The Talos Principle
7.9
The Talos Principle

Jeu de Croteam et Devolver Digital (2014PC)

Souvent mis dans le même sac qu'un certain The Witness par de nombreux joueurs, Talos Principle est un jeu de réflexion à la première personne développé par Croteam, la même équipe derrière les Serious Sam, et publié durant la dernière décennie. J'ai beau ne pas être un fan du genre (ayant beaucoup de mal à réflexer), le jeu dont il est question aujourd'hui m'intriguait depuis un long moment. Déjà parce que, même si je ne suis pas non plus un grand fan de la licence, j'apprécie les Serious Sam, le taf' de Croteam, mais aussi car ce Talos Principle paraissait plutôt ambitieux : outre le changement radical de genre pour ses développeurs, on est face à un titre réputé pour son écriture… effectivement, là encore, on est très loin d'un Serious Sam.


De surcroit, ce Talos Principle ne commençait pas si mal. Largué dans un décor calqué sur celui de l'Antiquité gréco-romaine, nous découvrons très vite que ce monde n'est en réalité qu'une simulation. Pour nous guider, un certain EL-0:HIM (qu'on préférera nommer Élohim malgré son absence de lien avec les Raëliens), littéralement le dieu de cet univers : très paternaliste avec nous, mais aussi très infantilisant. De l'autre côté, en plus des audiologs, des ordinateurs présents un peu partout nous permettrons d'une part d'en apprendre plus sur cet univers, de lire quelques morceaux de textes plus ou moins pertinents ; et de communiquer avec Milton d'autre part (fort probablement un hommage à John Milton, l'auteur du Paradis perdu), « le Serpent » de ce monde, qui s'efforcera de remettre en questions nos différentes positions, se présentant comme une sorte d'antagoniste à Élohim.

Sur le papier, que du bon. Le titre jouit d'une certaine atmosphère qui lui est propre, d'une ambiance qui, paradoxalement, arrive à nous faire sentir seul alors que nous sommes très souvent en train de communiquer avec Milton ou d'entendre quelqu'un (nous) parler. Seul défaut pour le moment : la direction artistique laisse à désirer. Il y a un peu ce côté « prototype de jeu vidéo » qui, certes, s'accorde avec l'esprit de l'univers, mais qui ne marquera pas le joueur tant certains pans manquent d'identité.


Et puis ça se gâte.

Déjà, nos deux « correspondants », Élohim et Milton deviennent très vite inintéressants. Là où le premier reste dans une sorte de logique paternaliste qui nous prend pour le dernier des teubés, le second est juste une sorte d'ado nihiliste qui se croirait plus intelligent que tout le monde parce qu'il aurait lu 2 pages de Schopenhauer. Heureusement, le jeu nous permet d'influer sur sa personnalité, le rendre plus « agréable » à travers les choix que nous effectuons lorsque nous dialoguons avec lui. Mais c'est là une des premières limitations du jeu : en nous permettant d'interagir avec Milton, de « communiquer » avec lui, The Talos Principle nous donne l'impression d'être enfermé dans un dialogue Socratique. C'est bien beau d'avoir plusieurs choix de réponses, mais si c'est pour avoir le choix entre « Tu as raison Socrate », « Socrate, je crois bien avouer que j'ai tort » ou « Encore une fois, tes arguments font mouche Socrate » à chaque fois, aucun intérêt. Avoir un pseudo-débat nul autour d'un sujet qu'on n'a pas choisi et pour lequel les réponses que l'on donne sont beaucoup trop limitées, aucun intérêt là non plus. Et puis, qui doit répondre à Milton ? Moi, le joueur, ou l'avatar que j'incarne ? Les développeurs n'arrêtent pas de se la jouer « *wink* *wink* On brouille les frontières entre le jeu et la réalité, on est très intelligent *wink* *wink* »… bah non du coup. Franchement, j'ai un bagage assez faible en ce qui concerne la philosophie, et j'ai trouvé ce Talos Principle beaucoup trop simplet à ce niveau-là. Difficile de croire qu'un master en philosophie, Tom Jubert, ait bossé sur le jeu.


