The Witcher 2, ou la raison de considérer le jeu vidéo comme un art.
Alors, même si de manière générale, je ne souhaite pas faire d'analyse de produits parus il y a quelque temps, trouvant plus pertinent de donner mon avis sur des titres qui viennent de sortir pour aider les lecteurs a se faire une idée sur un jeu encore peu populaire pour leur conseiller ou non l’achat, plutôt que sur des jeux déjà écumés par plusieurs millions de joueurs dont les critiques sont légions. Et qu’aussi ça me donnerait plusieurs centaines de jeux à critiquer (ce qui ne m’est pas concevable, car c’est trop !)
Mais je me devais de faire une exception pour CE jeu : The Witcher 2 : Assassins of Kings.
Suite à un premier opus fort sympathique avec de nombreuses idées et un aspect jeu de rôle plutôt bien mené, mais qui a mal vieilli, le second opus reprend pratiquement tout à zéro, afin d’affiner et d’être le plus fidèle possible aux livres !
Alors oui, quelques soucis traînent encore, notamment au niveau de la cohérence, tel Geralt se baladant toujours avec deux épées, nécessiteux de potion pour mieux voir dans le noir, faisant des roulades pour esquiver, Triss dévoilant des décolletés vertigineux et sa rousse crinière...
Bref… Certainement des choix stratégiques explicables dans la mesure où le reste l’univers est extrêmement bien retranscrits !
Mais en dehors des décisions faites sur l’adaptation des livres, le jeu en lui-même, en oubliant d’où il sort, est juste un des plus riches et réussis de ces dernières années.
Au niveau de la maniabilité, il nous suffit de faire le didacticiel pour déceler l’étendue des options disponibles et comprendre qu’il nous faudra plus de cinq minutes pour tout maîtriser, avant de nous attribuer un magnifique : « Difficulté conseillée : Facile ». C’en est presque vexant…
Niveau affrontement à l’épée : deux types de lames, une en acier classique pour les humains, l’autre en argent pour les monstres, à moduler selon les besoins. Et s’il y a les deux, débrouille-toi.
Deux attaques, une rapide et une puissante, rajoutez à cela une esquive et une parade.
Alors là, ça fait basique. Maintenant, juxtaposons ça aux cinq runes/magies du jeu qui : déstabilisent, brulent, protègent, immobilisent et électrocutent.
A prendre en compte que tout ennemi n’est pas sensible de la même manière aux compétences, que la quantité d’opposants est variable, rendant certaines astuces caduques, et que l’utilisation des runes est « restreinte » par une endurance plutôt chiche, malgré son essentialité au combat. Additionnons à ça la possibilité de disposer des pièges, lancer des bombes et des couteaux, le tout avec des effets divers et variés, tels des nuages empoissonnés inflammables n’attendant que d’exploser. Alors oui ça commence à faire un certain nombre de mécanismes, on pourrait craindre des escarmouches fouillis. Mais il n’en est rien ! La prise en main à la manette est ergonomique, et un menu radial habilement placé permet d’accéder activement aux sorts et pièges. Permettant ainsi des affrontements jouables et surtout agréable, puisque ça répond bien aux commandes.
Le tout, sublimé par un Geralt qui n’est pas un guerrier en armure de plates, rendant chaque assaut perçu important, et que les dégâts selon l’angle d’attaque sont différents (un gros bonus étant attribué aux attaques dans le dos). Du coup, les combats nécessitent des préliminaires, puisque foncer tête baissée dans une horde de Noyadés semble incongru, car ici, nous ne sommes guère dans Assassin ’ s Creed, mais Assassins of Kings, les ennemis t’encerclent et te collettent de concert.
Ce qui nous mène à la stratégie pré-bataille ! En tant que sorceleur, Geralt consomme des potions afin d’affûter ses capacités. Après avoir acheté nos premières recettes, nous souhaitons toutes les essayer ! Mais il n'en est rien, il faut bien optimiser nos sens ! Et autant dire que là, la sélection des mixtures est importante, puisqu'une jauge de toxicité nous empêche d’en prendre de trop puissantes en même temps, et qu’outre cette limite, seulement trois sont ingérables par méditation. De plus, de nombreux effets sont disponibles et savoir les choisir est primordial pour bien survivre.
