Une expérience narrative que ne vous tient pas la main. Telle est la manière dont The Vanishing of Ethan Carter a décidé de qualifier ses efforts dès ses premiers instants. C'est une appellation intelligente : elle évite de qualifier l'œuvre qui vous est présentée de jeu vidéo et souligne la volonté première du studio. À savoir, raconter une histoire. C'est bien là sa principale ambition et c'est sur cette velléité que j'ai décidé de jauger leurs efforts. Le malheur, d'ailleurs, c'est que le scénario ici proposé est simultanément conventionnel, éculé et pourtant - ce qui est assez stupéfiant - souvent incompris par les utilisateurs qui crient au génie.
Avant de commencer, je tiens à préciser qu'en tant que jeu vidéo le titre remplit ses maigres objectifs. Il vous permet d'avancer le long d'un corridor d'une taille respectable et de rencontrer les divers évènement que vous êtes censés y croiser. Vous y trouverez cinq puzzles. L'un d'entre eux est vraiment excellent et pourrait même passer pour révolutionnaire placé dans un titre susceptible de l'exploiter pleinement. Les autres sont conventionnels mais font leur travail : ils vous bloquent quelques instants histoire d'empêcher l'édifice de sembler juste être une série de séquences narratives qui se prétendent être un jeu. (La question se pose, d'ailleurs, suffit-il d'être vendu sur Steam et le PSN pour être un jeu vidéo? Que dire de ces simulateurs de promenade qui utilisent les techniques de représentation vidéoludiques mais décident d'être dépourvus de gameplay? Dur à dire. Mais la question se pose.)
Ce qui nous amène au scénario. Vous y incarnez une caméra flottante du nom de Paul Prospero. Comme tout bon détective de l'étrange vous avez été appelé à travers l'hypertemps par les appels angoissés d'un enfant nommé Ethan Carter. (Non, ce n'est malheureusement pas le troisième du nom.) L'on vous sous-entend que ce qui se trame ici est très mystérieux. Limite Cthulhuien. Les habitants du coin perdent soudain l'esprit. Leurs pensées sont dominées par une force ancestrale froide et maléfique dont le but pourrait tout aussi bien être de sacrifier l'enfant pour assouvir les besoins scénaristiques du film The Cabin in the Woods. Mais - et c'est ce que les adeptes du titre évitent de préciser - à la fin il se trouve que l'intégralité de ce que vous avez vécu dans le titre n'a pas eu lieu. Il ne s'est rien passé du tout et vous pouvez rentrer chez vous l'esprit tranquille.
Vous étiez juste le fruit de l'imagination d'un enfant étrange qui était - ou n'était pas - mourant. Voilà, ça fera 20€. (Cette explication que je vous présente, d'ailleurs, fait partie des trois conclusions potentielles que les développeurs du titre acceptent comme probables vis-à-vis de ce qu'ils ont écrit. Ils ne veulent pas avoir l'air définitifs, hein. Histoire que votre explication à vous fasse sens et cela même si vous ne comprenez pas vraiment ce qui se passe dans le jeu.)
Sauf que vous y êtes déjà. Et c'est bien là le paradoxe du simulateur de randonnée : malgré son invitation au dépaysement on y fait constamment du sur-place. Dans le même genre... jouez à Gone Home. Au moins son histoire touchante et crédible laisse le souvenir clair d'une émotion ressentie. Une vraie émotion, d'ailleurs, pas juste un twist de fin prévisible et dispensable.