Twin Mirror
5.9
Twin Mirror

Jeu de Don't Nod Entertainment et Bandai Namco (2020PlayStation 4)

"Si on pêche, ce n'est pas pour attraper quelque chose"


Des paysages gris, un personnage jouable dépressif et schizophrène, une histoire anecdotique ; voilà ce qui vous attend avec ce jeu de Dontnod datant d'il y a presque trois ans, maintenant. Mes deux premiers descriptifs du jeu ci-dessus, ne sont pas des points négatifs en soi, mais en rajoutant l'aspect technique du jeu, ils le deviennent. Le gameplay, tout d'abord, est leeeeent. J'ai lancé le jeu, recherchant une expérience vidéoludique plus "calme" que celle dont me fait profiter l'excellent God of War Ragnarök, actuellement. Mais je ne recherchais aucunement de me trimballer un homme de la trentaine, marchant à la vitesse d'un sexagénaire, et qui me donne envie d'abréger mes souffrances plus rapidement que les siennes... Non ! Et ce n'est pas comme si les paysages te poussaient à remonter la pente. On est loin du fameux Arcadia Bay de Life is Strange et Life is Strange before the storm ou des belles zones colorées du road-trip de Sean et Daniel dans Life is Strange 2. Les zones sont moches et génériques, mais par dessus tout ; mortes et vides. A première vue, ça sonne original pour Dontnod ; à la seconde, tout s'éteint. On se rend compte qu'il n'y a pas de son qui sort de ce jeu. En forêt, rien ; au bord d'un cours d'eau, rien. Aucun doublage environnemental, aucune musique, juste le bruit des pas lourd de notre cher protagniste. Si la volonté était de nous faire ressentir l'état mental dans lequel il se trouve en revenant dans sa ville natale, les zones ne sont pas adaptées, par souci de réalisme.

Une zone à toutefois de suite attiré mon attention, celle d'un antre dans la forêt, dans laquelle quelques marginaux, ayant tout perdu, vivent en communauté. L'ambiance y est tout de suite plus chaleureuse ; les tentes sont colorées, des feux de camp sont dispersés par-ci par-là, et une musique de guitare se déclenche. Bien que le lieu soit introduit par ma coéquipière journaliste, familière du lieu, me conseillant de prendre des précautions : "Les gens arrivent ici que lorsqu'ils n'ont plus rien à perdre" - subtile double sens, vous ne trouvez pas ? - je pense enfin sortir de ces dernières zones silencieuses. Je ressens l'envie de rencontrer ces nouvelles personnes. J'ouvre la discussion avec une que je croise ; et quand je repars pour en trouver une autre ; les sons et la musique ont disparu.

Je me suis rendu compte, avec tristesse, en relançant le jeu par chapitre, qu'à défaut de n'avoir fait aucun travail sonore, ceux-ci n'apparaissaient juste pas, qu'ils existaient bel et bien et que j'avais été victime d'un bug pendant l'entièreté de mes deux parties. Sûrement, trop lourds à charger, tout comme les textures qu'on voit à la traîne, lors d'une transition d'après-cinématique. Je ne crois pas que vous aurez la même expérience que moi, puisque certains let's play montrent le contraire...

L'histoire, à défaut d'être originale par rapport au studio ou au style de narration, possède une mise en scène parfois inspirée. Je pense aux scènes dans le palais mental, l'aspect qui, par ses images dans les trailers, m'avait réjoui de la sortie du jeu. Elles font du bien dans ce genre narratif, cassant le ton réaliste avec une imagerie fictionnelle, en décalage avec son univers, comme à la fin de Life is Strange, par exemple. Elles ajoutent une pression supplémentaire. De plus, l'aspect cristallisé de ce monde psychologique, me rappelle l'univers de State of Mind, que j'adore. Esthétiquement, ces scènes sont belles, mais trop similaires à celles que l'on connaît déjà. Il n'y a qu'une seule course-poursuite constituant une nouveauté de gameplay, ce qui est négligeable. Les enquêtes, s'aidant de ce système, pour reconstituer des scènes, ne révolutionnent rien du côté de Dontnod. Il m'était même souvent insupportable, à cause du peu d'intuitivité à trouver la bonne version de ce qu'il s'est produit, enchaînant les looooooongs allés retour entre plusieurs points et les cinématiques de simulation de déduction, jusqu'à trouver la bonne réponse.