L'autre problème, ce sont les décors traversés et les documents qui nous sont présentés : la recontextualisation. On passe de l'Antiquité gréco-romaine au Moyen Âge chrétien en passant par l'Antiquité égyptienne. Très bien Croteam, on a compris que vous aimiez l'Égypte antique… ça tombe bien, vous aviez encore les assets de Serious Sam 3 sous la main, c'est pour ça que vous les avez intégrés c'est ça ? Non parce qu'en ce qui concerne Talos Principle, quel est l'intérêt ? Je comprends le passage du monde gréco-romain au monde chrétien, on reste dans la culture occidentale, dans une forme de continuité. Mais en ce qui concerne l'Égypte antique, c'est juste gratuit. Quel intérêt de convoquer les champs d'Ialou si rien ne renvoi aux champs d'Ialou plus tard dans votre jeu ? C'est juste « gratuit » quoi. Le pire c'est que le jeu se permet même de faire des références à l'hindouisme… parce que… pourquoi pas… je parlais des Raëliens plus tôt, franchement, on était à un rien de les avoir aussi dans le jeu. Je déteste cette logique, cette gratuité, de faire des références juste pour faire des références.

C'est quand même marrant le coup du dév' qui met tout ce qu'il aime dans son jeu quitte à ce que ça n'est plus aucun sens, ça me fait penser à un certain Fahrenheit de David Cage. Quoique j'y verrai aussi du Darren Aronofsky tant on retrouve ce côté « subtilité d'un 38 tonnes ».

Des références à l'image de leurs easter eggs. Une sorte de buffet à volonté de tous ceux que les développeurs aiment. Par contre, vous savez ? Moi, j'aime bien les sushis, les lasagnes et la pana cotta… mais séparément. Je n'irai pas jusqu'à mélanger tout ça en même temps. Après chacun ses goûts.


Niveau énigmes, on se rapproche du grand écart de Jean-Claude Van Damme : d'un côté, des énigmes simplistes qui nous récompensent via les sigils nécessaire afin de terminer le jeu ; de l'autre, des étoiles, dont certaines coincées dans le trou du cul de certaines cartes… alors… j'ai beau en avoir obtenu quelques-unes, à aucun moment, je n'ai hésité à tricher afin de savoir comment les débloquer… et je ne regrette rien tant je trouve ce défi inintéressant (pointer le sommet de la pyramide avec un objet invisible incrusté dans le décor, merci mais non merci). Heureusement, les dernières énigmes du jeu, tout du moins celles de la tour, relèvent sensiblement le niveau… mais c'est peu. Par contre, les puzzles sigils : aucun intérêt !

Pour finir sur une note positive, le jeu incorpore une fonctionnalité qui permet d'accélérer le jeu : toujours utile quand on veut tester 2 ou 3 trucs lors d'une énigme ou parcourir la map à toute vitesse. Aussi, le jeu a beau sauvegarder notre partie automatiquement à chaque fois qu'on termine un puzzle, on peut toujours revenir en arrière : bien utile pour débloquer la plupart des autres fins du titre sans avoir à recommencer.


Je disais en introduction que Talos Principle était souvent mis dans le même sac que The Witness par de nombreux joueurs. En l'état, j'aurais plutôt tendance à le considérer comme une sorte d'anti The Witness tant The Talos Principle fait la même chose que lui, mais dans l'exact sens inverse :

  • The Witness cache ses secrets, laisse le joueur les trouver par lui-même ; The Talos Principle les étalent devant nous.
  • The Witness est silencieux ; The Talos Principle est bruyant.
  • The Witness nous propose un seul monde cohérent ; The Talos Principle nous en propose une multitude, bien moins cohérents.
  • The Witness propose une excellente courbe de progression ; The Talos Principle ne décolle jamais vraiment.
  • The Witness est un très bon jeu, probablement l'un des meilleurs jeux de sa décennie ; pas The Talos Principle.

Bref, de quoi commencer l'année par une bien belle déception.

Heureusement, la première fin que j'ai sélectionné m'a permis de me venger, de dire au jeu ce que j'ai pensé de lui.

Créée

le 11 févr. 2024

Critique lue 133 fois

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MacCAM

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