Depuis quelques années, j'ai du plus en plus de mal à trouver mon compte avec le cinéma. Sur une poignée de films qui vont vraiment réussir à me toucher ou à me faire réfléchir intellectuellement, il y a aussi tous ces métrages trop politiques, maladroits; mal foutus, voire carrément mauvais en terme de réalisation ou de narration. Telltale est un studio qui m'a fait renouer avec un certain esprit que j'ai un peu perdu, le fait de se laisser totalement porter par une intrigue sans savoir où on va, le fait de s'attacher vraiment aux personnages au point que leur mort en devienne déchirante, la volonté de juste suivre sans anticiper, sans penser clichés, erreurs de mise en scène etc... Et à vrai dire, c'est un studio qui me manque déjà parce qu'entre la folie d'un Tales Of Borderlands ou d'un Wolf Among Us, ou une série magistrale comme Walking Dead je sais déjà que trouver satisfaction pour ces aspects précis redeviendra aussi difficile qu'avant.
Clap de fin pour Telltale mais aussi pour Walking Dead et Clementine, l'un des personnages les plus fantastiques et bien écrits tous jeux vidéos confondus. Clem incarne ici la synthèse de tous nos choix dans les épisodes précédents. Seule avec AJ agé de 5 ans, elle a pour lui le rôle très complexe de grande sœur, mère de substitution et amie. Seule à éduquer le garçon alors qu'elle même son enfance s'est arrêtée à ses huit ans, le moindre dialogue et conseil est marqueur de ce rapport ambigu qu'elle même tient face au bien et mal dans le monde actuel. Car si certains ont reproché le manque de parallèle avec ses liens avec Lee, ou Kenny entre autres, il apparaît logique que Clem se fasse prier pour aborder certains sujets, blocage logique pour une enfant qui n'a jamais eu le temps de surmonter ses traumatismes passés. C'est en arrivant dans une école pleine d'enfants à problèmes que Clem et AJ se retrouvent face à quelque chose de neuf, et si au lieu de fuir il était possible de tout recommencer? Surtout pour AJ, enfant n'ayant jamais rien connu d'autre que l'Apocalypse?
WD est une aventure qui se vit, de l'émotion en briques, soit on se laisse porter, soit on passe son chemin car en soit le gameplay n'a pas vraiment changé. Durant les dialogues certaines réponses nous sont proposées, et les relations avec les personnages se construisent telles qu'on le souhaite. Pour ma part j'ai choisi de devenir amie avec Violet plutôt qu'avec Louis parce que j'ai trouvé son personnage très attachant. Ensuite, il y a ces moments clés où selon nos choix, le scénario est directement impacté, Clementine a d'ailleurs parfois des choix parfaitement radicalement opposés comme se montrer magnanime en plein interrogatoire ou alors agir en tortionnaire par exemple. D'ailleurs si les personnages sont tous très intéressants, le plus intéressant reste AJ dont nos choix ont un impact direct dans la construction de sa personnalité., Et finalement jouer les grandes sœurs dans un monde qui pue la mort et la désolation ça pose des questions morales que rarement on se pose, surtout maintenant que la cinéma a banalisé la violence au point que le plus souvent on se marre quand on voit des gens se faire buter dans un film.
Honnêtement, on est dans ce que le show télé et le comics ont pu proposer de meilleur depuis les tous débuts. Les scènes d'actions sont réussies et dynamiques, certaines séquences ne sont pas simples à gérer mais finalement offrent plus de variété que la simple suite de QTE comme dans les autres épisodes. D'autres passages ouvrent le genre du zombie vers une nouvelle sphère de questionnements, notamment par le personnage de James qui a réussit à rendre le principe des Chuchoteurs plus intéressant qu'il ne l'était dans les autres médias. Ainsi lorsqu'il nous demande si les vivants ne seraient pas prisonniers quelque part dans les dépouilles des rôdeurs, là où le bon sens nous dirait non, le jeu nous offre cette scène sublime dans sa simplicité de mise en scène et dans la musique qui l'accompagne.
https://www.youtube.com/watch?v=ckTgAUtQCVE
Pour un jeu terminé dans l'urgence à cause la faillite du studio, certains ont vus des facilités d'écriture impardonnables. Pour moi quasiment tout se tient. Comment des enfants ont pu survivre aussi longtemps livrés à eux mêmes? Le jeu répond plus ou moins à cette question, les adultes superviseurs sont morts les uns après les autres, et plus d'une trentaine d'élèves y sont passés avant les évènements du jeu. On peut donc en déduire que les enfants ont réussis à évoluer et apprendre petit à petit, notamment grâce à la gigantesque bibliothèque mise à leur disposition.
Autre exemple
La séquence où Minerva nous attaque cachée dans une horde de rôdeurs me semble corroborer au moins un peu avec la théorie de l'humanité des zombies soutenue par James. Perçevant sa folie et son agonie imminente il est vraisemblable que les morts l'aient pris temporairement pour l'une des leurs bien que son regain de vitalité pendant le combat ait fini par la trahir.
En soit ma seule déception vient du fait que finalement les fins soient sensiblement les mêmes, si on excepte les personnages survivants à la fin, AJ se retrouve plus ou moins au même point final bien ça n'aurait pas apporté grand chose que le petit garçon s'engage dans des voix antagonistes. Subsiste tout de même un vrai hic car bien peu vraisemblable.
Le fait que Clementine survive. Certes je suis très content qu'elle s'en soit sortie parce que le parallèle avec Lee ne m’apparaissait pas si pertinent au vu de l'aventure qu'on a traversé. En revanche, on peut avouer que la survie de notre héroïne parait très peu crédible au vu des circonstances.
Je recommande aisément cette série pour quiconque apprécie les scénarios puissants et bien écrits. A présent. Je n'ai joué ni au troisième ni à l'épisode sur Michone mais les épisodes 1,2,4 au moins sont selon moi exceptionnels