Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.
Par studios français, on mentionne surtout Ubisoft et Quantic Dream, deux industries qui ont su s’imposer dans le domaine vidéoludique par leur catalogue mais dont le management est aussi fort critiquable sur bien des points. Je vous laisse vous renseigner de vous même, si ce n’est pas déjà fait, sur l’ambiance misogyne et le management toxique dont font preuve les hauts gradés de ces deux studios.
Pour autant le paysage vidéoludique français ne s’arrête pas à ces deux exemples. Il en existe pléthore certes, de plus petite envergure, mais dont les productions n’ont pas à rougir face aux mastodontes. Pour n’en citer qu’un, A Plague Tale : Innocence a permis à Asobo de se tailler une place et l’attente est forte concernant A Plague Tale : Requiem. Motion Twis a su se démarquer avec Dead Cells.
Situé à Bordeaux comme Asobo et Motion Twin, Big Bad Wolf Studio conçoit, lui aussi, son petit chemin. Certains d’entre vous ont peut être approché leur première création, The Council, sorti en 2018. Jeu narratif épisodique, le titre propose une ambiance huis clos au sein d’une île où se sont retrouvés les plus grands esprits de ce monde tels que Napoléon Bonaparte ou encore George Washington.
Personnellement, j’ai beaucoup apprécié cette investigation où les complots et entourloupes se dissimulent derrière chaque porte. En plus des choix propres aux narratifs, The Council se pare d’un aspect RPG avec des points de compétence à acquérir pour avoir accès à certaines actions et/ou lignes de dialogue. De même que vos échanges peuvent prendre la tournure de confrontations qui, si vous échouez, bloquent l’accès à certaines révélations.
Vampire The Masquerade – Swansong est un héritier de The Council dans son gameplay, ce qui va ravir ceux qui, comme moi, ont adhéré à la recette. Cette fois, Big Bad Wolf s’est lancé dans une adaptation d’un jeu de rôle sur table : Vampire the Masquerade. Si, par jeu de rôle papier, on songe souvent à Donjons & Dragons, Vampire the Masquerade demeure une licence tout aussi populaire et toujours active !
Plusieurs projets vidéo ludiques autour de la licence ont déjà vu le jour, comme Blood Hunt le battle royale, tandis que d’autres sont encore en élaboration, à savoir la suite de Bloodlines. Du côté de Big Bad Wolf, Swansong propose de se concentrer sur trois vampires liés à la Cour de Boston. Une soirée qui aurait pu accorder de nouveaux alliés à la Cour a mal tourné. La Seconde Inquisition a massacré tout le monde. Seule explication à ce désastre : une taupe est présente au sein des vampires.
Trois âmes, trois destins
Vampire The Masquerade est une licence fort riche où les vampires se divisent en clans, chacun possédant ses propres spécificités. Un élément qui se retrouve au sein du gameplay de Emem, Leysha et Galeb. Chacun d’eux possède une capacité qui lui est propre et permet de le distinguer de ses pairs. La célérité de Emem lui permet de se téléporter et même de donner l’impression que le temps est ralenti autour d’elle, ce qui est fort pratique pour s’immiscer dans certains endroits. Galeb se fait plus discret avec des capacités pouvant lui permettre de soutirer des informations par l’intimidation. Quant à Leysha, elle peut copier n’importe quel uniforme afin d’infiltrer des lieux investis par les humains.
Si ces trois individus sont liés à la Cour de Boston, chacun d’eux possède son propre background et ses propres motivations concernant l’intrigue centrale.
Toréador (de clan, pas de métier), Emem se présente comme une femme de la nuit, fière de posséder nombre de clubs. Pour autant, loin d’être superficielle, la vampire dissimule plusieurs plaies que l’on peut découvrir lors d’un chapitre si on prend la peine de retrouver ses souvenirs.
Galeb est le plus ancien des vampires encore présent à Boston. Hors, le poids des siècles finit toujours par retomber sur les vampires. Les plus anciens finissent par succomber à l’Appel, un étrange signal les enjoignant à retourner sur les terres ancestrales de leur race. Sauf que Galeb y résiste (pour combien de temps ?), obnubilé par son devoir de servir le Prince.
Leysha se dévoile comme la plus délicate, et probablement même la plus touchante du trio. Convoquée par le Prince, elle a dû quitter l’institut où elle avait été envoyée pour veiller sur sa stabilité psychique. Son clan, les Malkavian, est connu pour avoir la faculté d’avoir des visions de l’avenir mais aussi être sensible psychologiquement aux vues de leurs capacités psychiques.
