Vanillaware fait partie de ces studios qui envoient des étoiles dans les yeux par la seule force de leurs dessins. On pense moins à eux pour leur game design parce qu'ils changent de genre presque à chaque jeu, mais ils arrivent à chaque fois à faire plus ou moins mouche et à se distinguer, aussi bien ludiquement qu'artistiquement. Quand un Vanillaware est annoncé, on ne sait pas ce que ça va donner mais on a envie que ce soit bon parce que leur patte visuelle reconnaissable brille dans cette industrie. Les voir s'attaquer à du tactical RPG, après un 13 Sentinels fantastique au global mais encore un peu timide sur cet aspect précis, ça donne envie. Et si j'ai des réserves notables sur quelques points, on ne saurait tarir d'éloges sur les efforts accomplis.
Unicorn Overlord est donc du tactical RPG dans lequel un jeune prince va partir à la conquête de son royaume envahi par un despote. Il assume le classicisme de son cadre, entre son scénario prétexte et ses environnements ou races très habituels de l'heroic fantasy à la Tolkien, et va tout miser sur ses systèmes de jeu et sur sa direction artistique pour se montrer le plus fourni possible. N'attendez rien de son intrigue : ça se laisse suivre sans trop grincer des dents et l'écriture essaie de donner un certain sérieux à l'ensemble avec un jeu assez shakespearien dans la version anglophone, mais le prince très propre sur lui peut finir par taper sur les nerfs à force d'être Gentil le gentil. Notez aussi que, exactement comme pour les 2 autres jeux de Vanillaware que j'ai fait, la traduction française semble se permettre des familiarités parfois incongrues que l'on ne retrouve absolument pas dans le doublage. Quand un personnage plein de dignité explique qu'il s'est mis en colère en disant sobrement "I saw red" et que le texte français lui fait dire "ça m'a tapé le cul", même sans connaître le texte japonais je renifle fort. Et il y a aussi quelques fautes d'orthographe en fin de partie, c'est agaçant mais rien de rédhibitoire. N'empêche, c'est étrange d'avoir un défaut de traduction aussi particulier qui se retrouve au sein de ce studio.
Commençons par la partie la plus simple : c'est somptueux. Les décors baignent dans une lumière incroyable, les personnages sont très nombreux et détaillés, les combats d'escouades en 5v5 sont riches en animations alors que les sprites sont gros, c'est un plaisir de voir tout ce petit monde se mettre sur la tronche. Vanillaware oblige, il y a de la bouffe qui fait saliver, ici prétextée par l'idée d'augmenter l'affinité entre les guerriers en échange d'un peu d'argent dépensé à la taverne, et le rendu est hallucinant. L'animation des plats qui atterrissent dans l'assiette, qui se font croquer, les petites bulles de la sauce encore chaude, c'est parfait. Le déplacement dans la carte du monde est un peu plus simple mais reste très plaisant à l’œil, et les musiques déçoivent un peu par leur répétitivité mais finissent par balancer la sauce. Vraiment je me permets d'insister mais ce n'est pas si fréquent d'avoir un rendu visuel aussi travaillé, ce n'est pas du rendu manga générique et ça rappelle que Vanillaware est un studio majeur en terme de 2D chiadée.
