This War of Mine
7.4
This War of Mine

Jeu de 11 bit studios (2014PC)

This War of Mine est un jeu de survie/gestion se déroulant dans une ville fictive en pleine guerre civile : Pogoren en Graznavia. Vous vous en doutez, l'Europe de l'Est est ce dont quoi s'est rapproché 11bit Studio, le développeur polonais du titre. Plus précisément, ils se sont inspiré de la guerre de Bosnie, du siège de Sarajevo et encore plus spécifiquement, si j'en crois Pawel Miechowski (à l'écriture) lors d'une interview pour RockPaperShotgun, d'un article anonyme lors du siège de Mostar.
Le titre se distancie tout de même de la réalité en se montrant par exemple très nuancé concernant les belligérants du conflit (des exactions étant commises aussi bien par les rebelles que par l'armée) ou en ne révélant pas clairement le casus belli, bien que certains indices soient tout de même laissés au joueur.


Au niveau du gameplay, j'ai eu l'impression d'avoir affaire à un jeu de zombie inversé : la nuit incarnant le répit et le jour le danger.
La boucle de gameplay est simple, le jour c'est la partie gestion qui opère car nous sommes cantonnés à notre refuge. Il est alors possible de construire des ateliers, de fabriquer des objets ou encore de renforcer les défenses de notre domicile. Aussi, il faut gérer au mieux les différentes « barres de vie » de nos survivants. Cela pouvant concerner aussi bien la faim, la maladie, le sommeil, les blessures que la dépression. Il faut donc prévoir au mieux afin de ne pas gâcher des ressources inutilement sans pour autant que l'état des protagonistes empirent.
La nuit, en plus d'indiquer qui de nos survivants doit monter la garde et dormir, il est indispensable d'envoyer l'un d'eux récupérer des ressources à divers endroits de la carte. Bien sûr, chaque lieu rapporte des ressources différentes (un ancien supermarché contiendra plus de nourriture là où un vieux garage concentrera plus de matériel et de pièce) et, vous vous en doutez, la prudence est de mise lorsque nous visitons certains lieux, certains PNJ n'hésitant pas à tirer à vue.
This War of Mine pourrait donc être qualifié de « war sims » ou encore de jeu « routinier » ; ce qu'on pourrait rapprocher d'un Beholder, Papers, Please ou encore d'un Beat Cop.

Sur le papier, This War of Mine est donc très intéressant. Premièrement parce qu'il fait partie des rares jeux de guerre à centrer leur regard sur les petites gens et non sur des militaires surentraînés massacrant à tour de bras des ennemis déshumanisés sous couvert de violence banalisée. Mais aussi parce qu'en ne dépersonnalisant pas la violence, en laissant au joueur le choix d'attaquer d'autres humains, parfois pacifique, le titre laisse à celui qui tient la manette porter toute la responsabilité de ses actions sur ses propres épaules. Sur le papier donc, le joueur n'a aucune excuse pour rejeter la faute, ou du moins ses responsabilités, sur la narration ou l'écriture (coucou Spec Ops The Line).


Sur le papier en tout cas. Parce que de mon côté, j'ai été très déçu par This War of Mine, notamment à cause de ses nombreux défauts qui, mis bout à bout, m'ont pratiquement gâché l'expérience.


Un drame en trois actes !



La chute !

Très vite, j'ai compris que, bien que je voulusse aimer This War of Mine de tout mon cœur, celui-ci ne désirait pas m'aimer en retour.
En effet, ma première partie, ou du moins ma première tentative, s'est faite dans la douleur.


