En dépit de toutes ses immenses qualités, Unreal présentait un défaut particulièrement rédhibitoire, au point que ses développeurs pensèrent qu'il nuirait à sa pérennité (1) : son net code pour le moins lacunaire rendait très difficile le jeu en ligne – un problème réel en cette toute fin du XXe siècle où un jeu digne de ce nom se devait de proposer du multijoueur à travers internet. Ses créateurs décidèrent donc de distribuer une extension exclusivement orientée multi afin d'y remédier, tout en développant l'intelligence artificielle résolument novatrice d'Unreal pour les joueurs qui ne disposaient pas d'une connexion internet ; mais au fil des mois cet add-on prit tant d'importance, en terme de développement comme en terme de contenu final, qu'il devint un titre à part entière : ainsi naquit Unreal Tournament.


Ce fut une gifle proprement monumentale pour tout le petit monde du jeu vidéo de l'époque.


Avant de poursuivre, il faut peut-être préciser que la seule franchise pérenne dans le secteur des FPS en ce temps-là était Quake, dont le second opus en particulier occupait toutes les lignes téléphoniques du moment. C'était la référence, le Dieu vivant, l'idole que nul n'aurait jamais songé à ne fut-ce que même tenter de bousculer de son piédestal. Les créateurs d'Unreal ne se contentèrent pas d'y penser, et non seulement il s'y essayèrent mais ils furent aussi bien près de réussir. Au point d'ailleurs que les joueurs de FPS se trouvèrent vite scindés en deux : d'un côté les quakers, de l'autre les joueurs d'Unreal Tournament. Personne n'avait jamais vu ça.


Alors, mon problème consiste à savoir par où commencer pour vous expliquer comment c'est arrivé...


Par les modes de jeu, peut-être – les gametypes comme on dit. Aux classiques Match à Mort, Capture du Drapeau et Match à Mort en équipe, Unreal Tournament rajoutait le Last Man Standing (Dernier Homme en vie) : chaque joueur commence la partie avec un certain nombre de vies, qu'il perdent au fur et à mesure qu'ils se font frager par un adversaire ; le dernier joueur vivant à la fin du match l'emporte. Simple, net, efficace. Pourtant, ce mode ne se trouva pas la place qu'il méritait, peut-être en raison du délai d'attente qu'il impliquait pour les premiers joueurs à avoir épuisé leurs vies avant de commencer le suivant : ce n'était pas très fun...


Les modes de jeu en équipe, tels que la Capture du Drapeau ou le Match à Mort en équipe déjà mentionnés, bénéficièrent de bien plus de popularité. À ceux-là, Unreal Tournament ajoutait la Domination : les joueurs doivent occuper des points névralgiques de l'arène en passant sur un symbole en volume et tournoyant qui prend ainsi la couleur de leur équipe jusqu'à ce qu'un adversaire change cette couleur en passant à travers à son tour ; plus longtemps le symbole reste d'une certaine couleur, et plus il donne de points à l'équipe de cette couleur. À charge pour les joueurs qui ont marqué un symbole d'empêcher les adversaires de le leur prendre – avec roquettes, rafales de mitrailleuse et fusil laser comme meilleurs alliés.


Sur le sujet des modes de jeux en équipe, mérite d'être mentionné qu'Unreal Tournament étendait le nombre d'équipes disponibles à quatre : aux standards Rouge et Bleu, il ajoutait le Vert et l'Or. Ce détail peut sembler anecdotique mais il pouvait bouleverser considérablement le déroulement d'une partie de Domination ou de Match à Mort en équipe. Seul la Capture de Drapeau ne bénéficiait pas de cette innovation, pour des raisons évidentes – encore que des amateurs développèrent des niveaux spéciaux, toutefois sans réel succès. Mais en fin de compte cet ajout s'est vite avéré assez anecdotique et de moins en moins de serveurs le proposèrent, jusqu'à ce qu'il disparaisse presque...


