Écrit par

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