Déjà, je me retrouvais sans aucune explication à contrôler un père et sa fille (Christo et Iskra). J'apprendrai plus tard qu'on est censé avoir le choix des personnages que l'on incarne et que si j'ai eu droit à ce duo, c'est la faute au DLC The Little Ones qui se lance automatiquement du moment que celui-ci a été installé sur notre disque et qu'aucune autre partie n'est en cours.
Je vais certainement paraître cynique, mais avoir à se trimballer un gosse avec soi lors de ma première partie, avoir cette difficulté supplémentaire, peut vite devenir frustrant… surtout que dans mon cas, ne sachant pas comment gérer la santé mentale des résidents, Iskra pleurait toute la journée. De quoi bien me taper sur le système alors que je ne comprenais pas d'où venaient mes erreurs et ce que j'aurais bien pu faire pour arranger la situation.


Vient ensuite les autres personnages qui me rejoindront durant l'aventure : Anton, un « bon mathématicien », et Emilia, une « avocate talentueuse ». Là encore, j'apprendrai plus tard, en consultant le wiki dédié au jeu, que ces deux statuts permettent principalement de capturer des rats plus facilement (l'une des principales nourritures du jeu), ce qui n'est pas très évident à comprendre vous en conviendrez. Mais, la principale information à tirer de cela sera qu'on a affaire à un « jeu à wiki », à savoir un jeu qui ne divulgue certaines informations qu'à travers son wiki dédié et qui, par corollaire, augmente drastiquement l'écart de niveau entre un joueur usant de cette « solution » et un autre souhaitant s'en soustraire. Personnellement, je préfère m'en soustraire, je pense qu'un jeu doit de lui-même donner toutes les informations, toutes les clés, pour que les bases de son gameplay soient accessibles. Surtout que dans ce cas précis, les développeurs auraient par exemple pu introduire diégétiquement les compétences des différents survivants via leurs dialogues. D'ailleurs, concernant les dialogues, les rescapés répètent sans cesse la même chose et les échanges personnalisés sont globalement rares. Seuls les cas où un personnage souffre de dépression semblant faire exception en nous dévoilant des discussions qui, à priori, eux le sont.


Très vite, je me suis rendu compte qu'en plus d'être lent, le jeu allait être répétitif. Je dois périodiquement effectuer les mêmes tâches, certaines prennent du temps, et il y a parfois de longs moments de creux durant une journée. De surcroît, bien que je puisse passer lesdites journées (à savoir aller immédiatement jusqu'à la nuit), il m'est cependant impossible de les accélérer. Je me retrouve donc très souvent à attendre pour pouvoir effectuer une simple action.
Aussi, je ne peux pas effectuer de sauvegardes manuelles ni revenir en arrière dans ma partie. Pour autant, le titre n'ancre pas mes faits et gestes une fois ceci effectués. En fait, le titre sauvegarde automatiquement à chaque début de journée. Il m'est donc tout à fait possible de revenir en arrière en revenant à l'écran-titre afin de recommencer une journée en cas d'erreur de ma part. Je me retrouve donc face à un jeu qui d'un côté ne possède pas l'ouverture d'un Papers, Please, me permettant entre autres de revenir plusieurs jours en arrière durant ma partie et de créer plusieurs embranchements, ni face à un jeu de survie plus « hardcore » où chaque action que j'effectue est immédiatement sauvegardée… et concernant ce dernier point, en fait ce n'est pas si mal.


Ce n'est pas si mal car le jeu possède tout de même quelques failles, quelques bogues qui, si la fonction « retourner en arrière » n'avait pas été accessible, m'aurait conduit à supprimer le jeu de mon disque dur très rapidement. Outre l'unique plantage que j'ai eu (je n'en tiendrais pas rigueur, bien que le fait de l'avoir eu assez tôt m'a rendu craintif pour la suite), j'ai eu affaire plusieurs fois à un bogue faisant qu'un personnage qui devait accomplir une action avec un autre (parler, donner à manger, etc.) restait sur place ad vitam aeternam, m'obligeant donc à recommencer ma journée. Lors des phases d'exploration, je me suis retrouvé face à un ennemi qui, en plus d'avoir un fusil d'assaut, possédait vraisemblablement des yeux dans dos : ce n'est pas très jouasse de perdre l'un de nos personnages de cette façon. Aussi, j'ai découvert d'autres particularités bien spéciales comme un path finding très hasardeux… et que j'aurais aimé découvrir d'une autre façon que face à un tireur d'élite.
À noter qu'il y a très peu de contrôles disponibles et qu'il n'y a pas de modification possible les concernant. Les clics gauche, droit et du milieu de la souris font exactement la même chose et il n'est pas possible de contrôler indépendamment la caméra. Au final, j'ai très souvent eu l'impression de jouer à un jeu pour tablette.


