Formidable jeu vidéo sur la résilience, The Wreck nous met dans la peau de Junon, une trentenaire hantée par le souvenir d'un accident de voiture. Comme tout trauma, Junon revit cette scène en boucle sans parvenir à la dépasser. Coincée, sa vie est comme arrêtée. Mais quand elle apprend que sa mère est hospitalisée, Junon va entamer sans le savoir une réflexion sur elle-même qui va changer sa vie.
L'idée de mise en scène de The Wreck est brillante. Dans les flash-backs à répétition de cet accident où la voiture tournent sur elle-même, des objets jaillissent du sac à main de Junon. Ces objets symboliques permettent à Junon de revisiter des moments clés de son existence. Les revisiter, pas les revivre. Car Junon entame un travail sur soi. Il ne s'agit pas tant de revoir passivement une scène mais de poser un discours sur ce qu'elle a vécu. De trouver les mots - littéralement d'ailleurs car ils apparaissent à l'écran comme tels, visibles ou cachés dans le décor - pour mieux surmonter cet indépassable accident. Chaque souvenir, dont on ne perçoit pas au début le lien qu'il entretient avec les évènements actuels de l'héroïne, est un traumatisme en soi qui se joue comme une boucle sans fin. Ce qui permet d'en sortir, ce sont les mots qui apparaissent et qui témoignent des progrès du personnage sur ce qu'elle vit, le changement de regard qu'elle opère subtilement sur elle-même et les autres. Comme des clés de compréhension, ces mots permettent d'accéder à des parties enfouies d'un souvenir, de faire remonter à la surface un tabou. Ce qu'entame Junon, c'est une quête de vérité sur elle-même. Si les souvenirs se jouent dans un ordre précis, l'expérience d'un souvenir peut débloquer une saynète supplémentaire dans un autre, un moment de vie en éclairant un autre.
En évitant le piège du jeu didactique, en parvenant à maintenir un registre parlé, en réussissant à varier le dispositif de mise en scène et en s'ancrant dans un réel proche de nous, The Wreck fait preuve d'une profondeur d'écriture rarement atteinte en jeu vidéo. Un instant de vérité en quatre heures de jeu.