Unicorn Overlord est un mélange de RPG et de stratégie par Vanillaware, qui avaient précédemment créé des jeux « cultes » comme 13 Sentinels, Dragon’s Crown ou Muramasa.
Commençons tout de suite par l’aspect le plus décevant du jeu : l’histoire. On incarne un gentil prince d’un gentil royaume envahi par le méchant empereur d’un méchant empire, mais heureusement nos fidèles serviteurs sont là pour rétablir le statu quo et remettre un roi sur le trône à la place d’un empereur, qui veut massacrer tout le monde parce qu’il est méchant, bien sûr. On va donc reconquérir progressivement nos anciennes terres avec ses compagnons d’armes, le tout avec des dialogues très nombreux que vous pourrez sauter sans rien rater d’important, et faire quelques choix sans grande conséquence en-dehors des personnages recrutables. Et ce ne sont pas les quelques tentatives de surprise qui vous retourneront le cerveau : la seconde fois qu’un boss se révèle être un gentil manipulé par le méchant du jeu, vous comprendrez qu’il y a un loup ; la dixième fois, vous penserez qu’on se fout un peu de votre gueule. Je suis un peu dur, car il faut reconnaître quelque chose : l’histoire est basique mais correctement écrite, et elle se laisse suivre, sans être prétentieuse comme celle de Triangle Strategy par exemple..
Créer un RPG tactiques demande une certaine balance entre les deux aspects, et les jeux penchent toujours plus d’un côté ou de l’autre : est-ce qu’un choix stratégique différent permet de renverser un combat, ou est-ce qu’on peut grinder jusqu’à tout écraser avec 10 niveaux de plus ? Ici c’est plutôt bien équilibré, et chaque élément a son importance : il faut bien gérer les classes et l’équipement des persos, mais même avec un niveau supérieur on peut se faire démolir si on n’a pas correctement ajusté les compositions de ses unités ; inversement, on peut réussir à créer une unité très bien équilibrée qui détruit tout sur son passage.
Les combats se déroulent avec des unités composées de 1 à 5 personnages : on les déplace en temps réel sur le champ de bataille, et l’on peut capturer des places fortes (tour de guet, forts, villages), ce qui confère divers avantages ; le jeu fonctionne avec une « pause tactique », c’est-à-dire que l’on peut le mettre en pause à n’importe quel moment pour donner un ordre ou utiliser un objet. Lorsqu’une de nos unités touche un adversaire durant un déplacement, un combat se déclenche : celui-ci se déroule automatiquement en fonction des classes et des actions définies, et on aura vite fait de tous les sauter pour se contenter de voir le résultat. Les combats utilisent un système de points d’action qui se rechargent automatiquement à la fin de chaque affrontement, et un système de fatigue empêche de n’utiliser que 2 ou 3 unités sous peine de les voir rapidement épuisées et donc vulnérables.
Chaque personnage a une liste d’actions possibles selon sa classe, et on peut définir des conditions sur l’utilisation de chaque action : par exemple, demander à un archer de prioriser les unités volantes, ou aux soigneurs de ne soigner que quand les PV tombent sous les 50%. Le système est très poussé et on devra y passer du temps pour optimiser ses unités dans les difficultés les plus élevées, mais en mode normal, on peut se contenter de l’optimisation automatique. Les unités sont disposées sur une petite grille de 2×3 cases : il faudra l’organiser en fonction des forces et faiblesses de chaque unité, et mettre classiquement les défenseurs à l’avant et les magiciens et archers à l’arrière, en essayant de créer des unités équilibrées ou spécialisées selon ses envies et besoins. On pourra également recruter des mercenaires et complètement les personnaliser, mais comme on obtient déjà plus de personnages uniques (et puissants) que ce que l’on peut utiliser, on se contentera de les recruter pour stationner dans les villes conquises.
Le principal défaut de Unicorn Overlord s’aperçoit après quelques heures de jeu : il y a tout simplement trop de classes de personnages. Introduites petit à petit, on commence avec les classiques chevaliers, soldats, archers, magiciens, etc ; mais comme on continue à en avoir de nouvelles, ainsi que des variations, on se retrouve avec beaucoup trop de variantes du même archétype : pour le simple type « archer » on a chasseur, arbalétrier, archer elfe, plus les classes avancées de chacune, plus les classes uniques de certains personnages ! Chaque archétype se décline ainsi en 3 ou 4 variantes, avec des différences parfois marquées, parfois subtiles, et jamais très intuitives : c’est beaucoup trop, il n’y a aucun moyen de tout retenir tellement il y en a, et ça donne un peu un effet « quantité plutôt que qualité » ; le « triangle des armes », classique du genre, en est tellement complexe qu’il ressemble plutôt à une pelote de laine. Cette complexité exagérée couplée à la limitation de composition des unités m’a donné un effet inverse en terme de stratégie : à ne plus savoir comment composer efficacement mes unités, je les ai faites un peu au hasard, et modifiées jusqu’à trouver quelque chose qui marche, sans trop réussir à comprendre les raisons de mes échecs ou de mes succès ; et une fois une combinaison trouvée, je n’ai plus osé y toucher, de peur de briser un équilibre fragile.
