À l’heure où les superproductions des gros éditeurs, toujours plus fades les unes que les autres, sortent à un rythme effréné, on peut se demander s’il est encore possible de créer un jeu d’exception. Un jeu capable de marquer les esprits comme le firent en leur temps des jeux légendaires issus de précédentes générations de PC et consoles. Avec The Witcher 3, CD Projekt nous prouve que oui : il est encore possible de développer des jeux AAA d’une qualité quasi irréprochable.



March or die.



Les deux premiers The Witcher étaient déjà excellents, en proposant une adaptation très fidèle des livres d’Andrzej Sapkowski. The Witcher 3, lui, est l’aboutissement de la saga : les développeurs ont pris en compte les défauts des épisodes antérieurs pour nous livrer un titre proche de la perfection.


Ainsi, le système de combat est dans la lignée du 2, mais est bien plus intéressant. Pour pleinement profiter des affrontements contre les diverses créatures dont regorge l’univers du sorceleur, il est important de régler la difficulté en difficile dès le début (Sangs, sueurs et larmes). Cela permet d’obtenir un jeu très exigeant qui ne tolère guère une erreur de mouvement de votre part. Cela rend évidemment les affrontements plus tactiques, vous pousse à lancer vos signes, à confectionner les très nombreuses potions du jeu ou à utiliser des pièges. Personnellement, j’ai monté la difficulté en très difficile (marche de la mort) à partir de la moitié de l’aventure, une fois que Geralt possède un niveau et un équipement corrects. Les combats sont longs et tendus, il n’est pas rare de mourir.


Pour vous aider, vous aurez la possibilité de choisir différents talents vous permettant d’améliorer votre personnage. Ces talents se divisent en trois catégories : le corps à corps, les signes et l’alchimie. À vous de combiner ces catégories ou vous spécialiser seulement dans l’une d’elles, vous faites ce que vous voulez.


De plus, le jeu fait la part belle au craft et l’alchimie. Des centaines de formules pour créer des potions, des épées et des armures bien spécifiques. De très, très, TRÈS nombreux consommables à collecter pour concocter vos mixtures seront nécessaires. Je vous rassure, on ne passe absolument pas son temps à farmer les compos, on les ramassent au fil de l’aventure sur les monstres, dans des conteneurs ou sur la végétation.


En outre, l’interface est loin d’être aussi hideuse que dans le 2, elle s’avère assez efficace, mais on sent tout de même la mauvaise influence des consoles dans certains choix ergonomiques.



Sorceleeeeeur, ton univers impitoyable !



Wild Hunt possède des tonnes de qualités. Une des plus notable, c’est son univers. Un monde extrêmement vaste réparti sur trois immenses zones (Velen, la première, est déjà deux fois plus grande que la carte de Skyrim). Des ambiances radicalement différentes : les marécages et forêts de Velen, la ville de Novigrad et ses alentours et les archipels de Skellige, qui rappellent fortement les fjords scandinaves.


Sa plus grande force, c’est le soin apporté aux détails. En effet, les développeurs ont effectué un travail minutieux pour rendre le tout vivant et crédible.


Concernant l’aspect sonore du titre, les bruitages sont excellents et permettent de s’immerger un peu plus dans l’aventure (le bruit dans la forêt balayée par le vent est saisissant). Quant aux musiques, elles sont d’excellente facture et appuient toujours de manière efficace la situation.


Par ailleurs, CD Projekt a fait le choix d’un monde ouvert pour ce troisième opus. J’étais particulièrement septique à première vue. Cependant, la maîtrise du design du monde est parfaite. Le jeu regorge de grottes, de bâtiments, de ruines, et de divers autres points d’intérêt. Tous sont uniques et possèdent leur propre histoire via un petit descriptif sur la carte du monde. The Witcher 3 nous pousse à l’exploration, à fouiller un peu partout pour trouver des trésors, des lieux et monstres étranges et oubliés des habitants.


Concernant la durée de vie du titre, elle est conséquente. Si vous voulez accomplir la quête principale et toutes les quêtes secondaires, il vous faudra bien 100 heures de jeu. Mais c’est sans compter tous les endroits à explorer : les nids et antres de monstres à détruire, les créatures gardiennes de trésors, les lieux occupés par des personnes indésirables à libérer, etc.


De plus, le jeu possède un bestiaire très vaste et détaillé. Il est possible de lire les notes sur chaque créature, d’apprendre leurs origines, les légendes qui leur sont attribuées ainsi que leurs faiblesses. Et c’est justement sur ce point qu’il dépasse largement les rpg actuels. Les monstres ont une histoire, cela les rend bien plus vivants. C’est d’autant plus fort quand on se rend compte que c’est l’homme lui-même, par sa vanité, sa cruauté et sa lâcheté qui engendre les monstres. Ils ne sont, en réalité, que le reflet de l’humanité. Les scénaristes jouent habilement sur cette ambiguïté, en questionnant sans cesse le joueur : « qui est le plus monstrueux entre le monstre et l’homme ? » et ça, c’est très ingénieux de leur part. Dans la quasi-totalité des jeux, on tue des créatures sans réfléchir, ce sont des monstres donc ils sont méchants, point barre. Dans The Witcher, c’est bien plus nuancé et l’enjeu est, finalement, plus important.


