Where the sun never shines
Dire que j'ai adoré la première saison de l'adaptation vidéoludique de The Walking Dead est un doux euphémisme tant celle-ci a été pour moi une expérience hors du commun, une tempête émotionnelle qui m'a secoué comme rarement, m'a immergé dans cet univers pour me faire vivre une aventure inoubliable.
Les mois s'écoulant, mon adoration a perdu de son ampleur, mais je conserve une forte estime et un amour pour cette première saison. Si l'annonce d'une deuxième saison m'a immédiatement ravi, j'étais tout de même conscient que cette entreprise était assez casse gueule.
Comment se montrer à la hauteur de la saison précédente ? Il faut à la fois trouver le moyen d’être aussi fort émotionnellement tout en proposant quelque chose de différent qui ne crée pas de redondance.
Un défi hautement délicat… A mes yeux seulement à moitié relevé.
Si j’ai beaucoup apprécié parcourir cette saison 2, elle m’a laissé au final un sentiment amer et confus. Elle est intéressante, elle a ses moments d’intensité, l’ensemble forme un bon jeu… mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, ou qui fonctionne mal, ou qui aurait pu fonctionner beaucoup mieux.
La recette de la saison 1 était parfaite mais ne pouvait pas être appliquée à nouveau. Outre la redondance, cela aurait été vain dans la mesure où le joueur est à présent habitué à cet univers, à cette histoire. Le monde des zombis lui en a fait déjà fait voir de toutes les couleurs. Il n’est plus surpris, il est sur ses gardes… Le premier jeu lui a déjà appris qu’il n’y avait aucun espoir, il lui a fait connaître la douleur et les pleurs. Le joueur n’est plus la petite chose fragile qu’il était, il est maintenant endurci…
… Et Clémentine est ainsi sa parfaite allégorie. Comme si elle avait été écrite pour représenter le joueur dans son parcours de l’univers. Je trouve ça très intelligent. Petit être faible, sans défense, elle a appris dès la saison 1 à surmonter les horreurs et à s’endurcir… Et cela est d’autant plus vrai dans le temps passé entre les deux saisons. Trois ans plus tard, la voilà badass et prête à affronter le monde. Comme le joueur.
Du coup, plutôt que de nous glisser en terrain connu, les scénaristes jouent la carte de la perte totale de repère. Dès le début du jeu nous serons séparés de tous les survivants de la saison 1 pour n’avoir affaire qu’à de nouveaux personnages et de nouvelles situations.
L’environnement sera ainsi hostile car on mettra un certain temps à comprendre à qui l’on pourra faire confiance dans cette histoire.
Je vais le dire d’entrée, je trouve que dans son ensemble le scénario de cette saison 2 est excellent. Si celui de la première était un voyage, une succession de péripéties, une fuite vers l’avant qui ne mène nulle part avec la survie pour seul mot d’ordre, il avait quelque chose à nous dire sur les relations humaines, et plus particulièrement sur l’attachement paternel.
Ce deuxième opus ne perd pas cette réflexion sur l’humain, même si celle-ci est un peu plus cachée. Pour moi, le véritable propos de cette saison ne se révèle que lors du dernier épisode et lors de sa fin que je trouve vraiment très réussie. Sans en dire davantage pour ne pas spoiler le jeu, cette saison parle d’à quel point il est facile de devenir mauvais, de se perdre soi au profit de la violence et de la déraison, à l’image de l’antagoniste du jeu, Carver. La construction est lente, elle passe par différentes étapes, mais quand on y réfléchit, les différentes parties s’emboitent bien. L’épisode final offre une lecture intelligente de l’ensemble de la saison dans le traitement apporté à l’un de ses personnages principaux (que je ne citerai pas).
Ainsi cette saison parle de confiance, de morale, d’éthique, de regard vis-à-vis de la violence dans ce monde, et le fait de manière assez subtile en remettant en question les agissements des membres de son propre groupe plus que ceux des groupes adverses.
Voilà.
Mais comme je le disais plus haut, le scénario que je trouve excellent, c’est celui « dans son ensemble ». Malheureusement, dans son détail, dans son déroulement, celui-ci est vraiment imparfait, et plutôt brouillon même. C’est ce qui crée la confusion, car si j’ai adoré la fin et la manière dont celle-ci fait écho au jeu complet, force est d’avouer que le déroulement de ce jeu ne m’a pas totalement convaincu.
The Walking Dead 2 se perd à trop vouloir en faire, tout en n’en faisant pas assez. Il en fait trop, car il y a trop de personnages, trop de relations à prendre en compte, tant que le contact avec les personnages ne passe pas aussi bien que dans le premier jeu. Les personnages de la saison 1 étaient peu nombreux, cela permettaient de s’y attacher, de les voir évoluer, de se soucier de leur sort. Or, dans la saison 2, il y a tellement de personnages, et il y en a tellement qui meurent par épisode qu’on ne s’y attache pas, on s’en détache, on s’en fiche même et on finit par avoir nos préférés et puis c’est tout.
Quelque chose dans le dosage n’est pas du tout réussi. Oui, avoir beaucoup de personnages c’est une bonne idée, même en les faisant mourir souvent, ça affirme la violence du titre et son propos… Mais ce n’est pas une bonne idée dans un jeu aussi court. En effet, les épisodes durent en moyenne au moins une heure de moins que ceux de la saison 1. Pour que cela soit efficace, il aurait fallu prendre le temps de travailler l’écriture, de renforcer nos liens avec chacun, mais c’est évidemment loin d’être le cas.