Seul regret : chaque classe de soldat n'a que 1 ou 2 artworks différents possibles, autant que de sexes représentés par certaines classes, et la seule chose qui différenciera les personnages importants des troufions de base sera leur coiffure, sinon ce sera le même costume, la même posture et la même animation. Je comprends que le travail aurait été titanesque pour afficher davantage de différences, d'autant qu'il y a plus de 60 types de physiques différents et que c'est déjà énorme, mais cela nuit à la caractérisation des combattants que l'on recrute alors qu'ils ont une trop brève histoire à eux. Le pire est quand on a plusieurs unités de la même classe et du même sexe, ce sont alors des clones avec exactement la même tronche excepté les cheveux et le code couleur du costume. Déjà que l'écrasante majorité des héros cesse d'intervenir dans l'histoire une fois qu'on les recrute, si en plus on a des doublons aussi bien au niveau du chara-design que des capacités de combat, comment voulez vous qu'on les retienne en tant que personnages à part entière ? Il reste bien les dialogues optionnels obtenus lorsqu'on améliore les affinités entre les personnages, mais sans être du niveau de cringe d'un Fire Emblem 3DS ça reste une écriture très légère qui manque d'intérêt. Je signalerai aussi que la sexualisation de certains personnages féminins n'est pas toujours du meilleur goût et se montre parfois ridicule, ce n'est pas systématique mais c'est un point que les fans de Vanillaware connaissent bien.
Parlons maintenant du système de batailles. L'objectif sera généralement de vaincre le ou les boss qui stationnent à des points éloignés de la carte, parfois en protégeant une unité alliée. On a bien une bataille qui peut se finir juste en protégeant notre château des vagues incessantes, mais sinon on va surtout transporter notre armée d'un point A à un point B en pacifiant tout ce qui croise notre route et en ne laissant pas notre QG se faire envahir. On démarre avec un certain nombre de points de Bravoure qui serviront à déployer des escouades que l'on aura préalablement remplies avec discernement, sachant que l'on récupère un point quand on replie notre escouade dans notre QG ou dans un camp qu'on aura envahi. Notez d'ailleurs que dès qu'on a conquis un fort on peut déployer une escouade dedans, et comme on gagne des points de bravoure en combattant ça nous permet progressivement d'avoir plus de troupes sur le champ de bataille et de les téléporter d'un fort à un autre, une astuce digne des mallettes communicantes des premiers Resident Evil et qui dépanne bien quand nos soldats sont isolés ou qu'on a soudain besoin de protéger notre QG.
On dirige nos escouades en semi-temps réel comme dans 13 Sentinels, à savoir du temps réel où l'on a une pause active accessible à tout moment pour donner nos ordres, et quand deux unités de camps opposés se croisent c'est la bagarre. Le combat ne s'arrête pas forcément à la mort d'un des deux participants, mais celui qui a perdu le plus de pourcentage de PV au total est considéré comme "perdant" et est projeté en arrière avec incapacité de bouger pendant un certain temps, et laisse un bonus de rapidité à ceux qui l'affronteraient pendant cette période, rendant les défaites d'autant plus punitives. Chaque combat fait également perdre un point d'endurance à chaque intervenant excepté ceux qui se tiendraient sur un point de stationnement comme un fort. Quand ce nombre atteint 0 le groupe peut toujours se battre contre ceux qui leur chercheraient des noises mais il ne peut plus se déplacer, il peut soit consommer un item qui rend de l'endurance soit se reposer, ce qui prend du temps durant lequel il ne peut plus se défendre. Il faut donc répartir correctement les combats pour que ce ne soient pas les mêmes qui roulent sur tous les ennemis sous peine de finir hors jeu, et il faut essayer de vaincre avec le moins d'affrontements possibles pour ne pas gaspiller 3 points d'endurance sur 6 contre le même ennemi, et bien sûr profiter des points de stationnement qui donnent divers bonus de terrain et économisent l'endurance. Rien qu'avec cette idée, il y a pas mal de tactiques qui vont devoir se dessiner, ça empêche de laisser une équipe de Gros Bill faire le travail tout seul.