Ma première partie s'est donc achevée dans la douleur. Anton est mort en aidant nos voisins à déblayer des gravas, Christo s'est enfui avec Iskra car cette dernière faisait une dépression, et Emilia s'est finalement suicidée. Normalement, j'aurais dû être attristé par cette fin, mais les très nombreux défauts mentionnés ci-dessus, ainsi que le fait que je sois un connard misanthrope cynique sans aucun état d'âme (j'ai voté Macron, je fais du trading et je suis actionnaire Total) fait que je n'en ai pratiquement rien eu à faire.


Après cela, j'ai tout de même souhaité laisser une seconde chance au jeu. Déjà, j'avais cette fois-ci conscience de ces très nombreux défauts et, bien qu'ils m'embarrassassent très fortement, j'allais essayais de faire avec (je n'avais point le choix me direz-vous). Aussi, c'est à ce moment-là que je me suis décidé à consulter le wiki du jeu afin d'assimiler les bases que je n'avais pas saisies lors de ma première expérience, comme comprendre par quel moyen je pouvais calmer la dépression de mes personnages.



Un jeu en nuances de gris

À peine eus-je l'idée de lancer une nouvelle histoire que le wiki me fit d'une grande aide. En effet, This War of Mine nous permet de débuter une partie en incarnant divers groupes de personnages (si on oublie le cas mentionné durant ma première tentative). Or, aucune indication, aucun indice, n'accompagne les différents groupes sélectionnables : quelle différence y a-t-il entre sélectionner le groupe « Emilia, Marin et Bories » et « Roman et Katia » ? Ça, le jeu ne me l'indique pas. Après un bref détour sur le wiki du jeu, mon choix se portera donc sur Zlata, Livia et Marko, ces survivants me paraissant les plus adaptés à mon style de jeu.


À noter qu'il y a tout de même du choix. À l'heure où j'écris ces lignes, il y a 15 « histoires » disponibles (bien que certains survivants reviennent d'une histoire à une autre) et en plus de cela, il est possible d'activer le contenu « final cut » ou le mode « anniversary edition »… qu'apportent ces options ? Je ne le sais pas exactement. Là encore, le jeu se montre simple : de nouveaux lieux, de nouveaux personnages… et là encore, il va falloir aller consulter le net pour obtenir plus de renseignements.
L'appellation « histoires » me semble d'ailleurs quelque peu exagéré. Durant mes deux parties, je n'ai pas vu de grosses différences scénaristiques entre mes groupes. Mis à part un panneau d'introduction des survivants quand on lance un nouveau scénario, il n'y a pas de fil conducteur, toujours pas de dialogues entre les personnages sélectionnés (encore moins en fait vu que dans cette partie aucun des membres de mon refuge n'a eu affaire à une dépression) et les rescapés qui nous rejoignent en cours d'aventure se débloquent en frappant à notre porte.
D'ailleurs, l'obtention de ces personnages m'a semblé aléatoire. En tous cas, de ce que j'ai pu tester, après avoir redémarré une journée en cours, c'est un autre survivant qui a frappé à ma porte.