J’exagère peut-être un petit peu, il y a de bonnes idées dans l’écriture des relations, mais je dis simplement que celles-ci sont moins fortes que celles nouées dans le premier jeu. Le groupe se compose, se décompose, évolue fortement au cours de la saison… Mais je dois avouer que j’aimais bien le groupe final, celui des deux derniers épisodes grosso-modo, j’y étais vraiment attaché, même s’il y avait des personnages que j’aimais moins. J’aime cette idée d’évolution, de groupe qui n’est pas statique et auquel on s’attache de plus en plus… C’est bien dans l’écriture globale… Mais là encore, pas dans l’écriture de la progression.
Pourquoi ? Cela soulève un problème un peu plus important, en lien avec la politique de TellTale Games. Pour moi, le format épisodique n’est pas du tout approprié à cette saison 2.
Vu que celle-ci vaut principalement par l’évolution de son scénario, on est obligé de passer par des épisodes moins intéressants, ou en tout cas moins intéressant à faire au cas par cas.
Si les épisodes de la première saison formaient chacun une entité avec quelque chose à raconter (moins vrai pour l’épisode 3, mais passons), dans cette saison 2 les épisodes se séparent difficilement des suivants. Le fait de finir chaque épisode par un cliffhanger joue avec cet aspect que j’ai trouvé assez négatif, je pense.
Ainsi, The Walking Dead 2 s’approche trop du format de « série TV » sous-entendu par sa dénomination de saison. Evidemment, la saison est un jeu complet, et les épisodes séparés ne sauraient être des jeux complets, mais le temps d’attente entre chaque épisode casse clairement cette vision globale. Certes, en faisant le jeu d’une traite c’est bien plus appréciable, mais on ne peut s’empêcher de penser au découpage qui parait un peu forcé. On sent tout de même que l’on a cinq épisodes distincts et pas un seul long épisode, et pour moi cela nuit au jeu complet.
Il faut vraiment que la troisième saison se dégage du format épisodique.
Ce que je reproche à l’écriture, c’est aussi de s’adapter assez mal à son statut de jeu vidéo. Les jeux narratifs, j’en suis amoureux, mais ici beaucoup de choses sont imparfaites.
Pour se sentir joueur et donc jouer à un jeu narratif, il faut que l’implication de celui-ci soit forte. La première saison réussissait cela très bien en nous accrochant à de très bons dialogues, mais également en nous piégeant avec des choix extrêmement difficiles à faire en un temps réduit. Mais aussi, elle nous permettait de vraiment prendre le contrôle de notre personnage, de résoudre des énigmes, d’aller parler à nos camarades, d’aller vivre notre vie de personnage de jeu vidéo.
Dans cette saison 2, je trouve que cela est globalement assez raté. Si les dialogues sont tout aussi bon et travaillés, ils laissent beaucoup moins la part à une participation active, les choix sont moins viscéraux (même si certains le sont, tout de même !).
Ce deuxième opus mérite beaucoup plus sa dénomination de film interactif, dans la mesure où la majorité du jeu est composé de cinématique avec QCM. On prend beaucoup moins le contrôle de notre personnage, ces moments sont très rares, il n’y a plus vraiment d’énigmes, on fusionne donc moins avec notre avatar et on est moins impliqué. Telltale ne cherche même plus à faire un point&click, simplement à raconter son histoire. A mes yeux, on y perd beaucoup. A ce titre, les scènes de combats avec les zombies sonnent souvent faux, elles sont forcées, comme si le game designer s’était dit « tiens, il nous faut une scène de combat QTE, où vais-je la mettre dans cet épisode ? ».
Non seulement on joue moins, mais les choix sont beaucoup moins marquants. S’ils peuvent nous surprendre et nous mettre en doute dans un moment de suspense, on n’en retiendra que très peu sur l’ensemble de la saison. A la fin de celle-ci, je n’ai pas d’autres images traumatisantes que celles de l’épisode final… Alors qu’à la fin de la saison 1, les choix et moments viscéraux de la plupart des épisodes précédents étaient aussi gravés dans mon esprit.
The Walking Dead Saison 2 est donc pour moi une bonne histoire, un jeu sympathique à parcourir, qui nous fait vivre de bonnes situations, qui nous fait côtoyer certains personnages auxquels je me suis beaucoup attaché (ils sont quatre pour ma part), et que je conseille à tous car c’est un jeu à faire si on a aimé la première saison. Néanmoins, j’aurais tellement préféré que ce jeu prenne plus le temps de développer ces relations avec ces mêmes personnages, qu’ils nous fassent vivre plus de moment forts, et plus de moments calmes où l’on apprend à s’attacher aux personnages, ou à avoir peur pour eux. J’aurais aussi tellement préféré que ce jeu prenne plus le temps d’être un jeu, comme le faisait la première saison, car ce bâclage de ce côté-là nuit beaucoup à l’immersion.
Ce jeu aurait gagné à être moins brouillon, peut-être un peu plus travaillé dans son écriture, mais ça n’en reste pas moins une étape intéressante dans la saga The Walking Dead, qui propose un final très intéressant (d'autant plus intéressant que les quatre fins sont très différentes!). Clémentine est évidemment affreusement attachante, suivre ses aventures reste un véritable plaisir, tout comme la voir évoluer, c'est une héroïne que j'adore. J'espère que les erreurs de parcours seront corrigées dans la saison 3.