Cette trop grande variété d’ennemis fait que tout se mélange, et après une trentaine d’heure j’avais paradoxalement un sentiment de répétitivité : à l’exception de certains les combats se déroulent souvent de la même manière, les unités sont variées mais les archétypes ne sont pas assez distincts, et l’histoire n’ayant aucun twist qui tient en haleine, je n’ai pas ressenti une passion dévorante pour le jeu durant les 47h30 qu’il m’a demandé pour le terminer quasiment à 100%.
Les combats se déroulent sur la même carte que l’on explore durant le jeu ; ils vont de mêlées brutales avec une poignées d’unités qui démarrent à quelques mètres de distance et durent 2 minutes, à des cartes complexes avec plusieurs fronts à gérer, des unités alliées à sauver, des renforts imprévus, des catapultes qui défendent un passage protégé, et parfois tout ça en même temps ; certains combats ont un petit gimmick, comme une tempête de sable qui limite la visibilité, mais c’est assez rare. Cela étant dit, il est difficile de dire que la stratégie est très complexe : on se contente globalement d’utiliser les unités les plus adaptées aux affrontements, de placer ses archers face aux unités volantes et les lanciers face aux chevaux, et d’essayer de rester autant que possible hors de portée des catapultes et balistes. C’est parfait pour quelqu’un de comme moi qui n’est pas un fin stratège, sans toutefois être du bourrinage sans réflexion ; la durée assez courte des combats permet également de faire de petites sessions, parfaitement adaptées à un jeu en mode portable sur Switch.
Entre les combats, on se déplace sur la carte, on parle aux PNJ, et on va acheter des objets et équipements dans des villages, que l’on peut restaurer en apportant des matériaux trouvés en explorant, sans vraiment avoir de gestion de ressources : on peut dépenser tout son argent dans de l’équipement, et de nouveau avoir trop d’argent quelques combats plus tard. Le monde est relativement grand, et si on rencontre un ennemi qui patrouille cela lance un combat : si on perd on revient juste à la dernière ville visitée, si on gagne quelques points de renommée et l’ennemi disparaît. Dans l’ensemble c’est un peu mieux que choisir sont prochain combat dans un menu, mais pas de beaucoup : les PNJ n’ont rien d’intéressant à dire, il n’y a rien à trouver à part quelques ressources, et il n’y a pas grand-chose à voir ou à faire de manière générale.
J’ai trouvé la difficulté de Unicorn Overlord plutôt bien équilibrée dans l’ensemble, et il est très rarement nécessaire de grinder, à condition de faire tous les combats secondaires que l’on rencontre sur son chemin ; impossible de ne faire que les missions principales à moins d’être vraiment un excellent stratège, on serait largement en-dessous du niveau requis. Heureusement le jeu est plutôt accessible : par exemple, on voit la liste des unités ennemies les plus puissantes avant de démarrer le combat, on peut recomposer les unités non déployées n’importe quand, et dans l’ensemble, ce n’est pas très dur en difficulté normale, même si un mode « histoire » encore plus facile est disponible ; cela dit, certains combats nécessitent une stratégie particulière et on devra parfois adapter la composition de ses unités, prioriser les ennemis différemment, ou favoriser certaines capacités spéciales. On notera tout de même que, si l’on peut se contenter de l’optimisation automatique des unités dans les difficultés les plus faciles, on se rend rapidement compte que quelques ajustements simples permettent de renverser le cours de certaines batailles : les plus stratèges passeront du temps dessus pour pouvoir vaincre des ennemis avec quelques niveaux de plus, mais personnellement le temps nécessaire pour optimiser manuellement des dizaines d’unités m’a rapidement découragé de le faire.
Techniquement le jeu est très joli, encore plus que 13 Sentinels parfois, et tourne très bien sur Switch en mode portable. Les voix sont en anglais ou japonais, et les sous-titres en français ; les traductions sont correctes, à part certains moments où les personnages changent brutalement de registre lexical, ou quelques traductions littérales comme leave traduit par « quitter » au lieu de « laisser », mais c’est très rare.
Unicorn Overlord possède un bon gameplay bien équilibré même si un peu trop chargé par moment, de jolis graphismes, mais une histoire banale et décevante : l’ensemble est agréable et se joue avec plaisir, mais aurait pu être excellent avec un univers plus intéressant, et un peu de retenue sur la quantité de classes.
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