Le dernier mode de jeu, d'une façon assez paradoxale, reste le plus exceptionnel mais le moins innovant à la fois bien qu'il propose les expériences de jeu qui comptent parmi les plus intenses qu'il m'ait été donné de vivre : l'Assaut, qui à y regarder de près mêle le multijoueur et le solo en même temps, ce qui est pour le moins original, consiste à donner à une équipe le soin de conquérir une installation défendue par l'équipe adverse à travers la prise de plusieurs objectifs successifs dans un laps de temps donné. Une fois le temps imparti écoulé, la partie recommence mais les positions des deux équipes s'inversent : l'attaquant devient défenseur et vice-versa – l'équipe qui accomplit ses objectifs plus vite que l'autre gagne le match.


S'il reste assez peu joué, l'Assaut se caractérise néanmoins par des parties uniques en leur genre où le travail d'équipe atteint des sommets de coordination, car on ne peut conquérir ou défendre seul. D'autant plus qu'une fois qu'un objectif se voit enfoncé, cette évolution de la partie est définitive : les points de spawn pour chaque équipe se déplacent vers la zone suivante dans l'ordre de conquête pour assurer qu'aucune ne se voit divisée et que le carnage se poursuive à un rythme satisfaisant. Comme son nom l'indique, l'Assaut est en fait un parfait petit jeu de guerre – et l'ancêtre de nombreux titres à succès d'aujourd'hui...


Alléchant, non ? Mais ça ne s'arrêtait pas là, car à tout ceci on pouvait ajouter des mutators – des espèces de mods.


Le plus populaire de ces mods, qui est vite devenu un gametype à lui tout seul, est l'Instagib : chaque joueur dispose d'entrée de jeu d'une seule arme, le Fusil de Choc amélioré, mais celui-ci tue instantanément dès qu'il touche une cible, rendant ainsi les divers items inutiles aussi n'apparaissent-ils pas dans l'arène ; les matchs de ce type se caractérisent par des techniques de déplacement très... aériennes, qui font des parties pour le moins uniques en leur genre. De nombreux clans se spécialisèrent vite dans ce mode de jeu qui se trouva très rapidement accepté comme un ladder à part dans les compétitions officielles.


Un autre mutator permet de jouer en Faible Gravité, ce qui permet d'atteindre des zones de l'arène normalement hors de portée, mais aussi de perdre moins de santé suite à une chute. Le Fatboy fait grossir les joueurs au fur et à mesure que leur score augmente, ce qui permet de repérer assez vite le meilleur d'entre eux ; inversement, ceux qui perdent des points – par exemple en se suicidant – maigrissent. En Furtif, tout le monde se trouve invisible – ce qui a un certain charme – alors qu'en MatchSaut tous les joueurs se trouvent équipés de bottes qui permettent de faire des bonds prodigieux – il y a peu de différence avec la Faible Gravité ceci dit...


Il y a aussi la possibilité d'enlever tous les power-ups de l'arène, ou bien le Rédempteur uniquement – cette super-arme permettant de tirer une ogive nucléaire miniature, qu'on peut téléguider au besoin d'ailleurs. Ainsi, l'issue des parties devient moins le fait du hasard – ou de la chance si vous préférez – que des skills des joueurs puisque ceux-ci ne peuvent plus compter que sur les éléments les plus simples du jeu. On peut aussi lancer une partie avec un seul type d'arme disponible – Tronçonneuse, Canon DCA, Fusil de Choc, Lance-Roquettes, Fusil à Impulsion ou Fusil de Précision – pour que chacun ait exactement les mêmes options que l'adversaire, par exemple.