La psychologie des personnages restent complexes pour moi. J'ai beau avoir compulsé le wiki du jeu, je n'ai pas non plus eu envie de me le gâcher totalement en en connaissant tous les détails… du coup, l'un de mes survivants, Roman, a pété un câble sans aucune raison alors qu'il semblait ne manquer de rien.
Un élément important que j'ai découvert assez tard d'ailleurs est la présence d'un « cerveau ruche » entre les différents membres du refuge. Par exemple, si je commets un vol ou tue froidement un innocent, il n'y a pas que le personnage qui a commit l'acte qui en subira les conséquences mais bel et bien le groupe dans son entièreté. Le genre de détail, pas forcément très limpide, mais qui peut gâcher une partie de l'expérience.


Cette seconde partie, je l'ai finalement terminé sans trop de difficultés. En fait, This War of Mine étant un jeu à wiki, la complexité du titre provient en grande partie des connaissances du joueur. Quelqu'un se lançant avec un guide sous la main pourra très certainement terminer le jeu du premier coup. Un certain « skill » est tout de même demandé lors de certaines phases d'explorations, ainsi qu'un certain niveau de chance, notamment face aux quelques bogues qui peuvent survenir de temps à autre.
Le chemin fut globalement long, trop long même. À la fin je m'ennuyais ferme et je suis arrivé au 40ᵉ jour avec un stock encore très important.


Ce qui m'a le plus atterré est le fait que je n'ai pas eu de choix véritablement impactant à faire ou auxquels assister. J'ai pu aider mes voisins à chaque fois qu'il me demandait quelque chose et surtout, je n'ai pas eu à voler ou tuer d'honnêtes gens. De ce que j'ai lu, il serait possible d'assister à des scènes plus « chocs » comme un viol… je n'ai jamais eu affaire à ce genre de scènes durant mes deux parties.
En fait, le problème de This War of Mine est que la guerre n’apparaît pas comme si dangereuse que ça. Durant mes deux parties, je n'ai eu affaire qu'à un seul événement aléatoire ayant tué l'un de mes survivants ; il semble impossible que notre refuge soit touché par un tir de mortier, que l'un de nos personnages soit kidnappé ou que les personnages qui frappent à notre porte nous agressent… en d'autres termes, je n'ai eu jamais à craindre la guerre.
Enfin, le titre a certes du potentiel pour de la narration émergente, mais je n'ai jamais été fan de ce procédé, et encore moins quand il s'agit de l'unique ressort narratif. Je trouve qu'il s'agit d'une excuse facile : je n'ai jamais eu besoin d'une œuvre pour pouvoir me créer mes propres histoires.


Pour finir sur une note plus positive, j'ai apprécié l'utilisation de la radio, véritable liant avec le déroulement de la guerre, apportant à la fois son lot de crainte (l'annonce du froid puis de la neige), son lot de confort (les musiques) ainsi que des annonces sur la hausse et la baisse de la valeur de tel ou tel produit pour le troc.
Le jeu se conclue enfin sur un récapitulatif de notre aventure : classique certes, mais toujours efficace.
Pour finir, il me semble important de préciser que les développeurs redistribuent une part de leurs gains aux victimes de la guerre : l'Ukraine étant actuellement à l'honneur.



Des extensions mieux réussies que le jeu de base

Après avoir enchaîné deux parties, durant de 5 à 10 h chacune, je me décidai tout de même de lorgner du côté des extensions. Si certaines sont intégrées au mode dit « classique », trois d'entre elles concernent le mode « histoire »… et pour le coup, autant je critiquais l'usage de ladite appellation plus haut dans cette critique, autant là, le terme me semble tout à fait à propos.