Les escouades sont la grande particularité de Unicorn Overlord, bien qu'il semblerait que le principe soit largement inspiré par Ogre Battle 64 et surtout Symphony of War: The Nephilim Saga. Plutôt que d'avoir des unités individuelles à la Fire Emblem, on doit remplir nos escouades avec 2 personnages en début de jeu et jusqu'à 5 dans le dernier quart de l'histoire, en les disposant astucieusement sur une grille de 3x2 cases où les unités au second rang seront inatteignables au corps-à-corps tant que le premier rang ne sera pas décimé. Le but sera ainsi de créer de bonnes synergies de groupes, avec à l'avant des tanks qui encaissent tout ou des voleurs qui esquivent les frappes pas trop précises, et à l'arrière les unités plus fragiles comme les healers. Mais il y a plein d'astuces pour attaquer le second rang en avance, par exemple les archers et les unités volantes visent qui ils veulent et d'autres peuvent attaquer une colonne entière. Il faut alors trouver les moyens de contrer ça, par exemple avec des guerriers qui ont des compétences pour protéger les plus faibles, ou une shaman qui pourra affaiblir les ennemis, ou tout simplement en sélectionnant une escouade qui ne contiendrait pas de personnage faible face à la formation adverse. On ne peut pas (toujours) avoir un groupe qui sera efficace face à tous les adversaires car comme dans Pokémon chaque guerrier sera fort contre certains et faible face à d'autres, il faut diversifier nos escouades pour avoir de quoi faire face à toutes les situations qui se présentent lors d'une mission donnée.
Le système de combat est particulier, apparemment inspiré par les gambits de FF XII : les personnages agissent tout seul chacun à leur tour selon une liste de directives individuelles qui seront priorisées selon le paramétrage que vous leur donnerez. Il y a les compétences actives et les compétences passives, qui ont chacune leur propre nombre d'utilisations au sein d'un combat. Les compétences actives sont les frappes que donnent les soldats quand c'est leur tour d'attaquer. Les passives se lancent toute seules quand certaines conditions sont activées, par exemple si un allié est attaqué un tank pourra se mettre en travers du coup, un healer pourra soigner le blessé, ou encore quelqu'un d'autre pourra punir l'attaquant avec une contre-attaque. Comme les actions sont automatisées il faudra soigneusement programmer les décisions au cas par cas, en essayant de penser à toutes les situations. Est-ce que vous voulez que le healer gaspille son unique compétence passive en soignant quelqu'un qui n'a perdu qu'un PV, ou vous réservez cette action pour le cas où sa santé serait inférieure à X % ? Votre tank va-t-il protéger son allié d'une attaque magique alors que lui-même y est très sensible ? Va-t-il faire de même pour son confrère tank au risque de plus avoir de quoi protéger les mages ? Et quand c'est votre tour d'attaquer, quelle frappe allez vous choisir en fonction de l'escouade adverse ? Qui allez vous cibler sachant que vous avez un coup qui peut vous rendre un point de compétence active si vous arrivez à achever quelqu'un avec ? Ce sera à vous de paramétrer tout ça, ou bien vous laissez faire l'outil d'optimisation si vous avez la flemme mais je le trouve personnellement pas si bien optimisé justement, et l'importance de cet aspect me paraît trop grande pour le négliger.
Ce système est à la fois assez frustrant, parce qu'on aimerait bien pouvoir faire nos choix au cas-par-cas pendant le combat, et intéressant parce qu'il motive votre âme de programmeur informatique et que de cette contrainte naît le ludisme. Il permet également pour beaucoup de gens de faire défiler les batailles assez vite en laissant les soldats se battre tout seuls, ce qui est un point sur lequel je reviendrai, et ça offre un certain spectacle quand toutes les attaques s'enchaînent. En fin de jeu on aura du 5v5 avec des combattants qui ont plusieurs compétences actives et passives chacun, qui pourront même en récupérer en cours d'escarmouche selon certaines conditions, dans lesquels 1000 bonus et malus défilent et avec des effets visuels qui envoient bien à base de gros sprites à l'écran qui esquivent, bloquent, font des coups critiques, se soignent in extremis et se mettent à 3 à la suite contre le même tank. C'est toute une micro-histoire pleine de twists à chaque fois.