À propos des armes, l'une d'elle se montre très pratique : le translocator, un téléporteur qui lance un module avec lequel on peut se déplacer là où il s'est logé – et qui tue celui qui se trouve à proximité : une manière très humiliante de se faire frager... En général banni des parties de Match à Mort, il reste un élément essentiel de la Capture de Drapeau pour l'aspect tactique qu'il ajoute à la partie : si on ne peut pas se téléporter avec le drapeau, il sert à rattraper celui qui vous a volé le vôtre, comme le grappin de Quake 2. Mais on peut aussi s'en servir pour se placer dans des zones autrement inaccessibles, afin de surveiller les environs de là où on ne vous voit pas.


Par la suite, des patchs et des Bonus Packs ajoutèrent d'autres options en plus des arènes et modèles de personnages supplémentaires. Les Relics permettent de distribuer dans l'arène des objets donnant des capacités spéciales au joueur qui les ramasse, et sans limitation de durée – ou plus précisément jusqu'à ce qu'il se fasse frager. Une autre option, développée par Digital Extremes, rend les munitions explosives : on les fait détonner en tirant dessus, ce qui blesse tous ceux qui se trouvent à proximité et, éventuellement, les frage ; une option similaire permet de faire la même chose avec les armes d'ailleurs...


Bref, une fois toutes ou quelques-unes de ces options conjuguées avec les règles de base – dont la quantité de possibilités qu'elles offrent a déjà de quoi donner le tournis (2) – on se trouve devant une masse de paramétrages et de personnalisations des parties qui frise l'infini. En fait, il est presque impossible pour Unreal Tournament de ne pas plaire, à moins de tomber sur quelqu'un de mauvaise foi – ce qui arrive – ou bien qui manque d'imagination – ce qui n'est pas rare non plus.


À y regarder de près pourtant, toutes ces options ne sont jamais que des sortes de gadgets : elles permettent de varier les plaisir mais ne changent rien à sa nature profonde. Et la nature profonde d'Unreal Tournament c'est qu'il s'agit d'un jeu réfléchi – ou du moins bien plus réfléchi que la plupart des autres jeux multijoueurs de son temps : la dimension « tactique » (3) y prend bien plus de place que dans les Quake. Alors que ceux-là proposent un style de jeu relativement instinctif et plutôt simple, Unreal Tournament offre deux modes de tir pour chaque arme, ce qui en retour varie considérablement la possibilité de réponse à une situation donnée.


Le Fusil ASMD de Choc, par exemple, permet de tirer un faisceau très rapide mais faisant peu de dégâts ou bien une boule de plasma assez lente mais occasionnant de gros dommages : le premier ne peut être esquivé mais requiert une bonne précision alors que la seconde peut être évitée mais enlèvera beaucoup de santé si elle touche ; c'est au joueur de choisir quel type d'attaque il veut lancer selon la situation et ses skills. De plus, une combinaison peut être réalisée en tirant d'abord une boule de plasma qu'on fait exploser en vol avec le faisceau : la déflagration qui en résulte produit de très gros dégâts sur toutes les cibles aux alentours.


Ou bien le Lance-Roquettes. Arme « bourrine » par excellence, elle atteint ici des sommets de subtilité. Si des clics répétés sur le bouton de tir permettent de lancer les projectiles l'un après l'autre, un appui prolongé permet de charger jusqu'à six roquettes qu'on peut tirer en éventail pour arroser une zone ou bien concentrer en un bouquet groupé afin d'occasionner des dommages massifs sur un point précis. De plus, en « visant » un adversaire avec le réticule de tir un certain temps, celui-ci devient rouge, signalant que les roquettes se comporteront comme des missiles à tête chercheuse qui suivront les mouvements de leur cible. Enfin, le tir secondaire transforme les roquettes en grenades capables de rebondir sur les murs.


Ou encore le Minigun, la mitrailleuse lourde : son tir principal, assez précis, fait peu de dégâts mais permet de tirer d'assez loin dans les zones ouvertes, alors que son tir secondaire, plus approximatif, est beaucoup plus dévastateur, surtout dans les couloirs. Le Fusil DCA fonctionne comme une sorte de fusil à pompe qui lance des shrapnels en fusion capables de déchirer n'importe quelle armure à bout portant, ou bien des projectiles à la trajectoire en cloche qui concentrent ces éclats sur une zone beaucoup plus éloignée et permettent de tirer par-dessus les obstacles depuis un point sécurisé : très redoutable dans les endroits confinés.