Félicitation ! Vous avez terminé votre première quête et occis cinq terribles Crabes ! Vous venez de gagner un niveau et de quoi fabriquer votre première armure, ça trou, hein ?!
Chaque niveau apporte un point de compétence à répartir entre trois arbres de compétences dissociés : Runes ; Alchimie ; Bretteur. Il faut compter environ trente points pour remplir un de ces arbres complètement. Et ça tombe bien, c’est à peu près le nombre récupéré sur l’intégralité du jeu. Le choix des compétences désirées est donc à prévoir pour optimiser les capacités de notre cher Sorceleur. Mais il ne nous faut pas oublier les compétences « mutables ». Autrement dit, il nous est possible d’intégrer un mutagène permettant d’améliorer certaines caractéristiques, tels la puissance d’attaque directe, le taux de coups critiques, la capacité de la barre de vie, et autres joyeusetés ! Mais hop hop hop freluquet ! Toutes les compétences ne peuvent pas contenir ces fameuses améliorations ! Et vlan, de nouvelles éventualités s'offrent à nous ! Bien que ce soit des éléments à garder à l'esprit uniquement en mode de difficulté supérieur.
Bon allons plutôt fabriquer nos armures, c’est moins prise de tête. Après avoir rencontré les artisans adaptés à la confection d’artefacts, le plan de l’équipement désiré et les composants essentiels à sa fabrication en poche, il suffit d’une poignée d’orins pour assembler tout cela. Rien de bien compliqué, outre qu'il ne faut pas oublier que des emplacements d’améliorations puissent être disponible, avec des renforts de vie ou de résistance à diverses attaques, et pour les épées, des augmentations des dégâts couplés à diverses altérations.
En parlant d’orins, prudence ! L’agent ne coule pas à flots, savoir gérer ses finances entre l’achat des armures des potions ou des recettes est important, car les quêtes sont assez chiches en liquidité, et notre bourse se voit rarement dépasser la barre des 2000 piécettes ( Master bourse mon gars ! ). Tout ça pour tout dépenser dans de suuupeeeeeeeeeeeeerbes bottines en cuir qui nous protègent un peu plus du feu à seulement 450 orins ! Et puis ce serait con de se priver, il y a les gants assortis pour seulement 200 orins ! Et puis tiens, il me faut des yeux de Nekker pour mes potions et une petite recette de Chat-Huant… Argggg je n’ai plus que 700 orins… Bon bah, retournons à nos chats, histoire de financer mon prochain pourpoint en cuir !
Et voilà, on repart à l’aventure ! Complétons des quêtes ! Oui, mais… de quelle manière ? Car l’accomplissement des quêtes peut se faire de plusieurs méthodes, certaines atteignant jusqu’à six cheminements et dénouements différents. Chacun de nos choix est pris en compte et les récompenses qui en découlent en dépendent. Mais outre l’argent, il y a aussi la morale ! Est-ce que sacrifier cette personne est une bonne chose ? N'aura t'il pas une requête pour moi par la suite si je l’aide ? Et si je le tue, est qu’une répercussion quelconque adviendra ?
De plus, dans The Witcher 2, la plupart des quêtes comportent de nombreux effets tardifs non escomptés. C’est en ça que la scénarisation est bien, voire excellente, l’évolution est propre au joueur, l’expérience diffère grandement entre deux parties. Surtout que les aboutissants ne sont ni tout noirs ni tout blancs.
Beaucoup de personnes font des choix par affinité et pensent aux répercutions à court terme, ne songeant pas à voir au-delà des récompenses immédiates, or ici, pas mal de conséquences viendront se présenter à nous après plusieurs heures, ne nous laissant souvent qu’avec des : « Ah mince ! Mais si j’avais su ! Bah je vais recharger tient… QUOI ?! 3 heures de jeu à me refaire ?! Bon une autre fois… »
De surcroit, lors de l’histoire principale, les ramifications scénaristiques peuvent nous conduire à une des deux zones différentes qui régiront l’intégralité du second acte du jeu. Et pouvoir accéder à l'autre nécessite de recommencer l'aventure. Les choix influent donc toute notre progression ainsi que notre expérience ! Et ça, c’est beau. D'autant que ça rajoute un véritable replay-value.