C'est là que l'on voit que le succès va essentiellement reposer sur la synergie de nos groupes, et plus les escouades vont gagner en taille plus ces considérations seront complexes. Quand on affronte des cavaliers qui peuvent transpercer une colonne entière on essaie de ne pas aligner nos unités en colonne, mais une fois que nos groupes contiennent au moins 4 personnages ce n'est plus possible alors on essaie de n'aligner que des gens solides ou qui esquivent bien. Il faut arriver à gérer tout ce petit monde alors que chaque adversaire demande une configuration différente. La shaman adverse vous noie sous les malus ? Alors il vous faut une healeuse qui retire les malus d'office, avec peut-être une archère elfe qui soigne tout le monde quand on la guérit des malus, ou profiter d'un "lancier" elfe (qui n'utilise pas de lance, la traduction française est décidément bien curieuse) qui s'offre une esquive assurée dès qu'on essaie de le debuff.
Cela offre au jeu une richesse folle, avec des escouades allant jusqu'à 5 guerriers qui ont plus d'actions disponibles qu'ils ne peuvent en effectuer en un seul combat, vous en aurez des possibilités. Sachant que l'équipement offre vraiment des possibilités intéressantes, du genre s'offrir un jeton supplémentaire pour une compétence active ou passive avec quelques contre-parties ou favoriser un attribut précis, vous avez une vraie offre de personnalisation pour chaque personnage, multipliée par le nombre de personnages que vous allez mettre dans votre escouade qui vont plus ou moins bien aller ensemble : ça fait la dose de paramètres à prendre en compte, y compris chez chaque adversaire que vous allez affronter et qui demande d'y réfléchir un peu. Si vous aimez vous plonger dans ces paramètres pour optimiser votre stratégie et faire exploser votre créativité vous allez être comblés, parce qu'il y a de quoi faire avec les plus de 60 classes différentes, même si quelques unes se ressemblent beaucoup il faut bien le dire. Le jeu fait un gros effort de pédagogie à ce sujet avec les différentes classes qui se dévoilent très progressivement, avec beaucoup de pnj qui prennent le temps de mettre en valeur leurs points faibles et point forts et des tutoriels qui donnent des exemples de formations efficaces en expliquant les raisonnements qui mènent à de si bonnes synergies. Alors que le tout début peut faire peur avec ses menus en pagaille qui sont très denses, le tuto va nous laisser de nombreux aspects de côté pour nous laisser faire un pas à la fois, on peut démarrer en mettant plein de systèmes de côté et les apprendre quand on pourra les encaisser sans être submergé, du moins dans un premier temps.
Le jeu a beau se montrer exemplaire sur ses explications qui sont distillées avec un bon rythme, la complexité devient aussi de plus en plus lourde à appréhender. Avoir autant de classes de personnages avec plusieurs attaques possibles qui infligent divers malus et se montrent plus efficaces dans certaines circonstances précises, ça finit par peser lourd dans la charge cognitive pour trouver lesquels mettre ensemble et voir qui devrait affronter qui. Je parlais du "lancier" elfe qui punit les gens qui lui infligent un malus en retirant ce debuff et en s'octroyant en retour une esquive garantie à la prochaine attaque reçue. C'est un principe intéressant qui incite à utiliser des groupes qui n'infligent pas de malus pour qu'il ne puisse pas s'en servir, mais pour optimiser sa stratégie il faudrait vérifier toutes les attaques pour voir lesquelles en contiennent ou non. Or quand on croise cette classe on a déjà la moitié de nos coups qui ajoutent en passant un petit malus plus ou moins intéressant comme d'autres rajoutent des lardons dans leur salade, et faire le tri devient aussi pénible que de faire des courses en vérifiant pour chaque produit que c'est bien 100% vegan sans huile de palme ni gluten ni lactose, je sais de quoi je parle.
