Everything is NOT gonna be okay Clementine
Arrivé comme un owni, débarqué d'une manière originale (bien que le développeur, Telltale Games, soit un habitué du procédé), en épisodes, pour lesquels on paye une fois et on reçoit les épisodes à leur sortie, qu'est vraiment The Walking Dead ?
Un jeu d'aventure pour débutants ?
Un point and click moderne ?
La manifestation définitive que le jeu vidéo est le média le plus abouti ?
La réalisation matérielle d'une de mes idées d'écriture ?
Un Heavy Rain réussi (disons, tout ce qu'aurait du être Heavy Rain et qu'il n'a pas su être) ?
Une bédé interactive ?
Un plaidoyer anti raciste ?
The Walking Dead, c'est tout ça et même un peu plus...
Touchant au coeur même de la définition du jeu, repensant les mécanismes du joueur-spectateur pour mieux l'impliquer, TWD vous emporte dans une spirale puissante.
En acceptant d'incarner Lee Everett, vous acceptez aussi de faire vôtres son passé, son histoire, ses peurs et ses qualités. Lee Everett est un homme responsable, pas parfait, mais profondément humain. D'ailleurs, "humain" est le terme qui caractérise le mieux tous les protagonistes que l'on rencontre tout au long de ces cinq chapitres.
Kirkman, l'auteur de la bédé d'origine, a réussi le tour de force de proposer, au delà d'une expérience sur les zombis, une véritable étude anthropologique en période de crise majeure et définitive. Les hommes et les femmes confrontés à la fin du monde doivent s'organiser, survivre, et affronter l'extérieur et autrui.
C'est dans ce contexte que le joueur prend fait et cause pour Lee et, très vite aussi, pour Clementine, cette fillette de neuf ans, abandonnée seule dans la maison de ses parents et que Lee se met en tête de protéger envers et contre tout. Si le jeu parvient aisément à nous associer à cette cause, c'est justement parce que les personnages sont crédibles et intéressants. C’est bien simple, que vous les aimiez ou les détestiez, tous accusent le coup, aucun n’est manichéen. Chacun d’entre eux trimballe ses peurs et ses espoirs, son passé (toujours convaincant) et ses motivations. Ils sont aboutis, ils sont vrais. Et le hasard faisant bien les choses, vous allez vous les coltiner.
Dans TWD, on joue peu finalement. On dirige Lee, on le fait parler avec les autres, on recherche une entrée, un objet pour accomplir une action, c’est très facile.
Ce qui l’est moins en revanche, c’est de choisir. Dans une situation de crise, et surtout lorsque l’on a quelque chose à protéger (c’est le cas de tous, ce qui provoque des antagonismes forts, surtout quand l’un des survivants voit sa famille décimée sous ses yeux, ou contaminée), et que l’urgence se fait vive, il faut trancher. Comment réagir ? Vous n’avez jamais, comme dans la réalité, le temps de peser le pour et le contre, de parler à tout le monde, de sauvegarder. Vous subissez l’instant. Vous mettre en colère ? Calmer le jeu ? Pourquoi faire ? Qu’est-ce que vous allez déclencher ? Vous n’arrivez pas à vous décider ? Les événements le feront alors pour vous, et vous les subirez avec plus de force encore. De malchance en malchance, vous vous fraierez un chemin à travers ce dédale de marcheurs (les «walkers» tout le jeu étant en anglais, sous-titres compris), à travers campagnes et motels, villes et chemins de traverse.
TWD va vous impliquer, vous faire prendre parti, vous associer aux décisions de Lee. Vous forgerez un personnage calme ou emporté, empathique, déterminé, rassurant ou inquiétant selon vos décisions. Les événements en dépendent. La survie de la petite Clementine (jeune fille adorable) également.
Vous allez vivre une aventure, une expérience unique dont le déroulement vous sera imputable, plus ou moins directement. Vous allez jouer à une version d’un jeu, et c’est l’exploit qu’a accomplit Telltale, vous allez jouer à une version unique de ce jeu. Vous allez vivre un moment qui n’appartient qu’à vous.
N’essayez pas de forcer les limites du jeu, ne refaites pas les choix que vous avez effectués avec vos tripes, sous la pression du moment. C’est vous. Assumez-les. Pour le pire et pour le pire.