C’est sans compter que cette épopée est plutôt bien menée ! Et même si je n’en parlerais pas trop pour ne pas dévoiler l’intrigue, le tout est bien ficelé avec de nombreux rebondissements et personnages des livres ! Et ça, servit par une narration entraînante, parsemée de flash-back afin d'expliquer aux nouveaux venus les conditions initiales et éclaircir les enjeux.
Et SURTOUT, c'est un univers riche composé de sa propre mythologie, bien qu’inspirée de beaucoup d’autres œuvres, avec un contexte géopolitique soigné, où les implications tiennent au final bien au-delà de l’histoire que l’on nous présente. C’est en cela que je trouve cette narration excellente, on ne nous assomme pas avec la toile de fond ! Geralt se fiche bien de la politique, il n’est pas là pour ça, mais grâce à ses péripéties il se retrouve mêlé à des bribes de cette histoire qui nous dépasse complètement. Il ne tient qu’à nous ensuite de voir si l’on veut creuser ou non. Mais au besoin, de nombreux livres, textes et personnages, tel Jaskier, nous permettent d'éclaircir certains aspects.
Et n'oublions pas le visuel. En dehors des graphismes intrinsèques qui peuvent toujours, malgré leurs trois ans d’âge, faire pâlir de honte pas mal de jeux de nouvelle génération, venue et à venir, The Witcher 2 se targue en plus d’avoir une direction artistique prodigieuse, accompagnée d’une ambiance unique et d’un souci du détail admirable.
Les effets lumineux sont d’excellente qualité, prenant en compte les éléments sur son chemin, rendant les ombres plausibles ! Les détails affichés à l’écran foisonnent, il suffit de voir la forêt luxuriante, où tout est couvert d’une végétation diverse et variée. Le tout renforce la crédibilité et l’immersion, de même que les effets de brouillard au sol pour renforcer l’ambiance lugubre d’une zone.
Les textures sont fines et travaillées. La structure même des bâtiments a été soigneusement étudiée, de vrais charpentiers numériques !
Les animations faciales sont réalistes, même si par moment c’est un peu crispé. Les tenues et armures ne se déforment pas trop et ne se distendent pas, ne laissant pas croire qu'elles sont en latex.
C’est un tas de petites idées et intentions qui rendent ce titre magnifique, c’est tout simplement fait par des personnes soigneuses et soucieuses du rendu final, de véritables artistes ! Une mention spéciale pour la 3D du jeu (je parle de la 3D avec les lunettes et tout, comme au cinéma !). Elle a un très bon rendu avec des effets de profondeur agréable et dynamisant bien l'action à l'écran. Même si ça ne reste qu’un gadget pour beaucoup, il est toujours appréciable de noter que son accessibilité et sa finalisation !
Tout ça pour finir sur la sortie de ce jeu et de la politique adoptée par CDProjekt, les développeurs derrière ce travail prodigieux.
The Witcher 2 est paru à 40 €, ce qui n’est pas cher pour un logiciel neuf, avec en son sein : une carte du monde ; une lettre traitant d’Henselt, un des protagonistes ; un CD de l’OST ; une copie DVD du making-of ; le guide COMPLET des quêtes ; une pièce maudite, une petite pièce de monnaie à l’identique de celles qu’on trouve durant l'aventure, en métal ; deux figurines à fabriquer en papier.
Alors, oui, c’est du gadget, je suis d’accord, mais pour 40 deniers, on nous offre le jeu et plus encore. Le tout, accompagné d’un éditeur de mods, d’un rajout de contenu GRATUIT (l’Enhanced Edition n’étant qu’une mise à jour du jeu de base, même les détenteurs de la version initiale ont droit aux ajouts via quelque téléchargement), et ils ont viré les DRM de leur jeu.
Là où certains éditeurs poussent toujours plus loin le vice des contenus exclusifs, contenus téléchargeables à la pelle, avec une sortie à 60 €, pour qu’un mois plus tard on nous annonce qu’il y aura XX gros ajouts pour la modique somme de 15 € chacun, CDProjekt a su rester humble et nous sortir un jeu complet, soigné et travaillé à moindre prix.
Compte tenu de tout ça, voilà pourquoi cette oeuvre mérite son petit 10/10. Quand on allie contenu conséquent à une histoire soignée, accompagnée de protagonistes charismatiques, à travers des environnements crédibles, avec une ambiance unique, sublimée par une jouabilité complète et complexe, et servie par des p’tits gars respectueux du consommateur, je ne peux que soutenir et rester admiratif !