En effet, le titre possède 3 extensions complètement scénarisées, accessibles à l'unité ou via un traditionnel season pass à 6,99 € (et pour le coup, je ne peux que saluer le faible prix) et dans l'ensemble, surtout comparé à ce à quoi je venais de jouer, j'ai été agréablement surpris.
Chacun de ces trois DLC est donc l'occasion pour les développeurs d'aborder de nouveaux thèmes qui n'étaient pas présents dans le jeu original.
Ils ne sont pas parfaits pour autant, tous ont un démarrage plutôt linéaire et ne sont pas forcément des plus subtiles dans leur écriture. Disons que, pour peu que l'on ait déjà joués à quelques jeux et vu quelques films dans notre vie, on sait où les scénaristes veulent nous mener… même si pour le coup, le fait que le problème soit présent dans les trois épisodes, pourtant écrits par trois scénaristes différents, me fait dire que le problème provient plus des développeurs que des scénaristes eux-mêmes.
L'autre problème majeur des épisodes présents dans ce season pass provient du « semi-aveux » d'échec des développeurs concernant la survie (y compris la partie gestion de refuge) en tant que telle. Encore une fois, le fait que les trois scénarios soient linéaires fait que l'on ne sent jamais vraiment menacé. On sait qu'un personnage gravement malade va s'en remettre car c'est prévu par le script, on sait que si on ne retrouve aucune ressource c'est là aussi parce que le script l'a prévu… bref, j'ai plus eu l'impression de jouer à un film interactif, type jeu Telltale, qu'à This War of Mine.


Pour revenir plus en détail sur chacun des trois épisodes, voici un bref résumé et mon avis les concernant (je précise que je vais divulgâcher quelques éléments).


Le premier, Promesse de père (Fathers's Promise) nous fait incarner Adam, un père cherchant à sauver sa fille, Amelia, qui va malheureusement disparaître du jour en lendemain.
Ce premier chapitre, inspirée d'une pièce radiophonique de l'auteur polonais Łukasz Orbitowski, est l'occasion d'aborder l'amnésie dissociative… puisqu'on se doute très vite que la fille de Adam est plus morte que disparue.
L'intro est pour le coup très poussive, c'est peut-être le pire des épisodes à ce niveau-là, l'unique personnage que l'on incarne refusant par exemple de dormir et de faire la moitié des trucs qu'on lui demande lors des premières minutes de jeu, ce qui a tendance à un peu crisper.
Une fois celui-ci écroulé d'épuisement, et accessoirement une fois sa fille « enlevée », une sorte d'enquête va se lancer pour la retrouver. Malheureusement, cette partie n'est pas assez exploité et se révèle là aussi très linéaire. Il n'y a pas de fausse piste, de mauvaise fin, et le jeu nous le fait clairement savoir quand on est passé à côté de quelque chose.


Le deuxième, The Last Broadcast (le titre est le même en anglais qu'en français) nous met dans la peau de Malik, un radiodiffuseur infirme, ainsi que de sa femme, Esma. Le couple devra faire des choix quant aux informations à diffuser ou non.
Il s'agit clairement de mon épisode préféré. Malik étant handicapé (ce qui n'est encore que trop rare dans les jeux vidéo), il ne peut se déplacer dans tout le refuge et sa femme doit donc régulièrement lui venir en aide, en plus d'être la seule à pouvoir explorer la nuit. Le fait de nous faire incarner « l'homme de la radio » apporte d'ailleurs une certaine consistance au lore du jeu : on met enfin un visage sur l'homme qu'on entend tous les jours lorsqu'on joue en mode survie.
Encore une fois, j'aurais aimé qu'il soit possible d'accélérer le temps par moment, vu que certaines journées dans le refuge peuvent paraître longues… mais en contrepartie, il s'agit de l'épisode qui démarre le plus rapidement.
Esma étant la seule capable d'explorer, celle-ci va à plusieurs reprises être mise au courant de faits et gestes concernant l'armée ou les rebelles, et il va donc falloir décider de dire la vérité ou non à Malik.
Malheureusement, là encore le jeu n'est pas très subtil, et on se doute très rapidement que si on se met l'armée à dos, cette dernière aidera Malik à ne plus utiliser de béquilles pour toute la vie.
Globalement, il s'agit de l'extension la mieux écrite. C'est d'ailleurs Meg Jayanth qui s'en est occupé, écrivaine sur 80 days, Sunless Sea et Horizon Zero Dawn (cherchez l'erreur), et pour le coup, ça m'a bien donné envie de m'intéresser plus à son travail.


