The Medium
6.1
The Medium

Jeu de Bloober Team et Akira Yamaoka (2021PC)

The Medium, c’est un peu le récit d’une croyance qui avait tout de l’illusoire dès ses prémices, comme l’envie de croire à un coup cœur (esthétique) à la hauteur d’Observer alors que tout de la communication autour du titre inspirait à la vigilance et la retenue.


Il est vrai que malgré mon “attachement” au studio, ayant fait la plupart de leurs productions, en tout cas tous leurs jeux depuis 2016 (Layers of Fear, Observer, Blair Witch, Layers of Fear 2) ce n’est pas un développeur ayant laissé une réelle trace dans mon parcours de joueur. Certes, Observer m’a pas mal accroché, notamment par son ambiance, sa DA et ses coups de folie artistiques, mais que cela soit de Layers of Fear à Blair Witch, on restait dans des propositions de jeu assez sommaires et quasi identiques, l’univers de l’immersion étant le principal point changeant.
Les jeux de la Bloober Team sont, grossièrement, des simulator walking, à la première personne, basés sur l’immersion, l’ambiance, où le joueur est davantage spectateur qu’acteur, et proposant une expérience semblable à une déambulation dans un train fantôme (le joueur étant tout de même titillé à plusieurs reprises dans chaque jeu par une présence qui ne nous veut pas que du bien). Du point de vue de la narration, peu de dialogues, des interactions réduites au minimum, où la découverte de l’environnement et de l’histoire se faisant par le biais de la lecture/écoute de multiples documents et objets.


Dans son essence, The Medium s’inscrit dans les pas de ses prédécesseurs. Néanmoins, le jeu s’écarte des autres productions de la Bloober Team principalement sur deux points : le désaxage du point de vue du joueur, passant de la première personne à une vue à la troisième personne “précalculée”, semblable aux premiers Resident Evil et Silent Hill, et l’arrivée de phases de gameplay en split screen permettant de déplacer le personnage dans deux dimensions parallèle de manière simultanée.


Là où le bas blesse, c’est le manque de pertinence de ces “nouveautés”. D’une part, je considère que cette proposition de game design (le split screen) n’apporte strictement rien vidéoludiquement parlant, tant l’usage qu’en fait la Bloober Team demeure superficielle. A part résoudre des énigmes simplistes et proposer un versant “apocalyptique”, torturé du monde réel-physique on cherche encore l’utilité. Aucun réel travail sur les mécaniques qui s’inscrirait (ou dépasserait) par exemple dans le sillage du Brothers de Joseph Fares en permettant de déplacer les deux personnages de manière différenciée où le déplacement de chaque personnage est assigné à un joystick, cadre dans lequel on aurait imaginé des énigmes fondés sur la coordination et l'interactivité entre les deux dimensions. Je vais être un peu méchant, mais l'impact principal demeurant une chute de framerate quasi automatique à chacune de ces séquences. Raté d’autant plus frustrant quand cette feature a été continuellement mise en avant dans la communication autour du jeu et que le jeu n’a guère d’autres arguments pour se distinguer …


Pour l’autre point susmentionné, ce changement dans la vue, mon grief est lié en partie au game design global du titre. Comme ses prédécesseurs, The Medium demeure fondamentalement une œuvre narrative, de déambulation, or, je trouve que cette essence fonctionne assez peu avec l’usage de ces plans fixes, lui donnant un certain cachet old school. Dans Resident Evil ou Silent Hill, ce choix de game design est créateur (et amplificateur) de stresse, de peur, de questionnements, d’anticipations, du fait qu’il s’agisse d’un “survival” (certes très axé action) où le danger peut arriver à tout moment, la vue étant un élément à part entière de cette ambiance anxiogène. Sauf que dans The Medium, point de ceci, n’étant pas le moins du monde un jeu horrifique ou un survival, le danger n’étant circonscrit qu’à quelques passages où l’on doit échapper à une sorte de Némésis (qui certes est dérangeant, mais dont les séquences demeurent à la fois peu nombreuses et bancales, et je ne parle même pas des moments de fuite totalement ratés ...). Comme dans ses “prédécesseurs”, le joueur se “contente” de déambuler, (très) lentement, dans des environnements vides de toute présence en observant des objets et éléments du décor, résolvant quelques énigmes (ici plus que sommaires, un peu de nouveautés et d’audace que diable !). Cette vue fonctionne pour moi moins bien que l’usage de la première personne dans le cadre d’une telle épure interactive. Réellement, j’étais bien plus immergé dans Layers of Fear ou Observer et je sais que sur moi, cet aspect a joué dans mon immersion, alors qu'ici je suis resté globalement extérieur au récit (la voix off du personnage n'aidant pas par ailleurs ...).


Outre ces points, j’ai aussi été circonspect, ou tout du moins partagé, devant la direction artistique du jeu. Non pas que l’inspiration de l’artiste polonais Zdzisław Beksiński n’est pas intéressante, il y a des plans recherchés, des ambiances de lieux frappantes, mais je trouve que le jeu souffre d’un manque de jusqu’au-boutisme, ou tout du moins d’une folie créative, que je pouvais, dans un autre genre, retrouver dans Observer, notamment dans la dimension “parallèle” qui offrait pourtant un champ d’expérimentation assez vaste sur le papier pour des créations bien plus dérangeantes et malsaines.


Je suis aussi resté un peu sur ma faim par rapport à l’histoire et l’univers de The Medium, non pas du point de vue de la narration (environnementale), plutôt plaisante bien que très classique (comme dans les autres jeux du studio, basée sur la découverte d’éléments de lore par l’interaction avec des objets du décor même si des cinématiques plus explicatives prennent davantage de place ici), mais plutôt du scénario en lui même. Certes, le fond n’est pas inintéressant, c’est dur, sérieux, “adulte”, mais il est vrai que j’aurais préféré que la Bloober Team s'engage davantage dans l’exploration du passé Polonais plus que dans la mise à nue d’un drame familiale, si je peux résumer de la sorte. L’histoire polonaise étant une toile de fond du récit mais j’aurais davantage apprécié qu’elle soit mise au premier plan.


Honnêtement, je pense que le seul aspect ne m’ayant pas laissé de marbre, où à propos duquel je n'ai un point de vue ambivalent et partagé dans The Medium est tout le travail sonore, remarquable, tant du point de vue du sound design (bruits, voix, etc.) que de l’accompagnement musicale (ah tiens encore du référentiel Silent Hill avec la présence de Yamaoka, même si on reste qualitativement éloigné de ce référentiel généalogique).


Conforme à la ligne éditoriale de la Bloober Team, The Medium est une proposition vidéoludique davantage d’artistes que de designers qui m’a laissé sur le bord de la route faute d’avoir réussi à m’immerger dans son ambiance et son récit (condition indispensable pour contrebalancer un game design sinon paresseux, archaïque ou dépassé au moins minimaliste).
Petite déception, en espérant pouvoir retrouver un coup de cœur créatif à la hauteur d’Observer la prochaine fois (sauf si le studio apprend à sortir de ses sentiers (re)battus).

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le 14 févr. 2021

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