« Réjouir le joueur » ou « Lui en donner pour son argent » semble avoir été le leitmotiv des développeurs polonais de chez CD Projekt avec ce troisième volet des aventures de Geralt. Et avec cette seconde extension, force est de reconnaître que le contrat est rempli.
Pour l’histoire, Geralt se trouve convié sur les terres de Toussaint par la duchesse Anna Henrietta, bien connue des lecteurs de la saga du Sorceleur. Il y règne un mal nécessitant l’intervention d’un professionnel. En effet, les morts cradingues et inexplicables s’accumulent. Comme toujours, ce bon vieux Geralt qui en a bien trop vu ne pourra pas résister et se collera à la résolution de ce mystère. Il s’agira de remonter la piste qui amènera à croiser de vieilles connaissances, improbables pour certaines d’entre elles. Mais chut, mieux vaut ne pas trop en savoir.
Toujours est-il que le duché de Toussaint en met d’entrée plein la vue. Avec ses domaines viticoles évoquant Provence et Italie du Nord, avec ses couleurs vives qui éclaboussent les yeux, le joueur prend immédiatement une claque tant le dépaysement est garanti, critère absent de la précédente extension. CD Projekt semble avoir condensé en une extension toutes les caractéristiques des français et italiens, de même que les clichés qui les poursuivent. Et c’est pour le plus souvent très amusant.
De nouveau, des palanquées de missions et quêtes s’abattent sur le joueur à son arrivée. Si une telle prolifération d’activités réjouit dans un premier temps, il faut bien admettre également que certaines ont l’odeur et le goût du couscous bien trop réchauffé : aller affronter une vingtaine de joueurs de Gwynt pour gagner de nouvelles cartes, remporter un nouveau tournoi de Gwynt, devenir le champion de pugilat de Toussaint, récupérer aux quatre coins du duché les schémas d’armes et armures de Grand Maître des écoles de Sorceleur... CD Projekt est pris en flagrant délit de remplissage, avec des activités qui nous avaient déjà plus qu’occuper dans Wild Hunt.
Mais d’autres quêtes plus passionnantes agrémentent cette ultime extension, au premier rang desquelles la quête principale. Longue et rythmée, tantôt dramatique tantôt drôle, impossible de s’ennuyer. Et le studio de développement ne manque pas cette nouvelle occasion de prouver à quel point le processus d’écriture lui est primordial, qu’il s’agisse de l’histoire, des personnages et des dialogues. Tout sonne juste, ou presque. Alors que la VF m’avait contenté auparavant, j’ai tout de même relevé à plusieurs reprises des soucis de tons concernant des personnages secondaires.
Loin d’être immanquable, cette extension est malgré tout d’une remarquable qualité et il convient de saluer CD Projekt de ne pas l’avoir incluse directement dans le jeu de base. Il semble paradoxal de féliciter un développeur d’avoir amputé son jeu initial pour faire du DLC mais, d’une part, il s’agit d’un DLC au sens noble du terme, et, d’autre part, cette aventure est tellement différente du jeu de base, tant par le ton que par le lieu, qu’il aurait s’agit d’une trop importante parenthèse qui aurait porté préjudice à The Witcher 3 Wild Hunt. Cette aventure mérite d’être découverte plus tard, avec un peu de recul.
Pour finir, il sera signalé l’apparition de nouvelles créatures qui rappellent toutefois fortement celles du jeu de base, d’un nouveau système lié aux mutations qui ne révolutionne rien et l’obtention d’une demeure dans un vignoble qu’il conviendra inutilement d’améliorer.
Un dernier voyage qui pourrait être qualifié d’essentiel pour les amoureux de l’univers, mais de dispensable pour ceux que le jeu original avait contenté en termes de contenu et de répétitivité. Si la qualité et la finition sont au rendez-vous, le manque d’originalité des quêtes secondaires, voire le remplissage par endroits, laissent à penser que CD Projekt a touché avec cette extension les limites de son univers.
Il est donc grand temps pour Geralt de raccrocher ses épées sur le râtelier, de profiter de son vignoble, de bourrer sa pipe et d’attendre patiemment la fin du voyage.
Clap de fin pour l’un de ces rares blockbusters annoncés qui n’aura jamais déçu.