Le monstre qui n'en était pas un.
The Witcher, c'est l'histoire d'un type amnésique et blafard (avec les cheveux blancs en plus) qui se retrouve un beau matin pluvieux dans une brouette. Même si c'est peu courant, il est quand même possible que ce soit le résultat d'une cuite qui a mal tourné ... Ah ça, on ne sait jamais ce qui nous attend au détour d'un bon verre de vodka. Certains perdent leur bicyclette, d'autre la mémoire.
Bref, ce monsieur c'est Geralt de Riv, Sorceleur (un obscur mix entre sorcier et bretteur) de son état. Comprenez par là, tueur de monstre professionnel. Le problème c'est qu'il est lui même un monstre, au sens commun du terme. Forcément, les humains (au sens commun du terme là aussi) ne l'aime pas beaucoup, tout comme ses semblables ... quelle douce ironie, un homme transformé en monstre pour protéger les hommes des monstres.
Totalement amnésique, Geralt se retrouve donc à Kaer Mohren, l'antique forteresse des Sorceleurs. Il y retrouve de vieilles connaissances, qui apparemment le connaissaient avant son coma éthylique. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, ces retrouvailles se soldent par une attaque de bandits et au vol de potions alcoolisés de grandes valeurs.
Cet incident marquera le début d'une longue aventure, riche en rebondissement. Une aventure qui m'a personnellement beaucoup marquée, un véritable coup de cœur. Et ce n'est pas seulement parce que j'aime la boisson.
The Witcher, c'est d'abord une ambiance totalement unique. A la fois onirique, enchanteresse, intimiste, folklorique, sombre, mature, mélancolique, [insérer ici un adjectif] ... difficile de poser des mots sur celle-ci. Porté par une OST exceptionnelle, emprunte de mélodie celtique, elle donne une personnalité et un cachet au jeu qu'il est bien rare de rencontrer sur cette génération.
L'ambiance si particulière repose aussi beaucoup sur l'univers original crée par l'écrivain Andrzej Sapkowski. Sombre, violent et mêlant habillement des problématiques actuelles à un univers plein d'elfes et de nains, le jeu s'éloigne des clichés habituels de la fantasy. La ségrégation des non-humains, les pogroms, le terrorisme sont ici monnaies courantes.
La différence humain/non humain est d'ailleurs un des thèmes récurrents du jeu. Geralt, monstre par nature mais humain avant tout, sera confronté à des choix moraux parfois difficiles à trancher. Dans The Witcher, rien n'est blanc, rien n'est noir, tout est gris. Gris, c'est aussi la couleur qui caractérise le mieux le héros. Torturé par un passé qu'il a perdu, torturé par un monde qu'il ne comprend plus, il se révélera tout au long de l'aventure plus humain que n'importe lequel de ses congénères. Monstre par nature, mais profondément homme, dans ses faiblesses comme dans ses forces, Geralt est un des héros les plus attachants que j'ai rencontré depuis longtemps, loin du cliché du bourrin sans cervelle ou de la japoniaiserie vomitive.
The Witcher, c'est également une écriture de haute volée et un scénario prenant riche de rebondissements. La ville de Wyzima, place centrale de l'intrigue, sera le théâtre d'un grand nombre de quêtes secondaires, autre force du jeu : on est ici loin de la quête générique (sauf pour quelques exceptions). Chaque quête est écrite avec attention, et dans certains cas il y a un choix à faire ... on se prend alors au jeu, et même si ça n'a aucune influence sur la quête principale, on pèse longuement le pour et le contre avant de décider. The Witcher arrive à nous immerger dans son univers, et chaque décision finit par avoir son importance, même si c'est uniquement à nos yeux.
Paradoxalement, The Witcher est un jeu dirigiste parsemé de carrefour, de décisions plus ou moins difficiles à prendre. Les zones de jeux sont assez réduites, même si elles sont suffisantes pour explorer et résoudre un grand nombre de quêtes secondaires. Linéarité est un bien grand mot dans ce cas. Il y a bien une quête principale et les zones de jeux sont souvent peu nombreuses tout en étant assez petites, mais une fois lâché dedans, on est libre d'aller résoudre telle quête, explorer telle grotte (ah l'exploration d'un endroit sombre et lugubre à la simple lumière d'une torche, grand moment). Il y a toujours quelques choses à faire, une crypte à explorer, un PNJ à aller voir ... il n'est pas rare de se retrouver avec une dizaine de quêtes en attente. Et c'est aussi ça qui est génial : cette profusion de quêtes secondaires, parfois longues, souvent intéressantes, toujours écrites avec soin.
Pour finir sur une note plus légère, parlons un peu alcool. Spécialité naine par excellence, on retrouvera souvent Geralt en plein duel de binouse avec un habitant du coin. Que ce soit pour obtenir une info ou une récompense, tout sera prétexte à prendre un coup. L'ivresse est retranscrite de manière fidèle ... amateur de simulation, soyez rassurés.
Qui dit alcool dit aussi alchimie. Le jeu gère aussi bien l'alchi que l'ivresse : il y a des dizaines et des dizaines de potions, de la plus classique (soin, endurance, etc ...) à la plus exotique (enlever les effets de l'ivresse ... ça n'a pas bien marché avec son amnésie cela dit). Ces potions sont crées à partir de plantes diverses et variées trouvé durant nos pérégrinations, avec une base d'alcool plus ou moins forte selon la qualité du breuvage. Il est même possible d'essayer des combinaisons d'ingrédients, à nos risques et périls ... l'alchimie est très complète et offre un large choix de potions, huiles, bombes et pleins de trucs sympas (et qui souvent se boivent). Même si le recours à l'alchimie n'est pas toujours indispensable (même dans les difficultés élevées), elle est très appréciable et facilite grandement les choses.
The Witcher comporte quand même quelques défauts, qui ne pèsent pas bien lourd face à tant de qualités. La personnalisation de Geralt est assez ridicule (3 ou 4 armures dans tout le jeu), tout comme l'arsenal disponible. Le système de combat peut également rebuté, même si au final on s'y fait vite (et faut bien avouer que Geralt pète la classe quand il entame un enchaînement bien senti). Voilà c'est tout ce que j'ai trouvé. Désolé je suis très peu objectif sur ce jeu, sans doute la plus grande claque de cette gen pour moi.
The Witcher, c'est une ambiance incroyable servi par une bande son originale qui colle à merveille, ancré dans un univers riche, cohérent, et sombre, saupoudré d'un peu d'alcool et porté par un Geralt de Riv qui restera le héros le plus touchant et le plus attachant (et sûrement pas le plus chiant) de ces dernières années. The Witcher c'est aussi des moments d'anthologie et un chapitre 4 qui figure parmi les plus grands moments de ma vie de joueur.