Même sans penser à cette classe particulière il y a vraiment beaucoup de bonus/malus/altérations d'états pendant un combat à partir d'un certain cap, il devient difficile de bien comprendre ce qui a provoqué tels dégâts tantôt monstrueux et tantôt ridicules, on a l'impression que dès qu'un guerrier respire il y a 5 adversaires qui se mettent un bonus de précision en réponse. On n'est pas tout le temps obligé d'y faire trop attention, on peut très bien remporter ses batailles sans être tout le temps bien optimisé, voire même en faisant des bêtises quand on est en léger surlevel. Des fois on renonce à tout comprendre parce que ça a marché et que c'est l'essentiel. Et d'autres fois je me demandais quand même pourquoi une esquive garantie ne fonctionnait pas ou pourquoi un personnage à l'article de la mort se retrouvait à soudain encaisser toutes les attaques en ne perdant qu'un PV à chaque fois. Sans doute qu'en me plongeant dans les caractéristiques de chacun et dans la somme de bonus/malus qu'ils balancent j'aurai pu comprendre qu'untel avait accumulé masse de défense physique et que bidule avait une attaque "imparable" qui rend les boucliers caduques, ou que les frappes qui atteignent leur cible même avec une esquive à 100% ont la mention "précise" indiquée dans les menus et ne sont pas l'apanage des archers et des lanciers.
Ce n'est pas aussi épuisant que j'ai l'air de le décrire, mais c'est quand même une complexité certes tardive qui peut fatiguer, surtout au regard de la durée du jeu. Howlongtobeat indique une moyenne de 50h environ pour juste finir le scénario, et 77h si on veut se montrer complétioniste, situation que je n'atteins jamais d'habitude. Mais là il m'a fallu plus de 110h sur ce jeu, en faisant quasi toutes les batailles optionnelles. C'est là qu'on verra les disparités entre chacun : alors que je ne lis que des avis qui soulignent la rapidité des batailles qui s'enchaînent toutes seules, j'y mettais personnellement au moins 1h30 pour les principales. Certes je jouais au niveau de difficulté le plus haut disponible en début de partie, qui est loin d'être éreintant par ailleurs mais qui nécessite quand même de ne pas foncer dans le tas au pif, mais ça n'explique pas tout. Je ne skippais pas entièrement les animations des combats parce que ça fait partie de la satisfaction du jeu (sauf vers la fin quand ma patience commençait à faire la gueule) mais je les accélérais tout le temps, une nécessité pour ne pas mourir d'ennui en endgame, et je pense ne pas être si minoritaire que ça. Peut-être que je passe trop de temps à réfléchir à mes stratégies, à paramétrer les comportements de mes soldats, à optimiser leur équipement. Mais il y a quand même un point précis qui a beaucoup nui à mon rythme de jeu, et là je suis surpris de ne trouver personne pour le signaler.
Lorsque l'on est dans la pause active et qu'on demande à une escouade de se diriger vers un adversaire, on a une fenêtre qui nous indique combien de PV seront perdus ou gagnés par chaque camp, et cette même fenêtre s'affiche quand les unités se rencontrent enfin et que le combat est initié. Dans ce dernier cas on peut encore utiliser un objet pour changer la donne, mais on peut aussi changer la disposition de nos soldats sur leur grille et modifier leur comportement de combat, afin de peut-être renverser le déroulement de l'escarmouche. Vous vous apprêtez à vous faire démolir ? Ah mais c'est parce que vous aviez laisser votre healeuse juste derrière le tank, et donc le cavalier ennemi avait une colonne complète accessible pour pouvoir la trucider avec son attaque associée. Décalez là et elle sera à l'abri, elle survivra et soignera tout le monde. Peut-être aussi que vous n'aviez pas pensé à demander à votre archer de prioriser les unités volantes qui sont sensibles à ses flèches ? Ou encore il y avait une attaque précise dont vous n'avez jamais besoin sauf pour cette situation spécifique que vous n'arriviez pas à programmer ? Changez tout ça et regardez les barres de vie de chacun changer de place et afficher la petite tête de mort satisfaisante indiquant l'éradication de l'adversaire. Vous n'avez même pas à craindre une influence de l'aléatoire, elle est déjà prise en compte dans les calculs des PV perdus. Il est pas mal ce système hein ? Tiens, pourquoi ce groupe là me défonce ? Quand j'envoyais mon escouade le rapport de force indiquait le contraire il y a 2 minutes, il s'est passé quoi ? Bon, le combat est engagé mais n'est pas encore lancé, si je bidouille un peu ma formation peut-être que... bah ? J'ai juste interverti ces deux unités et maintenant je tue tout le monde sans subir de dégât ? Mais c'est quoi la différence qui justifie cette inversion des résultats ? Et ce nouvel affrontement là, j'ai mis mon archer en première ligne alors que ça n'a aucun intérêt de le mettre ainsi en danger et ça me sauve soudainement la mise, quelle est cette sorcellerie ?