Des mécaniques héritées du jeu de rôle
Intrigue principale et parcours personnel viennent ainsi s’entremêler et c’est au joueur de décider du sort de chacun d’entre eux. Je considère comme réussi un jeu narratif si les choix ont des conséquences et, surtout, si le titre ne me donne pas l’illusion du choix. Bien souvent, si l’on tente de s’éloigner des directives de l’intrigue, celui-ci va forcer le retour sur les rails. Or, il est tout à fait possible de conclure Vampire the Masquerade – Swansong sans avoir réussi à trouver l’identité du traître. Des pans entiers de scénarios peuvent passer à la trappe si on ne prête pas attention à l’environnement.
Même après deux parties, des scènes me sont encore inconnues. Chaque fin de chapitre vous récapitule les actions réalisées, les échecs et ce que vous avez raté. Une très bonne initiative pour donner envie de tester de nouvelles actions !
Chaque chapitre amène à de nouveaux lieux, changeant du huis-clos proposé par The Council. Une variété d’environnements qui permet de briser toute langueur, chacun représentant l’équivalent d’une scène de crime à explorer. Les retours à la Cour proposent de se recentrer sur l’intrigue personnelle de chacun des protagonistes. Des moments à ne pas négliger car ils auront un impact sur la suite selon les choix opérés.
L’exploration est d’ailleurs récompensée. Plus vous réussissez d’actions au sein du chapitre, plus vous obtenez des points d’expérience à dépenser dans l’arbre à compétences de votre personnage. Celui-ci se divise en compétences et disciplines. Les premiers évoquent The Council et toute fiche de personnage de jeu de rôle avec des capacités influant sur les confrontations mais aidant aussi à l’exploration tel que le crochetage. Les disciplines ne sont rien de moins que les pouvoirs vampiriques qui ont un impact là encore dans les confrontations (pour soumettre votre interlocuteur par exemple, ou manipuler son esprit) mais aussi sur les disciplines propres à chaque personnage (comme la célérité pour Emem).
Sauf que les pouvoirs vampiriques puisent directement dans votre jauge de Faim. Un vampire affamé ne pourra plus user de disciplines et, surtout, pourra s’attaquer aveuglément aux humains. Un mal qu’il vaut mieux éviter pour explorer en toute discrétion. Heureusement, il existe des zones cachées où vous pouvez emmener vos proies afin d’y apaiser votre soif. Veillez simplement à ne pas être trop gourmands pour ne pas laisser de cadavre dans votre sillage. Jamais plus haut que le bord !
Les Confrontations démontrent d’ailleurs que vos adversaires sont tout aussi compétents que vous, voire plus. Certaines lignes de dialogue requièrent un niveau précis dans la discipline concernée. Votre adversaire peut se défendre en boostant sa discipline (tout comme vous). Si une égalité a lieu, le sort sera décidé… aux dés. N’hésitez donc pas à être prudent sachant qu’un pourcentage indique vos chances de réussite.
Le seul élément en deçà concernant le gameplay provient des énigmes. Que ce soit le code d’un coffre ou une porte à déverrouiller, la réponse se trouve souvent dans les environs mais requiert d’observer et lire les documents disséminés. Une méthode qui ne me bloque guère mais je dois reconnaître que certaines énigmes sont un peu alambiquées comme celle consistant à libérer un prisonnier de la Chantrie. Cela m’a rappelé mes années passées sur des point and click qui, s’ils laissent un très bon souvenir, n’étaient pas toujours aisés à conclure sans une soluce à côté.
Une technique en deçà mais dotée d’une identité
Si Vampire the Masquerade – Swansong m’a plu par son gameplay et son univers, je ne peux nier qu’il est loin des standards des grands titres actuels. Un défaut que connaissait déjà The Council. Les personnages secondaires accusent une modélisation en deçà des principaux avec des textures lisses.
Pour autant, à l’image de The Council, Vampire the Masquerade – Swansong propose une direction artistique qui arrive à convaincre. Je dirais même que, si le jeu n’a pas l’éclat des grands, il insuffle quelque chose au sein de ses pixels. A titre personnel, je préfère une œuvre un peu cassée mais qui possède une âme qu’une vitrine technique à la froideur clinique. Rien que la Cour de Boston dévoile une architecture en apothéose avec ses lignes droites, ses couleurs claquantes et ses statues gigantesques. On a cette impression de n’être rien face à la puissance du palais du Prince.