Enfin, Braises presque éteintes (Fading Embers) se concentre sur Anja, une jeune femme qui devra sans cesse faire le choix entre préserver la culture de son pays ou sauver des vies.
Bis repetita : le début est très linéaire. Anja se retrouve très rapidement à devoir sauver Ruben, un étranger juif qui va s'écrouler devant chez elle. Le premier quart de cet épisode consiste donc à soigner Ruben puis à quitter le refuge pour s'installer au musée : c'est à ce moment que l'épisode commence réellement à devenir un minimum intéressant.
Pour le coup, j'ai trouvé la fin vraiment décevante et ce pour plusieurs raisons. Premièrement parce que quels que soient les choix que nous effectuons, la cinématique de fin reste globalement la même au niveau de la mise en scène, seuls les dialogues changent. Mais le vrai problème selon moi est que ce troisième et dernier scénario répond lui-même à la question qu'il nous pose durant son introduction, à savoir : est-il préférable de sauver des vies ou de préserver la culture d'un peuple ? Étant un connard mal éduqué finit à la pisse (j'ai voté Macron, je fais du trading et je suis actionnaire Total), je pars du principe que préserver la culture est plus important. À ça, les développeurs répondent clairement que le premier l'est plus. Du coup, on se retrouve avec une fin où la question « philosophique » que le jeu nous pose ne l'est finalement pas tant que ça et où les choix opérés par le joueur durant ces quelques heures d'aventure ne changent que trop peu de choses à sa fin.
Sinon, ce dernier épisode n'est pas totalement traduit et j'ai eu quelques bogues de script durant ma partie… pas plus mal que les développeurs ce soit arrêté après ça ; à force l'ensemble se répétait beaucoup trop de toute façon.


Après, il faut tout de même que je reconnaisse plusieurs autres qualités à ce mode histoire.
Déjà, il y a pas mal de rapprochements possibles avec des faits réels, des choses qui se sont produites durant le siège de Sarajevo. Je pourrais par exemple citer le tunnel présent dans l'épisode 3, qui fait clairement penser au tunnel passant sous l'aéroport et qui a permis à de nombreuses personnes de fuir la ville, ou à l'inverse d'apporter des ressources (armes, provisions, médicaments, etc.) à l'intérieur de cette dernière. Je pourrais aussi faire le rapprochement entre l'attaque de l'armée sur une zone où des civiles sont venues chercher de l'eau dans l'épisode 2 et un fait qui s'est réellement produit en 1993.
Aussi, il y a des liens entre les trois épisodes. Il y a donc la volonté de créer un certains lore, de donner une certaine consistance aux différents personnages qui peuplent Pogoren. Ainsi, on retrouvera Adam, protagoniste de l'épisode 1, s'occupant d'un refuge pour orphelins dans l'épisode 3. Dommage encore une fois qu'il ait fallu attendre les extensions pour qu'un certain ensemble soit mis en place.
Enfin, quelques efforts ont été faits pour avoir des cinématiques et une mise en scène soignée, sans pour autant jurer avec le reste du jeu (on est toujours sur du 2,5D).


Cependant, tout cela m'a encore plus fait regretter tout le potentiel du titre. En effet, j'aurais préféré, qu'à part les modes classiques et histoire, que les développeurs aient opérés une sorte d'entre-deux en créant un unique mode de jeu qui nous aurait permis de suivre des personnages spécifiques avec plusieurs embranchements possibles concernant leur destinée, mais avec une partie survie qui resterait importante et aux mains du joueur.
Parce qu'encore une fois, le mode « histoire » est bien trop linéaire et limité, et le mode « classique » propose quant à lui le même « scénario » qu'importent les personnages sélectionnés. En plus de ça, en plus de revivre les mêmes événements (neige, bombardements nocturne), on traverse systématiquement les mêmes décors d'une partie à l'autre, les mêmes zones avec exactement les mêmes objets aux mêmes endroits, ce qui ne favorise pas la rejouabilité.
This War of Mine aurait mérité de se limiter dans ses choix de personnages, ses choix de modes de jeu, au profit d'une consolidation du tout.



