Too Human : le plus moyen des jeux ambitieux.

2€ : c'est le prix auquel j'ai acheté "Too Human" à l'époque dans une boutique d'occasion. Et comme souvent, quant on est confronté à ce type de situation, à acheter un jeu à ce prix là, que l'on ne connait pas, pour lequel on se fie uniquement à la jaquette, il en résulte deux possibilités : soit l'on vient de faire une bonne affaire sans le savoir, soit hélas le jeu valait son prix... est-il nécéssaire de vous dire dans lequel de ces cas de figure je me suis retrouvé ?

Bien évidemment, sinon cette critique n'aurait pas lieu d'être. Et pourtant, du bon espoir il pouvait y avoir quand on sait que c'est ni plus ni mois que Silicon Knights, le studio à l'origine du très bon "Legacy of Kain : Blood Omen", du très déroutant mais pas moins excellent "Eternal Darkness: Sanity's Requiem" et du remake de très bonne facture de MGS premier du nom "Metal Gear Solid: The Twin Snakes". Malheureusement, même sous la bannière d'un studio de renom, on ne peut être à l'abri d'une grande déception, et c'est bien évidemment le cas pour "Too Human", même si beaucoup de signaux sur le développement du jeu laissait présager que le résultat serait relativement laborieux.

En effet : tout d'abord travaillé et annoncé en 1999 pour la PS1, le jeu connait ensuite une migration vers la Nintendo 64, avant de se retrouver potentiellement sur Gamecube pour finir par échouer en 2008 sur Xbox 360. Et ce n'est pas sorcier de deviner que ce genre de parcours étalé dans le temps (9 ans tout de même, ce n'est pas rien...) est souvent symptomatique d'une production chaotique, surtout au vu des diverses plateformes de passage avec un tel niveau de différence entre ces différents hardwares.

Et autant enfoncer les portes ouvertes : techniquement, cela s'en ressent, avec des graphismes clairement à la ramasse pour un jeu sorti en 2008 (à titre de comparaison, "Dead Space", "Left 4 Dead" et surtout "Gears of War 2", loués pour ses graphismes, sont sortis la même année et sur le même support). Et pour être plus précis, avec de tel graphismes, ce jeu aurait très bien pu sortir sur la Gamecube ou la Xbox première du nom en 2004 que cela aurait pu être parfaitement crédible et surtout moins catastrophique, en particulier pour la modélisation des personnages et de certains paysages (avec toutefois quelques petites fulgurances pour certains décors, si l'on souhaite nuancer). Il en va de même avec le gameplay, avec ses mécaniques mal calibrées, mais surtout des choix de contrôles difficilement expliquables (le fait de pouvoir attaquer AVEC LE STICK ANALOGIQUE... WHAT ?!). Et enfin, s'il y a un point sur lequel "Too Human" n'est absolument pas louable, c'est sur sa fluidité : bien que le jeu emprunte l'Unreal Engine 3, qui est bien loin d'être un moteur de jeu mauvais, il semble galérer lors de cinématiques plus dispendieuses et de phases de jeu plus nerveuses.

Quel dommage pourtant, avec le potentiel créatif dont disposait "Too Human", qui semblait pour autant ne pas tarir d'idée dans sa direction artistique et dans son scénario, en plaçant des divinités nordiques à l'aube du Ragnarok dans un univers de science-fiction, afin d'interroger sur l'existentialisme, la place de l'humain et du divin vis-à-vis de la technologie, la place de l'humain dans le divin, la place du divin dans l'humain... c'est d'autant plus frustrant de pouvoir percevoir les bonnes intentions en cours de jeu sans jamais les voir pleinement s'accomplir dans cet univers qui dispose de tellement de possibilités attrayantes. Mais dans un jeu qui peine à nous faire rentrer de lui-même dans son imaginaire, force est de constater que ça ne marche pas. Et cela même si "Too Human" s'était réellement transformé en trilogie (décision par ailleurs prise en cours de développement. Quelle erreur...)

En conclusion, pas assez mal intentionné et beaucoup trop ambitieux pour le considérer comme mauvais, mais clairement trop en retrait sur ce qu'il défends et en retard sur tout le reste pour le considérer comme bon, "Too Human" : un pinnacle certes... mais celui de la déception.