Mais aussi l'Éventreur, qui tire des lames tournoyantes capables de décapiter un adversaire ou, en rebondissant contre les murs, de tirer sur des cibles qui se croient à l'abri ; le tir secondaire rend ces lames explosives à l'impact. Le Fusil Bio tire des boules de boue de Tarydium instable – une matière toxique – qui peuvent coller aux parois et au plafond, et qui explosent au bout d'un certain délai ou bien quand un joueur les touche – l'arme idéale pour « miner » une zone ou un passage en gros – ; quant au tir secondaire, il charge une quantité de boue plus importante, qui peut tuer en un coup un adversaire en pleine santé.


Les armes « de base » comprennent le Marteau, un marteau à pression, et le Nettoyeur, un pistolet automatique. Le premier constitue l'équipement premier du mineur de l'espace : garder enfoncé le tir principal contient la pression du piston qui se relâche d'elle-même à proximité d'une cible, alors que le tir secondaire occasionne des dégâts plus faibles mais à une cadence élevée et permet de renvoyer certains types de projectiles vers l'adversaire. Enfin, le moteur physique du jeu donne la possibilité d'utiliser cette arme pour augmenter la portée des sauts, à la manière des « Rocket Jumps » de Quake.


Quant au Nettoyeur, il utilise les mêmes munitions que le Minigun : son tir principal a une cadence lente mais une bonne précision, alors que son tir secondaire est plus rapide mais moins précis ; ce dernier se caractérise par un maintien de l'arme incliné à 90 degrés vers l'intérieur, à la « gangsta » en quelque sorte, ce qui fait toujours son petit effet. Mais un joueur peut aussi ramasser un second Nettoyeur – pris à un adversaire mort par exemple – et utiliser les deux en même temps dans le plus pur style John Woo : la cadence de tir et la quantité de dégâts potentiels deviennent alors tout à fait impressionnantes...


Si aucune autre arme que le Fusil ASMD de Choc ne peut combiner ses tirs, la diversité des attaques de chacune d'elle apporte néanmoins une touche de subtilité qui n'avait jamais été vue jusqu'alors dans aucun quake-like – sauf Unreal premier du nom bien évidemment, puisque toutes les armes d'Unreal Tournament en sont tirées, mais avec un important relooking en plus. Sur ce point d'ailleurs, le travail des développeurs apporte une modernisation certaine à l'aspect des modèles du jeu original dont l'aspect un peu vieillot convient bien à sa partie solo mais se trouve un peu hors de propos dans sa « suite » – faute d'un meilleur terme.


Il n'y a pas que des armes cependant, il y a aussi, et bien sûr, des arènes – ou niveaux, ou bien maps, ou encore boards. Ils témoignent ici d'un savoir-faire à l'époque très rare, où le niveau de réflexion requis pour conceptualiser de telles imbrications des passages, des salles, des différences de hauteurs, de placements des armes et des autres objets atteint une maîtrise et une complexité sans aucune commune mesure avec n'importe lequel des autres titres qui précèdent Unreal Tournament – et les Quake y compris d'ailleurs... Mais ils reflètent aussi toute l'inspiration première d'Unreal, toute l'originalité, la personnalité, la force de son univers.


Ainsi les temples en ruines côtoient-ils les usines désaffectées, les stations orbitales et les bases militaires, les reconstitutions de théâtres des opérations du passé comme ceux du futur. Les joueurs peuvent lancer des parties à bord de vaisseaux spatiaux déchirant l'hyperespace ou de châteaux Nali flottant dans les airs, autour de temples bâtis sur des astéroïdes en orbite ou bien dans les méandres de bases sous-marines, aux sommets d'arcologies si hautes que la gravité y est assez faible pour pouvoir y accomplir des bonds prodigieux ou encore au sein d'installations extraterrestres si titanesques et à la technologie si prodigieusement sophistiquée que leur but premier nous échappe.