Par ailleurs, l’univers anti manichéen est très loin de la naïveté propre à l’heroic fantasy. On sent le parallèle évident avec le monde dans lequel nous vivons. Rappelons-nous que l’auteur de la saga est Polonais, et quand on nous parle des pogroms des Elfes, Nains et autres races non humaines, on comprend tout de suite l’analogie avec notre propre histoire.


Là encore, c’est assez rare de voir une œuvre qui met l’accent sur les relations entre les différentes races de manière très réaliste. Racisme, persécutions, sont monnaie courante dans le monde du sorceleur. Les humains dominent les autres races, cela ne signifie pas pour autant que ce sont les « méchants ». Ce sont juste eux qui ont le pouvoir et donc les moyens de persécuter les individus différents.



Une écriture irréprochable.



L’autre force du jeu, c’est bien évidemment son écriture. L’adaptation vidéoludique est exemplaire, elle retranscrit en effet fidèlement l’esprit du livre. Que ça soit dans le ton employé par les personnages, leurs caractères, leurs personnalités, etc.


L’intrigue principale, une longue quête où l’on part à la recherche de Cirilla, la fille adoptive de Geralt, est excellente, riche en rebondissements et nous permet de revoir de nombreux protagonistes chers à la série. C’est l’Aventure au sens premier du terme : des moments épiques, d’autres dramatiques et d’autres plus relâchés. Les différents personnages que Geralt côtoie sont toujours très bien travaillés, avec un caractère propre. Fidèle aux livres, The Witcher est très bavard, dans le bon sens du terme. On peut dialoguer assez longuement avec les personnages pour en apprendre un peu plus sur eux et obtenir leurs avis sur le déroulement des événements. Cela donne l’impression d’être devant une personne vivante, et non un bête pnj à qui l’on demande une quête.


On pourrait par contre regretter le nombre insuffisant de visages différents pour les pnj non importants du jeu, ce qui peut parfois gâcher l’immersion.
En revanche, l’ensemble des dialogues sont doublés et la VF, pour le coup, est vraiment excellente, voire meilleure que la VO.


En outre, certains rôlistes critiquent The Witcher 3 en précisant que l’on ne peut pas façonner son héros comme on le souhaite. Et bien, je trouve que c’est mieux ainsi. Geralt a sa propre personnalité, on ne peut pas d’un coup en faire un parfait salopard ou au contraire un chevalier errant qui vole au secours des petites gens. Cela rend les dialogues bien plus intéressants et dynamiques, puisque les scénaristes ont pu les travailler avec finesse en s’adaptant aux réactions de Geralt. Bien sûr, cela ne signifie pas pour autant que vous n’aurez jamais de choix, bien au contraire. Vous devrez faire face à de nombreux dilemmes, et vos décisions auront parfois des répercussions catastrophiques. À vous de bien mesurer vos choix.


Concernant la profusion de quêtes secondaires, CD Projekt ne les a pas bâclées. Elles sont très bien écrites et ne se contentent pas d’être de simple quête Fedex ou de « va tuer 10 monstres ». À chaque quête sa propre histoire et bien souvent… sa propre tragédie.



Next-gen is coming !



Parlons du point qui fâche : oui, The Witcher 3 est moins beau que dans les bandes-annonces, mais pas tant que ça. On est loin des fumisteries d’Ubisoft avec Watch Dog. Le jeu s’avère vraiment magnifique : les jeux de lumière, la végétation, etc. La direction artistique est absolument géniale, les paysages très variés et splendides nous poussent à nous arrêter pour contempler cet environnement plus vrai que nature.


On peut cependant soulever deux points noirs :


– l’eau, même en ultra, n’est pas franchement magnifique. C’est beau, mais on a déjà vu mieux.


– l’optimisation du titre est encore perfectible. Sur ma machine (GTX 770 OC, i5 4670k 3.4 GHz), le jeu tourne en ultra partout sauf pour la végétation, à environ 45-60fps. The Witcher 3 demande donc une grosse config pour fonctionner dans les meilleures conditions. Cependant, les différences entre l’ultra et le moyen ne se voient pas forcément, sauf pour la distance d’affichage de l’herbe qui risque de ruiner l’immersion si elle est au plus bas.


En outre, j’ai lu pas mal d’avis de très mauvaise foi sur le côté bugué du jeu. Je suis le premier à dénoncer les abus des sorties précipitées de certains titres, qui sont disponibles à la vente totalement bugués. Et bien là, ce n’est absolument pas le cas. Évidemment dans un jeu aussi vaste, il y aura quelques bugs, mais en plus de 70 heures de jeu, j’ai été confronté qu’à un nombre minime de bugs. Bien moins que les Elder Scroll à titre de comparaison.



La clôture d’une saga fantastique.



Rares sont les jeux qui séduisent encore de manière quasi unanime les joueurs, The Witcher 3 y parvient et la série du sorceleur restera à jamais dans le cœur des joueurs. Beau, immersif, bien écrit, bien doublé, généreux en contenu, Wild Hunt clôt la saga de la plus belle manière qu’il soit. Il ne vous reste qu’une seule chose à faire : acheter The Witcher 3.

Malakian
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le 10 juin 2015

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Malakian

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