Au niveau de l'écriture en elle-même, le concept sur le papier des choix que l'on doit prendre pousse à réfléchir. Faut-il toujours chercher la "vérité objective", au détriment sûrement de notre bonheur personnel, entrainant une difficulté à sociabiliser, ou alors, celle-ci n'est qu'un "mythe subjectif" ? Mieux vaut rester confortable en société. Vous répondrez sûrement de chercher un juste-milieu. N'est-ce pas ce que chacun cherche à faire ? Mais Sam n'est pas comme vous, il est surdoué. Il résonne rapidement, très rapidement, plus rapidement que le temps lui-même. Il sera obligé de faire un choix entre ces deux parties de sa personnalité sans aucune concession. Enfin, en théorie... Puisque concrètement, les choix que l'on nous propose de prendre sont très caricaturaux, à tel point que la personnalité analytique est totalement mise de côté, n'apportant rien de plus sur l'autre, si ce n'est une gêne ou une colère des gens qui l'entourent, et même de nous-même. En regardant les statistiques des choix des joueurs, que nous propose - comme à son habitude - Dontnod, on voit explicitement mes propos. Sam est bien plus équilibré en choisissant d'être empathique, et n'en est pas moins intelligent. Le propos du jeu est ainsi amoindri. De son côté, l'homme personnifiant le côté sociable de Sam est parfois très agaçant également. A l'allure du psychologue, Dr. Moralisateurjesaistout, son introduction dans le jeu est toutefois réussie (comme sa dernière apparition). On entend d'abord une voix, voit ensuite un visage dans un rétroviseur... Lorsque Sam lui répond la première fois, on a l'impression que les personnes réelles qui l'entourent vont l'entendre, et plus tard, on a l'impression qu'elles ne vont pas l'entendre... On est alors obligé de l'écouter donner des morales pendant que d'autres parlent, pour pas qu'elles remarquent sa folie, cela est parfois agaçant.

Le choix de fin est le seul qui peut nous faire changer d'avis, puisqu'il nous priverait de notre palais mental si l'on devient social (même si la nécessité d'aller dans un seul sens uniquement n'est que peu convaincante). Après avoir fait ce choix arrive la scène finale de l'enquête (mort ou vie d'Ana), sauf que l'on ne pourra finalement comprendre avec clairvoyance toute l'affaire que si l'on n'a choisi de prendre le côté analytique. Sinon, on n'en aura que l'impression et seront peut-être plus heureux. On nous met donc directement à la place du personnage, et le choix final aura un impact sur la connaissance de l'histoire du joueur, ce qui est très cool. De plus, cette ultime révélation rajoute une couche, puisqu'on nous repose le dilemme, mais tourné vers les autres, cette fois-ci. Faut-il leur apprendre à travers l'article, ce qu'il s'est véritablement passé, ce qui nuira finalement à leur bonheur ? Ou alors, augmenter leur bonheur, se rendant complice de crime, au détriment de la vérité ? Une question rentrant donc dans le domaine philosophique de l'éthique.

Les personnages nous font ressentir cette onde bienveillante, propre aux précédents projets du studio, et sont souvent le point fort de leurs jeux. Comme je le sous-entendais - en sous-titre de ma critique - avec cette citation portant sur la pêche, lorsqu'on joue à un jeu Dontnod, c'est souvent autant pour l'ambiance et l'âme de l'univers grâce à des environnements et personnages qu'on prend plaisir à côtoyer, que pour avancer dans l'intrigue du jeu. Contrairement aux lieux, les personnages ne font pas exception à la règle. Certains rayonnent et sont finement écrits.

La scène de l'enterrement d'Ana - en ayant en amont promis à son père, Joe - de la protéger, la réaction de ce dernier est nuancée, on ressent toute sa tristesse, et sa compréhension envers Sam.

Les musiques sont plaisantes, quand les musiciens ne font pas grève... Pendant les cinématiques, ils font le taff. L'écriture est aussi sympathique, que ce soit, donc, dans les dialogues, mais aussi dans les collectibles et autres commentaires sur les objets interactifs. "Je doute que les comptes d'Ethan aient un rapport avec le sang sur mon t-shirt". Je trouve ce commentaire assez rigolo, ironisant le genre narratif, sur le fait que l'on est sans cesse en train d'interagir sur des objets sans importance, perdant du temps sur les trames.

Durant ma deuxième partie pour obtenir le platine, j'ai finalement remarqué que je n'avais pas vu l'indication de la touche, permettant de marcher plus vite... et même de courir ! au début du jeu. Je devais sûrement être trop absorbé par les environnements...

JokNico
5
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le 11 avr. 2023

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