Chaque lieu visité a sa propre identité visuelle que ce soit l’appartement de Moore renfermant des pièces secrètes et digne d’un architecte dans sa topographie, le camp des Anarchistes positionné au sein des quais ou encore le bastion de la Seconde Inquisition, construction militaire aux relents de Guerre Froide. J’oserais même dire que la Cour n’est pas sans évoquer la demeure de Lord Mortimer de The Council. Mais cela vient probablement de la présence des serviteurs masqués.
Oui, Vampire the Masquerade – Swansong est un jeu français mais, oui, il n’est doublé qu’en anglais. Le jeu étant le produit d’un studio indépendant, le budget n’est pas aussi conséquent que pour de grands titres et l’anglais est souvent la langue choisie pour pouvoir toucher le public le plus large possible. Mais rassurez-vous le jeu est intégralement traduit. On notera tout de même quelques coquilles qui ont échappé à la correction, et aussi l’impossibilité d’agrandir les sous-titres. Rien de dommageable mais c’est toujours un petit plus qu’on ne boude pas.
D’ailleurs si vous n’êtes pas familier avec l’univers de Vampire the Masquerade ou n’avait que quelques connaissances parcellaires (ce qui est mon cas), le jeu dispose de tout un index se complétant au fur et à mesure de votre avancée pour venir expliciter termes et composants de l’univers. Si le récit demeure clair dans son ensemble, ce bottin d’informations est fort à propos pour mieux saisir certaines subtilités, voire donner envie de se lancer dans le jeu de rôle papier. En tant qu’ancien joueur de la licence, Yuutsu a pu me confirmer que les informations délivrées étaient bien celles de la licence originelle. Un très bon point !
Si la bande-son n’est pas de celle que j’écouterais en dehors de mes parties, elle prouve (s’il le fallait encore) le talent d’Olivier Derivière. Si beaucoup l’ont connus via A Plague Tale : Innocence, le compositeur officie depuis des années et a signé (ceci est une liste exhaustive) les bandes originales de Alone in the Dark, Vampyr, Remember Me, Greedfall, The Council et participé à celle de Streets of Rage 4. Une pléthore d’univers qui permettent d’apprécier la variété des compositions de l’homme. Vampire the Masquerade – Swansong varie ainsi entre des mélodies brutes pour souligner la violence des vampires (et leur aspect prédateur) mais aussi plus tendres comme c’est le cas avec la musique « Free of You » qui se lance lorsque Leysha et sa fille ont réussis à renouer lors d’un chapitre.
En résumé
Avec le temps, je remarque que j’ai beaucoup d’affection pour les jeux “imparfaits”, ceux dont la technique ne va pas être le point fort mais qui vont révéler des richesses ailleurs que ce soit dans le gameplay ou l’univers. Vampire The Masquerade – Swansong m’a fait passer d’excellents moments (et je risque de le relancer pour découvrir un maximum de scènes et secrets).
Le trio de personnages arrive à toucher aussi bien par ses convictions que par ses blessures. Si Galeb impose par son charisme et brille par de véritables moments de maîtrise de la situation, Emem dévoile un caractère plus fragile que ne l’escomptait sa première apparition dans le jeu. Je peux que vous encourager à retrouver ses souvenirs lors de sa visite de la Chantrie. Quant à Leysha, difficile de ne pas être sensible à sa nature de Malkavian, condamnée à subir les visions du futur. De plus, la jeune femme veille sur sa fille avec un lien à l’équilibre précaire selon les choix que vous opérez.
Si vous avez apprécié The Council, Vampire The Masquerade – Swansong saura vous séduire avec, une fois encore, une enquête à dénouer pour découvrir la vérité. Je considère d’ailleurs que Vampire The Masquerade – Swansong peut plaire à tout le monde, tant que vous n’êtes pas hermétique aux jeux narratifs. Le titre se permet même d’être une introduction à la licence avec ce codex empli d’informations. Pour les chasseurs de platine qui seraient tentés par l’aventure, un guide est présent sur le blog. Rien de très complexe à l’horizon : on retrouve la formule habituelle des listes de trophées des jeux narratifs avec des scènes clés à réaliser.
Pour ma part, je vais suivre les futurs projets de Big Bad Wold avec attention. Qui sait dans quel univers le studio nous amènera la prochaine fois.