La raison de toutes ces incompréhensions tient à l'influence de l'aléatoire. Lors d'une escarmouche, pour un comportement donné de la part de chaque camp (qui va lancer quelles compétences contre qui), le résultat des lancers de dés sera bloqué. Qui esquive quelle attaque, qui fait des coups critiques, qui arrive à bloquer avec son bouclier, c'est fixé et on ne peut pas relancer la roulette jusqu'à trouver la configuration qui nous arrange. En revanche si on fait un changement de formation ou de comportement qui modifie le choix des différentes cibles ou compétences utilisées, là il y a bien un nouveau jet de dés pour les éléments altérés. Or ce jet de dés a une importance qui va augmenter avec la taille des escouades et le nombre d'attaques engagées, ce qui va nous inciter à le trafiquer autant que possible parce que l'issue du combat en dépendra parfois. Je me retrouve à faire beaucoup trop d'affrontements où je déplace mes unités sur la grille au pif ou change mes choix d'attaques juste pour voir comment se décalent ces fichues barres de vie. Quand je m'occupe de la composition d'une escouade à déployer depuis un fort je la fais apparaître, je regarde comment elle a l'air de se débrouiller face à tel ennemi, et si je vois que ça va être la dérouillée pour moi je la renvoie chez elle instantanément pendant la pause ingame, j'en sors une autre, et je continue comme ça jusqu'à se que ça finisse par me sortir un résultat potable.
C'est super nul comme façon de jouer, je passe mon temps à bidouiller comme un apprenti DJ qui ne sait pas se servir de sa table de mixage. Je perds beaucoup de temps sur un principe qui n'a pas d'intérêt ludique, mais le game design du jeu fait que j'ai tout intérêt à en profiter. Je ne sais pas comment ça se fait que je sois le seul à mentionner ça, si c'est moi qui joue comme un pied ou si c'est l'effet de mon choix de difficulté. Je pense quand même qu'on aurait pu limiter ce problème en rendant l'influence du hasard moins importante, ce n'est pas normal que je puisse passer aussi facilement de l'échec total à la réussite éclatante juste en mettant mon tank à l'arrière pour relancer la roulette. Le hasard joue sur les esquives, les gardes, les coups critiques et sur le choix des cibles de chacun selon votre configuration, avec du 5v5 il y a beaucoup de lancers de dés, pas assez pour invoquer la loi des grands nombres mais suffisamment pour que même Docteur Strange n'arrive pas à compter les univers parallèles possibles. Il faudrait peut-être retirer les unités qui reposent trop sur l'aléatoire, comme les voleurs et leurs esquives, qui ont certes des nemesis qui peuvent les contrer sans faille mais qui reposent totalement sur les probabilités. Le jeu est déjà plein à craquer de classes différentes, on aurait pu en enlever quelques unes et alléger le jeu.