Verdict

Dans l'ensemble, je n'ai donc pas apprécié This War of Mine. Et pour le coup ça m'embête vraiment car le titre avait du potentiel. C'est un jeu avec une intention louable, pour lequel tous les développeurs de chez 11bit studios y ont mit du leur. Ça se ressent particulièrement quand on lit les interviews, nombreux de leurs ancêtres ayant participé au soulèvement de Varsovie. Aussi, des heures de recherche ont été effectuées sur le siège de Sarajevo. Là encore, ça se ressent quand on visionne la bande-annonce The Survivor, qui centre sa caméra sur Emir Cerimovic, consultant sur le jeu, qui s'était échappé avec sa mère et son frère au début du siège.
Le titre ne manque pas d'ailleurs de bonnes idées au niveau de l'ambiance. Il y a des tags sur les murs, parfois décoratifs, parfois pour nous prévenir d'une éventuelle menace : dans l'ensemble, les décors sont travaillés et paraissent crédibles. Un gros effort a été fait pour que l'ambiance soit réussie, et elle l'est. J'apprécie aussi le fait que l'on ait une photo pour chacun des personnages jouables, ça donne l'impression que l'on a des humains en face de nous et cela renforce le parallèle avec la réalité. Enfin, concernant le style graphique crayonné avec une palette de couleurs qui se limite à des nuances de gris : c'est simple mais ça fonctionne toujours.


Le problème, encore une fois, c'est que This War of Mine a beau être bourré de bonnes intentions, cela ne fait pas tout. C'est un titre très limité, trop limité même. C'est un jeu qui, une fois ses mécaniques de base assimilées, ne surprendra jamais le joueur… et c'est pourtant ça que j'attendais de lui ! Que This War of Mine ne soit pas enfermé dans un carcan qui me rappelle systématiquement qu'il est un jeu vidéo, qu'il me mette face à des contradictions insolubles, face à des choix impossibles à faire… en fait, je souhaitais que This War of Mine me fasse subir la guerre, qu'il me confronte à elle, et pourquoi pas à ce qu'il me fasse réfléchir à ce que je suis, aux actions que j'effectue en tant que joueur.
Car This War of Mine est un jeu vidéo (merci Cpt Obvious), mais c'est un jeu vidéo qui s'enferme volontairement dans son statut de jeu vidéo. C'est une œuvre qui conserve ces logiques de risque/récompense et de donner/recevoir propres au média. Pourquoi mes voisins me donneraient-ils des provisions, de l'or, après que j'eus aidé un membre de leur famille en leur donnant des médicaments ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'escrocs voulant profiter de moi ? Pourquoi le jeu se cantonne à nous faire contrôler des personnages qui subissent la guerre ? Pourquoi n'est-il pas vraiment possible de contrôler un connard de la pire espèce ?
J'aurais aimé que This War of Mine me choque. Pas à travers une scène de viol auquel on peut facilement passer à côté si on ne fait pas attention. Encore moins comme un Call of Duty Modern Warfare 2 qui peut choquer via sa mission « Pas de Russe », cherchant au fond juste à créer du buzz facile. Non, je voulais que This War of Mine me choque en me mettant face à la guerre, qu'il me regarde droit dans les yeux et me montre qu'en tant que joueur, tout comme qu'en tant que survivant, je dois prendre des responsabilités.
En fait, j'aurais aimé que This War of Mine puisse me faire ressentir, ne serait-ce que quelques secondes, qu'il est un grand jeu vidéo. Concernant ce dernier point, le pari est raté.

Créée

le 28 mars 2022

Critique lue 169 fois

3 j'aime

MacCAM

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