Toutes ces arènes se présentaient comme autant d'environnements qui exploitaient chacun à sa manière toute la richesse de la science-fiction et du space opera au lieu de se focaliser uniquement sur un thème bien précis. De sorte qu'à travers les diverses épreuves de ce Grand Tournoi, Unreal Tournament permettait surtout d'approfondir de façon considérable l'univers original d'Unreal, d'en renforcer l'aspect tangible, de lui donner une profondeur, une crédibilité comme on en voyait bien rarement à cette époque. C'était le triomphe de l'imagination pure sur la banalité et l'ennui du réalisme à tous crins, et chaque partie une invitation à un nouveau voyage dans l'espace comme dans le temps...


Enfin, méritent d'être mentionnées les splendides compositions musicales de ces mêmes artistes qui travaillèrent sur Unreal – sans oublier quelques autres : Tero « Teque » Kostermaa, Kai-Eerik « Nitro » Komppa et Peter « Skaven » Hajba, qu'on oublia dans les crédits pour je ne sais quelle raison – et qui poussèrent Unreal Tournament vers des sommets de l'accompagnement musical rarement égalés, autant à l'époque que depuis. Bien plus orientée musique électronique – techno et indus' mais surtout drum and bass, plus quelques morceaux de métal – que celle d'Unreal, cette bande originale accentue considérablement l'ambiance de fureur sans fin et d'ultra-violence du jeu.


Sur ce point d'ailleurs, la bande son prise dans sa globalité reflète une somme de travail tout à fait impressionnante : ainsi le moindre bruit d'ambiance, les cliquetis des armes, les sons des objets qu'on ramasse, la folie furieuse des explosions et des détonations, les capacités du moteur à reproduire les échos dans les zones ouvertes, etc, posent une atmosphère tout à la fois palpable et unique qui contribue énormément à l'immersion dans le jeu. D'ailleurs, et pour me montrer tout à fait franc, je ne serais pas le premier à dire que la moitié de l'expérience Unreal Tournament vient de sa musique en particulier et de son ambiance sonore en général...


Mais tout ceci, ou presque, reste de la littérature, car la véritable force d'Unreal Tournament réside dans la faculté qu'il laisse à ces joueurs de le modifier : si la version de l'éditeur de niveaux UnrealEd livrée avec la toute première édition commerciale du jeu était la même que celle d'Unreal, c'est-à-dire une version assez peu stable, le premier Bonus Pack proposait déjà la seconde version ; révisée de fond en comble, tant sur le plan de l'interface que des fonctionnalités, elle offrait des possibilités de création à l'époque jamais vues – non en raison de sa versatilité, mais plutôt de sa convivialité.


Car jusqu'à ce moment, les outils d'édition de jeux vidéo restaient pour le moins sobres, voire franchement rébarbatifs, dont l'utilisation de telle ou telle fonction exigeait d'écrire des lignes de code entières dans un environnement très peu motivant, du moins pour des gens qui se préoccupent de l'esthétique – ce qui est la définition d'un artiste, d'un créatif. Libérée d'un tel carcan, la communauté Unreal produisit une quantité pas croyable de maps, de mods et de mutators ; beaucoup de ces créations étaient des conversions totales, c'est-à-dire des jeux à part entière. Et certains entrèrent même dans la légende, au point parfois de devenir des jeux commerciaux.


