Un univers et un méchant gentil
Comme beaucoup, j'ai connu TellTale Game par la première saison de The Walking Dead, qui reste pour moi un référentiel très fort du renouveau du Point'n'Click sur PC et console. C'est donc un peu naturel que j'appréhende The Wolf Among Us via le prisme de cette première série que j'ai découvert il y a maintenant un an. Et d'ailleurs, sans le succès de The Walking Dead Saison 1, il n'y aurait peut-être pas eu de The Wolf Among Us ...
Pourtant, le parallèle entre la série autour des morts vivants et la déclinaison console de l'univers de Fable montre assez rapidement ses limites tant les deux jeux présentent de différences dans leur conception et leur philosophie.
Là où The Walking Dead S1 nous présentait un univers certes inspiré de la BD mais tendant vers un certain réalisme, centré autour des relations entre les deux principaux personnages, TWAU prend ses distances. Lorsque vous allez démarrer cette première saison, vous constaterez que The Wolf Among Us, c'est avant tout un univers singulier attaché à une direction artistique sans doute déjà un peu vue, mais d'une impressionnante réussite. Dans le premier épisode, Faith, tout est affaire de plans et de couleurs.
L'univers de Fable, très coloré, mais tendant de façon très portée vers le violet, le bordeau, est un univers certes fantastique, mais très glauque. Dans tous les plans, dans tous les personnages, dans toutes les situations, transpire le désespoir et la déchéance de ces personnages de contes pour enfant aujourd'hui relégués au simple statut de citoyen pas tout à fait à part entière. Et parmi eux, Bigby, alias Le Grand Méchant Loup, devenu bien entendu le sheriff de cette petite communauté.
Les deux grands pilonnes qui constituent les fondations solides de The Wolf Among Us sont ceux-ci : un univers parfaitement réussi et esthétique, et un personnage principal doté d'une densité et d'une charisme à la hauteur de l'histoire qu'on souhaite nous raconter.
Mais - pour continuer à filer cette comparaison entre les deux titres majeurs de TellTale - là où TWAU semble en deçà de son aîné, c'est dans la qualité de la narration des aventures du Loup. Contrairement à TWD, TWAU va se focaliser non pas sur l'évolution de relations entre personnages, mais bien sur une véritable histoire de meurtre, de magie noire et d'influence au sein de la communauté de Fabletown. Et bien que ça puisse sembler plus simple, j'ai été un peu déçu par cette narration, moins fluide que celle de TWD : des à-coups, quelques transitions ratées, et surtout une fâcheuse tendance à ne pas suffisamment mettre en avant des éléments qui deviendront clés par la suite.
Je l'admets, cette impression est peut-être en grande partie due au rythme auquel j'ai joué à ce titre, à savoir en suivant, à partir du 3ème épisode, la cadence de sortie des différents opus. Bien que je sois quand même plutôt attentif quand je joue, j'ai l'impression d'être passé bêtement à côté de certains éléments subtils de l'enquête en raison de la trop grande distance séparant deux épisodes. Et pour cette raison, je recommanderai vraiment à tous ceux qui souhaiteraient se mettre à cette saga de faire les 5 épisodes à la suite pour profiter pleinement de la richesse du scénario.
Ce scénario, au demeurant, manque une partie de ses objectifs en ne mettant pas assez en valeur les deux éléments phare de la saga mentionné plus haut dans ce texte. Alors que les deux premiers épisodes permettent vraiment de donner une forte densité à cet univers de Fable, cette incarnation s'efface à mon sens à compter du 3ème épisode pour laisser plus - voire trop - de place aux seuls événements. Moins de plan, moins de glauque, moins de silences ... Dommage. De même, même si la critique est moins marquée que pour l'univers, Bigby aurait pu être encore plus mis en avant, même s'il faut reconnaître à TellTale la crédit de nous laisser suffisamment de marges de manoeuvre pour faire de notre héros un enquêteur consciencieux ou un putain de tueur à la limite du déchaînement.
La saison 1 de The Wolf Among Us reste un bon moment de jeu vidéo, que je recommande malgré ces quelques défauts sur lesquels je me rends compte que j'ai particulièrement insisté. L'univers mature, la direction artistique, l'ambiance particulièrement marquante des deux premiers épisodes, un scénario sans doute pas inoubliable mais quand même intéressant, et surtout des personnages comme sait les faire TellTale possédant une véritable profondeur et une vraie densité.
On regrettera par contre un volet technique non maîtrisé, avec des passages qui manquent de faire planter la console, et pour les non anglophones une localisation française absente qui vous obligera à faire l'aventure en anglais, avec ou sans les sous-titres (en anglais également).
Le Loup est parmi nous, et heureusement, car il y a quelquechose de pourri au royaume de Fabletown. Et le pourri, finalement, on aime bien ça.