La première sensation que l'on ressent en terminant l'une des fins abruptes de la deuxième saison de The Walking Dead version Telltale semble être de l'amertume. Sensation ambigüe, puisque cette dernière peut revenir à un sentiment d'inachevé et donc de déception. Mais l'amertume ressentie en amenant Clementine au bout de son voyage n'est aucunement péjorative. Au contraire, c'est une amertume pleinement humaine, dont on devrait ressortir grandi, à défaut d'avoir traversé les pires horreurs. Sans que l'on puisse rattraper les erreurs passées, une page se tourne, et ce dans un calme étrange et apaisant : la "Rest Area" vers laquelle nous a mené Telltale, afin de prendre le temps de réfléchir à ce que nous sommes devenus à la fin du jeu.

Qu'est-ce que The Walking Dead sinon un jeu vidéo qui a compris que le plus grand atout de ce medium n'était pas seulement de procurer un plaisir ou une souffrance évidents à incarner des personnages, mais de créer toute une palette d'émotions chez le joueur en lui faisant prendre conscience de la puissance morale de ses choix ? Au final, qu'importe que tout au long de l'aventure et jusque dans les dernières séquences nous prenions telle décision pour Clementine. C'est bien l'effet émotionnel et le poids que cette décision va avoir sur nous, les joueurs, qui fait toute la puissance de ce jeu, sa singularité, son intelligence. Et c'est aussi ce qui rend la saison 2 encore plus forte que la première.

Dès le premier épisode, logiquement intitulé "All that Remains", Telltale isole Clementine pour éviter que le joueur n'ait cette position d'observatrice qu'elle avait dans la saison 1, exerçant un poids sur chacune de nos actions. Elle est littéralement "tout ce qui reste", une page blanche endeuillée mais prête à réapprendre la vie, et tout ce que le joueur fera ou répondra reviendra à écrire sur cette page blanche, à conditionner le personnage pour que progressivement, nous prenions sa place, et que nous ne soyons pas simple spectateur. Voyez plutôt avec les autres titres de la saison. Après ce qui reste, il y a "A House Divided", qui implique de se choisir une famille malgré les inconvénients de celles qui nous sont proposées, soit pour le joueur la nécessité de se positionner d'emblée. Ensuite, il y a "A Harm's Way", qui revient à une mise en danger pour précipiter nos décisions, notre affiliation à telle famille, quitte à multiplier les contradictions. Vient le chef d'oeuvre absolu qu'est "Amid the Ruins", qui dévoile le chaos de nos choix précédents, via un parallèle grandiose entre notre famille éclatée et le pays aux innombrables divisions et sans Histoire que sont les Etats-Unis (cf. le décor magistral qu'est le Mémorial de la guerre de Sécession). La suite logique est donc "No Going Back", le point de non-retour où quoiqu'il arrive, nous devons faire un ultime choix, et confirmer ou infirmer le personnage que nous avons développé. Car oui, dans The Walking Dead, la contradiction est possible, et elle est ce qui rend ce jeu si humain dans sa possibilité de travailler le deuil, le regret, la culpabilité, le souvenir. Dans l'instant présent, nous faisons un choix, mais peu de temps après, celui-ci revient nous hanter continuellement, jusqu'à provoquer le doute, l'ambiguïté, l'incompréhension.

Il est donc normal que ce soit l'amertume qui surgisse à l'issu de cette deuxième saison. Ce que Telltale nous a fait éprouver n'est rien d'autre qu'une tranche de vie, certes teintée de fantastique, mais qui a toujours su trouver des moments de répit pour instaurer une conversation, réfléchir sur les actes passés et sur les émotions que ces derniers provoquent. L'histoire n'est manifestement pas terminée. Ces cinq chapitres n'étaient peut-être que transitoires. Mais leur valeur est que maintenant qu'ils se sont produits, l'important n'est pas ce que nous aurions pu en faire, mais que - pour reprendre les mots d'un des personnages dans "No Going Back" - nous devrons apprendre à "vivre avec"... Une terrible expérience donc, mais qui risque bien de marquer les esprits.
Arthur_Boulier
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le 28 août 2014

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Arthur Boulier

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