Titan Chaser
5.7
Titan Chaser

Jeu de Stas Shostak (2021PC)

Dans la région de Bright City, un couvre-feu très strict est imposé chaque soir à la tombée de la nuit.
C'est le moment où vous prenez la route, dans une vieille voiture équipée d'un projecteur fixé sur le toit.
Votre métier : trouver et repousser des créatures gigantesques qui s'égarent dans le coin chaque nuit.


Jusque par son titre, Titan Chaser lorgne du côté du film norvégien The Troll Hunter, un found footage sur les traces d'un homme et son 4x4, chargés de maintenir à distance de toute activité humaine les créatures légendaires qui errent au delà du cercle polaire.
A ceci près que le film dégommait les trolls à la dynamite, alors que Titan Chaser est bienveillant et non violent envers les créatures. Le jeu consiste à utiliser un matériel restreint (voiture et projecteur), ainsi que les infrastructures humaines qui parsèment le paysage, pour guider les titans égarés vers un ailleurs où ils ne seront un danger pour personne.


A en croire les monologues de l'avatar on est engagé pour faire ce taff pendant 1 mois, à raison d'un type de titan à gérer chaque nuit. Actuellement, le jeu en early acess se limite à trois nuits : donc trois titans, et trois manières de les gérer. On utilise essentiellement des infrastructures émettant de la lumière, mais au vu des autres éléments de décor déjà présents (éoliennes, tours radios, avion survolant la map ...) cela devrait varier un peu plus à l'avenir.
La localisation des créatures et la manière de les gérer sont précisées dans les consignes reçues à chaque début de nuit. La réflexion n'est donc pas au centre du jeu, le challenge non plus car les titans sont plutôt dociles et l'échec parait impossible.
Ce qui pousse à rempiler chaque soir c'est autre chose, une ambiance.


Le motel spartiate et son concierge impassible (seul PNJ du jeu), la routine des débuts de nuit, la vieille voiture et son autoradio crachotant, et puis la conduite : à faible allure, sans croiser âme qui vive malgré la présence que l'on devine aux lumières filtrant des maisons, bercé par une musique un peu cringe ou un animateur radio qui raconte des trucs incompréhensibles, tout en scrutant les alentours à travers les vitres pour tenter d'apercevoir la créature promise ... Chaque élément participe à une atmosphère mélancolique, vaguement inquiétante, presque onirique.


La contrainte génère la créativité et cela se vérifie dans Titan Chaser, développé et auto-édité par deux frangins ukrainiens adeptes de la débrouille et de l'artisanat.
Du manque de moyens sont nés les éléments qui font l'essence du jeu : le concept épuré (1 nuit : 1 titan : 1 manière de le gérer) qui marque la filiation avec un autre jeu de chasse aux colosses, la nuit, la solitude, l'absence de HUD, la vieille voiture ...
Sur le dernier point cité, par exemple, plutôt qu'un 4x4 rutilant la voiture est une vieille guimbarde qui craque de partout. D'un côté cela accentue le sentiment de mélancolie qui se dégage du jeu, mais d'un point de vue plus pragmatique permet surtout de tolérer plus facilement sa maniabilité exécrable.
L'absence de carte en HUD quant à elle nous oblige à stopper régulièrement la voiture pour jeter un oeil sur la carte posée sur le siège passager avant de repartir, comme on l'aurait fait il y a encore quelques années, participant aussi à la mélanco-nostalgie générale.


Mais dans un jeu qui mise tout sur l'ambiance, un rendu trop artisanal peut aussi flinguer les meilleures idées de game design.
Et là on est à la limite.
La voiture pas maniable, les reliefs trop anguleux, les décors posés sur la map sans effort d'intégration, le design très générique des titans (des assets probablement chopés dans une librairie de modèles gratuits) ...
La palme du plus frustrant revient aux musiques diffusées par l'auto-radio : c'est exactement le style qu'il faut pour souligner l'ambiance, mais les morceaux sonnent un peu cheap, bricolés sur un vieux synthé et pompés sur des thèmes connus un poil trop évidents.
Sur la forme on frôle le nanar vidéoludique et il faut parfois un gros effort de volonté pour ne pas céder l'implication à la moquerie


Ce jeu serait fantastique s'il était un peu plus pro dans sa finition. Et si on souhaite le meilleur aux deux frangins ukrainiens, on ne peut s'empêcher de rêver avec un peu de frustration à ce qu'il pourrait être dans les mains d'un studio comme Inkle ou Campo Santo.

Laaris
6
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le 2 sept. 2020

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