Ce système de prévisualisation des résultats a aussi l'inconvénient d'enlever tout suspense quand j'assiste au combat, la seule question étant de savoir comment sont répartis les dégâts subis, pour savoir si j'aurai des morts (pardon, des KO) dans mon groupe ou non. L'intérêt d'assister au combat, outre le plaisir des yeux, sera de voir ce qui a bien pu se passer pour mener à ce résultat : s'il y a une attaque qui s'est déclenchée alors que les circonstances ne s'y prêtaient pas ou visait la mauvaise cible parce que je l'avais mal programmée, si la synergie des adversaires était trop bonne et que mon groupe n'avait pas la parade adéquate, si j'ai laissé mon voleur affronter quelqu'un disposant de frappes précises inesquivables, ou si je me suis juste fait avoir par une esquive ou un coup critique qui ont fait la différence entre la survie et la mort d'un personnage important. Quand on affronte un boss c'est primordial, parce qu'ils ont parfois des caractéristiques particulières qui demandent d'y réfléchir avant d'envoyer ses meilleurs éléments au casse-pipe. Par contre voir ses unités esquiver des attaques pas évidentes ou survivre à 2 PV près n'offre pas la même dose de dopamine quand on connaît l'issue de l’échauffourée à l'avance.
C'est dommage parce que mis à part ce point qui casse le rythme, le jeu est très bien pensé ! Il y a beaucoup d'éléments de stratégie en dehors des escouades elles-mêmes, qui montrent que Vanillaware a retenu les leçons des plus grands. On a des événements scriptés durant les missions qui viennent nous prendre pas surprise sans devenir systématiques et créent un narratif occasionnel sympa. Les maps auront des gimmicks pas trop casse-pied et sauront nous forcer à séparer notre armée pour mener le conflit sur plusieurs fronts, une vraie avancée depuis 13 Sentinels. Les boss ont parfois des particularités qui demandent vraiment de réfléchir à la formation de nos escouades pour comprendre comment leur infliger des dégâts. On peut choisir un leader à chaque groupe qui lui donnera par exemple des bonus de vitesse de déplacement sur la carte en échange d'un plus petit nombre de points d'endurance, ou qui pourra filer un coup de main à un autre groupe qui se bat à portée en lançant un sort ou des flèches à son adversaire avant le début du combat. On se positionne sur une tour ou un pont pour ne pas perdre d'endurance quand plusieurs ennemis nous fonceront dessus, ou bien on profite de la conquête d'un fort pour y laisser une unité qui n'a plus assez d'endurance et la remplacer par une autre toute fraîche. Les points de Bravoure qui permettent de déployer des escouades peuvent aussi servir à utiliser des compétences de terrain pour soigner des gens, faire des dégâts à une ligne d'ennemis, attirer l'agressivité d'un groupe ou encore donner des bonus aux alliés d'une zone précise, il faut donc voir si vous préférez déployer toujours plus de combattants ou utiliser intelligemment vos capacités. Vraiment même hors combat le jeu se montre riche.
Le game design est d'ailleurs réfléchi pour nous forcer à aller de l'avant sans faire dans la prudence excessive. Toutes les batailles ont un temps limité, très permissif en dehors des plus courtes escarmouches, et les forteresses ennemies font spawner des renforts à intervalle régulier, ce qui nous pousse à les éliminer au plus vite. On a aussi la possibilité d'utiliser des objets qu'on aura acheté ou trouvé, par exemple pour se soigner ou laisser des pièges sur le terrain, et on n'a droit qu'à 10 utilisations par bataille. Cette contrainte fait que l'on ne pourra pas se reposer sur un abus de potions qu'on aura achetées en masse et on va bien sentir cette limite en fin de mission, c'est une bonne chose ! L'inconvénient c'est qu'il y a plein d'items qui avaient l'air un peu rigolo que je n'utilisaient jamais, parce que pourquoi gaspiller une utilisation pour un piège à loup alors que je pourrais en avoir besoin pour ressusciter un personnage ou soigner tout un groupe ? Cela reste une saine limite qui permet de ne pas trop se reposer sur cette béquille.
