Silent Hill n'est pas l'influence la plus facile à égaler et The Medium se révèle très vite incapable de faire preuve de la même ambivalence psychologique ou d'un tiraillement émotionnel oppressant; l'horreur est dépeinte souvent avec grossièreté, malgré l'usage Old School des caméras fixes, et l'écriture présente rapidement quelques lacunes rédhibitoires, à commencer par son héroïne franchement pas bien finaude qui passe son temps à déblatérer des commentaires sarcastiques au joueur pour détendre vainement l'atmosphère ou lui indiquer évidemment la direction à suivre, annihilant rapidement le sentiment d'errance et de solitude qui aurait pu subsister en ces lieux; de plus, elle ne se privera jamais d'émettre une opinion assez tranchée à l'égard d'un récit qui se veut pourtant plus nuancé qu'à l'accoutumée au lieu de laisser le joueur émettre son propre jugement en la matière; bref une certaine lourdeur qui nous rappelle que la distance émotionnelle de James dans Silent Hill 2 était peut être bien finalement une clé de la réussite de ce monolithe crépusculaire.
Qu'à cela ne tienne car le jeu façonnera progressivement sa singularité par rapport à son ainé et proposera de nombreuses fulgurances d'ambiances qui jalonneront ce périple horrifique mais pas vraiment flippant; bien qu'il en emprunte la structure typique dans ses niveaux intérieurs, The Medium a le mérite de grandement fluidifier sa progression par rapport aux Silent Hill habituels : certes, l'exploration en devient quelque peu en retrait mais la narration est moins empiété par les allers retours incertains du joueur sur la marche à suivre; de plus et c'est là sans doute sa plus grande qualité : les énigmes se révèlent particulièrement inspirées, sans être inutilement alambiquées, exploitant judicieusement la dualité visuelle du personnage à l'écran bien que cette mécanique centrale de mondes simultanés se révèle un peu trop en retrait durant l'aventure. Les combats sont également aux abonnés absents, avec donc une certaine tension qui en découlerait, mais à nouveau, l'attention du joueur est ainsi focalisée sur l'intrigue et l'univers dépeints; deux aspects pour lesquels The Medium a fort heureusement beaucoup de choses à raconter et à illustrer. La spécificité narrative du titre est peut être de mettre moins d'emphase sur la psychologie brisée des protagonistes que sur les stigmates d'un monde brisé par les conflits du siècle dernier; ce titre est définitivement plus ancré dans la réalité que les jeux d'horreurs habituels et il contourne plutôt habilement le piège d'une évocation opportuniste de l'Histoire pour conférer à ce titre une amertume sur les ravages causés par des hommes bien réels; le monde alternatif n'est pas tant ici une descente aux enfers rongée par la rouille et la pestilence qu'un voile déchiré sur des êtres tourmentés cherchant vainement la délivrance et si les premiers décors ne payent pas forcément de mine au début, le titre a vraiment des trésors d'ambiance à nous communiquer. A ce sujet, il en devient presque regrettable que le jeu ne dispose que d'un doublage anglais (et non polonais) ce qui malmène parfois quelque peu l'immersion mais il est évident que l'économie était de mise envers cette nouvelle franchise (l'interprétation étant malheureusement de qualité inégale mais pour une fois, Troy - Hipster- Baker fait l'effort de moduler sérieusement sa voix pour qu'elle en devienne méconnaissable et tant mieux!).
Y a t-il une forme de vulgarisation de la formule Silent Hill dans The Medium? Oui, très certainement et en vérité, le titre est bien plus proche de Downpour que des opus originels; pas forcément de quoi être rassuré pour le futur remake à venir de l'illustre deuxième volet et il est par ailleurs amusant de constater qu'à l'inverse de ce titre où James erre en quête de réponses sans savoir ce qui l'attend au tournant d'une ruelle embrumée, l’héroïne de Médium part à la recherche de son passé en étant pleinement consciente des drames qui découleront de ces pouvoirs si elle s'aventurerait par mégarde dans un lieu hanté; Silent Hill distillait la peur (et surtout le malaise) à l'insu du joueur, The Medium, lui, essaie de l'agripper des deux mains en la piétinant un peu sur son passage. Pourtant, malgré cette conscience d'une certaine maladresse de conception, je ne peux nier avoir été transporté par cette histoire vaguement interactive dont l'ambivalence morale a été suffisante pour me faire franchement regretter l'absence d'un choix du joueur au dénouement du récit, par ailleurs assez abrupt; la marque d'un titre qui parvient malgré sa formulation un peu douteuse à poser effectivement les bonnes questions.