Des compétitions de créations s'organisèrent où les participants redoublaient d'imagination et de créativité pour surpasser leurs rivaux dans la franche bonne humeur. Beaucoup de ces level designers amateurs convoitaient le prestigieux Ownage de CliffyB, cette distinction accordée aux meilleurs d'entre eux par l'un des principaux créateurs d'Unreal Tournament, et ceux qui l'obtenaient se voyaient vite considérés comme partie d'une élite – ce qui joua d'ailleurs un certain rôle dans l'affaiblissement de la convivialité de la communauté Unreal : ainsi vont les « puissants » qui abusent souvent de leur notoriété pour écarter ceux dont ils pensent qu'ils pourraient leur faire de l'ombre...


Mais bien peu d'entre eux virent le véritable dessein d'Epic Games derrière ce « cadeau » que représentait UnrealEd et le lancement du Make Something Unreal Contest, cette compétition officielle du meilleur mod. Il s'agissait avant tout pour Epic de vendre des licences de leur moteur de rendu après tout, et dans ce but laisser aux joueurs le soin de démontrer les capacités de cette technologie à travers leurs propres créations représentait un sérieux gain de temps et d'énergie pour eux. Voilà pourquoi beaucoup de ceux qui ont fréquenté « de près » des gens d'Epic dans une collaboration d'ordre professionnel, ou assimilé, ne s'y sont pas laissés prendre deux fois – j'en sais quelque chose...


Le succès d'Unreal Tournament se mesure à ses ventes – plus d'un million d'exemplaires vendus – ainsi qu'à ses ports sur Linux (1999), sur Mac OS et Playstation 2 (2000) mais aussi sur Dreamcast (2001) – mérite d'être mentionné que la version PS2 permet de jouer avec un clavier et une souris USB, ce qui est exceptionnel pour l'époque. Une telle réussite commerciale engendra bien sûr des séquelles et autres spin off, tels que les deux Unreal Championship pour la Xbox, qui jouèrent un rôle important dans la conception des suites directes Unreal Tournament 2003 puis Unreal Tournament 2004. Quant à Unreal Tournament 2007, ou Unreal Tournament 3, il vit le jour à la demande expresse de Midway, le nouvel éditeur d'Epic Games.


Voilà donc comment Unreal Tournament devint une légende : en poussant la personnalisation du jeu dans ses derniers retranchements, y compris dans les éléments du HUD lui-même, mais aussi et surtout en innovant – le plus simplement du monde. C'était encore cette époque où tout restait à faire. Depuis, aucun de ceux qui ont porté ce nom illustre ne sont jamais parvenus ne fut-ce qu'à la cheville d'Unreal Tournament – même si il y en eut de très bons dans le tas...


Ce sont là aussi d'autres histoires, mais que je ne vous raconterais pas cette fois : après avoir parlé aussi longuement de l'original, il y aurait peu de choses à dire sur les copies...


(1) à l'époque un sujet de préoccupation pour les studios de développement de jeux vidéo ; les choses ont assez changé depuis...


(2) Nombre de Frags et Limite de Temps, mais aussi Armes Disponibles (elles ne disparaissent pas une fois ramassées et restent disponibles pour les autres joueurs), sans compter le réglage de la vitesse de déplacement ainsi que du contrôle aérien (soit la capacité qu'a le joueur de « diriger » sa chute).


(3) j'utilise des guillemets car ce terme me paraît un peu exagéré dans un contexte de jeu vidéo, mais le développement de cette opinion n'a pas sa place ici...


Notes :


Bien que le développement d'Unreal Tournament soit abandonné depuis longtemps, des amateurs se sont vus confié par les créateurs originaux du titre le droit de proposer au public des patchs pour perpétuer la compatibilité du jeu avec les machines actuelles.


Si Unreal Tournament se trouve facilement dans sa version d'origine, une paire de rééditions sont elles aussi disponibles : Totally Unreal (2001, augmentée d'Unreal et Return to Na Pali) et Unreal Anthology (2006, augmentée d'Unreal, Return to Na Pali, Unreal II et Unreal Tournament 2004).

LeDinoBleu
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le 8 mai 2011

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