Entre chaque mission vous pouvez vous balader sur la carte du monde, qui est présentée exactement avec le même style et la même architecture que les maps de vos batailles, ce qui inscrit ces dernières dans le monde que vous explorez, un super principe ! Vous pouvez plus ou moins choisir l'ordre de vos batailles avec le niveau des ennemis affiché, certaines étant vraiment courtes pour permettre de souffler entre deux grosses opérations. Sur la carte du monde on peut remplir quelques petites quêtes qui n'impliquent pas d'aller se taper dessus, comme de chercher des trésors avec une carte imprécise. On récolte des matériaux et des items en fouillant pour reconstruire des villes afin qu'elles puissent nous fournir de l'or ou des services supplémentaires à la vente. Si vous détestez les jeux qui vous font collectionner 20 000 merdouilles pour passer du temps sur du craft en pilote automatique vous allez soupirer un peu, mais je trouve que ça offre une saine alternance entre deux grosses batailles de 1h30-2h, même si je suis manifestement le seul à être aussi lent au combat.
Il y a un gros contenu et plein de petits-à-côtés plaisants. J'apprécie beaucoup ces pugilats optionnels qui se limitent à vaincre un groupe précis avec une seule escouade en un seul tour, même si là encore j'ai tendance à juste faire défiler mes formations préexistantes jusqu'à voir laquelle fait le plus baisser la barre de vie adverse avant de changer une unité jusqu'à ce que ça passe. Il y a aussi un colisée qui permet de se concentrer sur ces combats en un tour, sauf que là on n'a pas la prévisualisation des barres de vie et qu'il faut seulement être celui qui fait le plus de dégât à l'adversaire sans forcément tuer tout le monde. Et c'est un super principe, on ne peut plus s'en tirer avec des bidouillages nuls et on garde jusqu'au bout le suspense. On a en plus une quête filée liée à ce colisée puisque vaincre la grande championne nous permettra de la recruter, alors qu'on la connaît déjà et qu'on a envie de la convaincre de nous rejoindre. La montée de niveau des ennemis est telle qu'on ne pourra pas enchaîner tous les combats à la suite de manière bourrative, il faudra se répartir nos visite de l'arène au fil de la progression de nos troupes jusqu'à atteindre le niveau nécessaire pour cette championne, qui correspond au niveau d'une fin de partie. Vraiment il y a une bonne montée en puissance sur ce colisée qui constitue un jeu dans le jeu, et son climax est un moment très satisfaisant en soi.
Unicorn Overlord est vraiment un gros morceau du tactical RPG. Bourré à ras bord de contenu, magnifique à tous les niveaux, intelligemment conçu et d'une profondeur affolante, c'est un titre d'une ambition incroyable qui fait tout pour nous offrir la grande aventure mémorable dont les concepteurs devaient rêver. Je ne suis pas forcément amateur de la surcouche de mécaniques qu'on peut trouver dans certains RPG japonais mais ici il y a un bon équilibre pour rendre l'ensemble lisible et motivant, j'ai adoré me plonger dedans. C'est une production très impressionnante qui mérite les louanges que je lis partout. Cependant c'est aussi un jeu qui m'aura fatigué sur les plus de 110h que j'ai passées dessus, c'est trop long pour garder mon intérêt sur la durée et je finissais lessivé par les batailles. Il semblerait que je sois un cas isolé, les autres joueurs trouvant au contraire que les missions se déroulent assez rapidement pour un tactical et que ça constitue une des qualités du titre, mais je ne peux pas passer mon expérience sous silence. Je respecte beaucoup Vanillaware pour ce qu'ils ont accompli, mais je pense que je ne retoucherai pas à leur jeu chronophage.