Après un premier jeu aussi brut dans la fond que dans le forme, Supergiant Games revient sur le devant de la scène avec Transistor. L’histoire d’une jeune femme rendue muette avec pour seul et dernier ami une épée. Pas facile quand le monde autour de nous semble se détruire. Il est d’ailleurs marrant de voir que le silence est un des thèmes centraux du jeu quand c’est la musique qui en régit les règles.
Et dans ce sens le jeu est très réussi. On est seul. Désespérément seul, le tout avec pour seule amie une épée qui nous parle. Ironique non que notre engin de mort soit notre seul interlocuteur et le seul qui apporte un peu de vie ? Mais alors quel compagnon de route ! Avec la même voix que celle du narrateur de Bastion, l’épée prend ici le rôle sauf d’interlocuteur omniscient. Du coup nos états d’âme passent par cette voix. Le ressenti est souvent très puissant, le narrateur prenant constamment la parole pour nous décrire comment il voit le monde, comment ce dernier court inexorablement à sa perte. Certaines de ses phrases sont tantôt drôles, tantôt tragiques. Il s’agit d’un véritable être humain dans cette machine. Je me souviens d’un moment que j’ai vraiment trouvé très juste où l’on regarde une des affiches où apparait l’héroïne et l’épée nous dit « Non Red… Allons-y… Tu te fais du ma… ok… », le tout sur un ton doux et plein de pitié. Il ne s’agit donc plus d’un simple interlocuteur mais d’un vrai personnage, à la présence puissante, réconfortante. Il s’agit surtout du dernier rempart avant la solitude profonde que l’on pourrait ressentir.
Mais il est intéressant de voir que ce n’est pas vraiment lui qui fait la narration, cette dernière est d’ailleurs complètement floue, il faudra apprendre des capacités avec l’épée et les utiliser de différentes manières pour comprendre histoire et background. En ça, je trouve le jeu très pertinent, il nous force à utiliser tout ce que l’on a à disposition pour faire avancer l’histoire. Rester en surface avec le gameplay c’est rester en surface avec l’histoire. Les informations nous arrivent donc au compte-goutte, le tout par des écrits souvent clairs, nets et précis. Mais l’univers de Transistor restera quand même flou à la fin de la 1ère partie, le scénario nous propose de réfléchir sur ce qui nous entoure et sur les actions des responsables mais jamais il ne nous force. Si le joueur n’a pas envie d’écouter ce que le jeu a à lui dire, libre à lui. Ainsi Transistor ne contentera pas tout le monde mais dispose malgré tout d’un charme singulier.
Et jamais le joueur n’est pris pour un idiot, de l’histoire au système de combat en passant par les phases d’entrainement. Encore une fois, on peut rester en surface et le jeu se termine assez facilement d’ailleurs, mais ce serait fermer les yeux sur la richesse que nous propose Transistor. Je peux dire sans en douter qu’il y a des centaines de combinaisons possibles avec les capacités de l’épée, certaines se complétant, d’autres s’annulant. Parfois il faut savoir débuff l’ennemi pour mieux l’attaquer. A chacun sa façon d’appréhender les combats mais une fois le créneau trouvé, on tourne un peu en rond. Certes il faut placer les différentes capacités en soutien d’autres, ou alors en compétences passives pour voir les biographies des différents personnages se débloquer après un seul combat. Du coup on en revient constamment à ce menu peu agréable de sélection où il faudra toujours tout recomposer dans son ensemble et même si on finit par prendre la main on pestera souvent contre cette interface peu ergonomique.
Un autre problème c’est que ces combats reviennent tout le temps. Il est difficile d’avoir cinq minutes tranquille. On arrivera toujours dans une arène avec un combat inéluctable. Le rythme du jeu s’en retrouve un peu haché mais c’est surtout là un manque d’idée pour garder le joueur impliqué. Or, le jeu n’avait absolument pas besoin de ça ! Surtout que les ennemis se répètent constamment, toujours plus forts, plus nombreux, mais les techniques pour les terminer restent souvent les mêmes. Le jeu est beau, la musique est magnifique, ces deux éléments suffisaient pourtant à retenir l’attention du joueur mais il semblerait que les développeurs aient eu peur que l’ennuie s’installe.
Pourtant on ne s’ennuie pas dans Transistor, les décors offrent toujours quelque chose grâce aux nombreuses interactions où l’on entendra Red soupirer et l’épée nous raconter une anecdote. Ce principe est très intéressant car il permet de rendre les décors vivants, on les imagine sans difficulté remplis de personnes crapahutant à travers la ville. Du coup l’univers s’en retrouve affecté et par là terriblement attachant, on se prend de pitié pour cette ville qui subit les conséquences d’un acte à la limite du démagogique. Le tout est renforcé par une bande-son qui frise l’excellence. L’ambiance est fantastique et les musiques retranscrivent à merveille les lieux et les personnages. L’interaction où Red peut chantonner est, par exemple, magistrale car accompagnée d’une mélodie qui enchante. Dès que le jeu commence, après même pas 10 sec, la musique vous emporte. Et même si on revient ou revoit parfois certains décors, qui auront changé malgré tout au cours du jeu, la musique s’adaptera. Tantôt funky, tantôt mélancolique et avec des chants d’une beauté à couper le souffle, la musique est une vraie merveille qui est, en plus, un délice à écouter en dehors.
Transistor reste cependant trop court. Le new game+ est intéressant car il permet de mieux appréhender l’histoire mais il faut avouer que pour le rapport qualité/prix, même si la qualité déborde, le prix est un peu élevé pour ce que propose le jeu. Dommage. D’ailleurs, contrairement à beaucoup j’ai mis 7h 30 pour finir le jeu, alors certes sans me presser mais sans non plus m’arrêter dix minutes sur chaque environnement. Transistor est aussi un jeu qui se regarde, s’apprécie avec les yeux et les oreilles.
Transistor aurait pu tutoyer les cieux mais il se contente d’un envol réussi. Avec une direction artistique fantastique, une bande-son mirifique, une histoire dont on a envie de connaitre la fin et un gameplay bien pensé, Supergiant Games réussit le pari de faire mieux que Bastion car plus puissant dans l’ensemble. Même si le rythme en rebutera certains, même si les combats reviennent trop souvent, même si le dernier boss, bien que génial dans l’idée, soit trop simple à battre, il reste à Transistor de nombreux atouts qui écrasent ses défauts. Transistor est un jeu intelligent qui n’en rajoute pas toutes les deux minutes sur son propos pourtant terriblement accusatoire.
Il s’agit là d’un jeu assez personnel en fait, très attachant et surtout addictif. Je vous jure qu’une fois dans la dernière ligne droite vous n’aurez plus envie de vous éloigner de votre écran. C’est donc après ce final magnifique que je laisse Red et l’épée se reposer quelques temps avant de me relancer dans l’aventure, car je le sais déjà, j’ai envie d’y retourner. Et ça, c’est gage de qualité.
Pour la petite blague j’aurai bien aimé dire que c’est un jeu qui m’a laissé sans voix.