En 1998, la N64 crache tout ce qu’elle a, électrodes comme processeurs, avec son premier jeu The Legend of Zelda, le génial Ocarina of Time, et nous offre du même coup, non seulement ce qui reste son meilleur jeu mais aussi un des meilleurs jeux vidéos toute époque, tout support confondu.
C’est bien simple, avant ça, les aventures de Link n’avaient brillé que sur Nes, Super Nes et Gameboy, dans des jeux excellents (Zelda 3 : A Link to the Past, Zelda : Link’s Awakening) mais dont les qualités restaient limitées par les consoles préhistoriques sur lesquelles ils avaient été développés (vive les jeux d’aventure vus du plafond).
Avec la N64, bien plus performante que ses concurrentes, la PSOne et la Saturn, on passait à un autre level. Ici, Link pouvait explorer un Hyrule pour la première fois développé en 3D et en monde ouvert, que ce soit à dos de cheval ou gambadant vaillamment, en mode « colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent… ». Un GTA 3 avant l’heure donc, où l’on pouvait voler les chevaux, tabasser les passants et se faire du fric en vendant de la poudre de fée à la pègre hyrulienne. Mieux, la narration du jeu nous proposait une intrigue à double temporalité : de Petit Link tranquillement installé comme buraliste dans son bled de la Comté, nous passions subitement en cours de jeu à un Link jeune homme, plus svelte et fringuant, projeté sept ans plus tard dans un Hyrule tombé sous la coupe de l’ignoble Ganondorf, PDG du groupe « Polluons plus pour respirer moins ».
Quoi Ganon ? Encore ce foutu fils de mulet ? On lui avait pas déjà réglé son ardoise dans Zelda 3 ? Ben oui mais là, nous avons droit à un Ganondorf un peu plus classe, à mi-chemin entre un Nicolas Cage sous ecsta et un Vlad Poutine à tignasse rousse, bien avant sa métamorphose en Ganon, le sanglier géant. Monsieur Dorf, ce vil gredin, avait donc ici usurpé le trône de la gente princesse Zelda et bâti sur la charmante villa romaine de la damoiselle, un château si glauque que même Voldemort n’y foutrait pas le nez.
Avant d’arriver face à l’usurpateur, le conteur Linky devait traverser toute sorte de donjons bien casse-coui… compliqués, où il rencontrait tout plein de beau monde et mettait la main sur quelques reliques sacrées censées l’aider à trouer le cuir du vieux Ganon et l’empêcher de réunir la Triforce. C’est quoi ça la Triforce ? Trois artefacts qui une fois réunis offrirait à leur détenteur le pouvoir absolu, chacun des trois représentant une force élémentaire : la Force, la Sagesse et la Connerie. Et l’Ocarina dans tout ça ? Une sorte d’harmonica de forme ovoïde qui permettait non seulement à Link de jouer un petit air sympa façon Francis Lalanne mais avait aussi le pouvoir de switcher entre jour et nuit, de siffler notre noble destrier pixellisé, de nous transporter dans différents endroits sympas ou de nous téléporter (grâce à une mini-Excalibur) d’un bout à l’autre de la puberté, d’une époque heureuse et sans souci à celle plus chiante où l’on commence à payer ses factures de gaz, de beuh et d’électricité. Et puis avouons-le, un harmonica mal fichu sifflant dans le Mordor, c’était toujours plus pratique et moins encombrant qu’une DeLorean échouant en plein Far West.
Au terme d’une quête passionnante et bourrée de personnages télépathes (car oui, technologie de console sumérienne oblige, les personnages n’y parlent qu’en sous-titres), Link finissait par investir la sinistre forteresse du vieux misogyne. Occupé à revisiter sur son orgue le répertoire d’Etienne Daho, Ganondorf se voyait donc dérangé par Link et, l’inspiration ainsi interrompue, se fâchait tout jaune comme un personnage de Dragon Ball. Au terme d’un pugilat incroyablement répétitif, le félon voyait alors sa belle baraque à 253 millions d’euros s’effondrer sur elle-même à cause d’un vis de construction. Link ayant pu sauver Zelda des décombres devait alors se coltiner une dernière fois Ganon et son humeur de cochon. Heureusement la fée Clochette (putain, j’me rends compte que je vous ai pas parlé d’elle une seule fois alors qu’elle nous collait le derche depuis le début du jeu !) la fée Clochette donc (Navi de son p’tit nom), vient nous prêter assistance pour foutre une raclée au sanglier géant qui menace de porter plainte contre Link et sa princesse pour vandalisme et association de bienfaiteurs.
Mais comme tous les grands hommes de pouvoir, le truffier a un point faible : sa queue de trois mètres de long, étonnamment sensible aux lames de hobbits. Ganon calmé et le groin reniflant la poussière, Zelda redevient princesse, Hyrule retrouve ses verdoyantes contrées et Link l’ocariniste se noue la girafe une fois encore derrière son comptoir de p’tit buraliste, vendant des clopes et des jeux à gratter à ses potes Willow et Bilbo tout en rêvant au jour où il serait en âge d’attendre de la princesse plus qu’un petit bécot.
Ça fait rêver non ? Bon, je spoile un peu mais c’est pas un putain de scénario de jeu ça ? Ça vous donne pas envie de céder à la nostalgie et de vous mettre au retrogaming comme tous les vieux quadras type The Big Bang Theory ?
Comment ça, des Zelda, il y en a eu au moins cinquante depuis Ocarina of Time ?
Oui, mais, est-ce que dans les cinquante autres, Link y était tenancier de tabac-presse, hein ?
Est-ce qu’on y cisaillait le membre d’un vilain queutard ?
Est-ce qu’on y entendait une version piano de Week-end à Rome d’Etienne Daho ?
Est-ce que la fée Clochette venait nous y chatouiller les oreilles ?
Réponse : non. Tout simplement.
Nope.
Et c’est bien pour ça que toi, cher lecteur, dois absolument apprendre à jouer d’un Ocarina. Car vois-tu, c’est bien le seul instrument au monde qui permette de redevenir gosse le temps de quelques heures et d’oublier le sérieux d’une vie adulte dénuée d’humour et de magie. Pas besoin d’une vieille relique de cartouche N64 pour ça, Ocarina of Time a si souvent été remaké, repensé, recyclé, qu’une vieille galette de GameCube, de Wii U, de 3DS ou de Switch suffira.
Alors, elle est pas belle la vie chez Mario ?