J'étais tellement emballé à l'idée de débuter ce Virtue's Last Reward.

Je venais de terminer 999, découvert au hasard dans le Gamepass, 13 ans après la sortie initiale du titre sur DS. Une aventure plaisante, une ambiance réussie, des énigmes variées, un visual novel enthousiasmant à défaut d'être irréprochable (ma critique est disponible ici).

Quand j'ai vu l'engouement autour de sa suite, considéré par beaucoup comme étant le meilleur élément de la trilogie Zero Escape et un jeu aux qualités folles, je n'ai pas hésité une seconde et je lançais l'aventure le sourire aux lèvres.


Une trentaine d'heures plus tard, elle se termine amèrement.


Les premières secondes provoquent un premier étonnement : le style visual novel classique (mais plutôt soigné) de 999 laisse place à une modélisation 3D à la qualité douteuse. C'est un retour en arrière perturbant, qui s'explique par un manque de moyens et un besoin de limiter les coûts au maximum, le premier épisode n'ayant pas obtenu le succès commercial espéré.

Cependant, pas de quoi s'alarmer, il est tout à fait possible de poser une ambiance et d'écrire une histoire convaincante même avec un style visuel dépassé.


Malgré son manque de moyens, VLR se veut bien plus ambitieux que son prédécesseur. Ce dernier révélait ses surprises via quelques embranchements narratifs et le choix (surprenant à l'époque) de forcer le joueur à revenir en arrière pour découvrir de nouvelles alternatives. Jusqu'à arriver à la véritable fin.

VLR repart de ce concept et l'assume à 300% : tout est désormais centré autour de cet arbre narratif que l'on pourra visualiser dès le début du jeu, laissant apparaître une vingtaine de fins potentielles là où 999 se limitait à 6. C'est un peu terrifiant de prime abord, puis on se réjouit d'avance à l'idée de découvrir tant d'histoires différentes en fonction des choix effectués au cours de l'aventure.


Arriver à une première fin n'est pas bien long, en quelques heures seulement. Il est alors temps de basculer sur une autre, puis sur une autre, puis sur une autre. Le plaisir de découvrir d'autres pans de l'histoire laisse vite place à de la lassitude, et même une pointe de frustration. Même s'il est possible d'accélérer fortement les bouts d'histoire déjà visualisés, le système est loin d'être parfait. Il est très fréquent de relire des informations que l'on connaît déjà, de revoir des pans de scénario à l'identique à l'exception d'une petite phrase anodine qui change. Et surtout, la navigation du personnage prend un temps considérable et ne peut pas être passée.

On se retrouve rapidement à vivre des séquences de ce type : ouverture de la porte A, navigation dans le couloir, ouverture de la porte B, navigation, dialogue, fin d'un arc, changement d'arc, dialogue déjà vu à zapper, navigation, ouverture de la porte B, navigation, ouverture de la porte C, dialogue identique à 99% à un autre, ...

Le rythme est beaucoup moins bien géré que dans 999, qui se parcourait d'une traite sans sentiment de déjà vu. VLR est deux fois plus long à terminer, mais ça reviendra davantage à deux fois plus d'efforts plutôt que deux fois plus de plaisir.


On retrouve aussi l'autre élément original du premier opus : les phases d'escape room. Malgré la longueur du titre, il y en a pourtant autant que dans son prédécesseur. Une petite déception.

Dans l'ensemble, les salles sont plus intéressantes dans ce nouveau volet. Les énigmes plus complexes demandent davantage d'implication, et il sera bien souvent nécessaire de noter des informations sur un bout de papier pour s'y retrouver et aller au bout des salles. C'est quelque chose de très appréciable, seulement gâché par quelques énigmes trop longues et pénibles. On passe tout de même un très bon moment sur ces puzzles.


Mais ils sont noyés dans cette avalanche de dialogues, dans ces informations lues et relues, dans cette narration qui se répète bien trop souvent. Les écueils narratifs se multiplient au fil de l'aventure.

Comme dans 999, des dialogues pervers provoquent d'étonnantes ruptures de ton. C'est gratuit, injustifié, complètement en décalage avec le thème du jeu et semble avoir été écrit par une bande de potes immatures. Le simple fait d'abaisser un levier pour ouvrir une porte (pour survivre n'oublions pas) devient l'occasion de parler des vertus érotiques de la masturbation de leviers. Les personnages féminins semblent n'être qu'un harem pour le personnage principal, qui nous propose des répliques sexuelles hallucinantes entre deux drames mortels. De manière générale, l'humour est maladroitement dosé.

De plus, là où 999 arrivait à créer une véritable dynamique de groupe, à nouer des liens entre ses personnages, VLR se prend les pieds dans le tapis. Tout le monde est très isolé et il est compliqué de s'attacher à ces personnalités égocentriques, à ces personnages-fonction. A l'exception peut-être de K, qui est agréable à découvrir et dont le rôle est intelligemment amené.

Avant de se conclure, le jeu tente de justifier la présence des 9 protagonistes. Pour certains, c'est très poussif et semble principalement répondre au besoin de l'histoire d'avoir 9 personnages et pas un de moins.

Alice, je pense à toi, toi qui étais un cliffhanger étonnant de 999 pour finalement devenir une bête calculatrice.

Si on rajoute les incohérences nombreuses, les comportements stupides de certains personnages censés être brillants, la présence finalement inutile de Zero III (aka le lapin pénible, pâle copie de Monokuma dans Danganronpa) et les flash-back de scènes que l'on a vu moins d'une minute avant, cela commence à faire beaucoup d'éléments décevants.


Mais le jeu pourrait se terminer sur une bonne note s'il proposait une conclusion à la hauteur de ses ambitions. On s'attend à des twists, à des surprises, toute l'aventure est pensée pour amener vers des révélations finales détonantes.

Dans un sens, c'est réussi. Les rebondissements s'enchaînent à un rythme solide et le jeu fait beaucoup d'efforts durant sa dernière heure pour répondre aux interrogations du joueur.

Pour ma part, c'était malgré tout la douche froide. Les explications se complexifient énormément pour camoufler les faiblesses scénaristiques, pour donner l'impression d'un plan d'ensemble brillamment pensé alors qu'il est défaillant dans tous ses pores. En tentant de tout justifier, le jeu met aussi en lumière ce qui ne l'est pas. J'ai subi cette soupe narrative, pénible conclusion d'un jeu bourré de bonnes intentions, mais d'autant plus de maladresses.


Au final, je me dis que les ambitions plus légères de 999 l'ont probablement sauvé et permis d'être une oeuvre agréable. En tentant de pousser tous les curseurs plus loin, VLR perd en équilibre et pertinence. On passe pourtant de bons moments sur ses puzzles et ses concepts originaux sont de solides bases (excellente idée que les AB Room) pour capter l'attention.


J'aurai aimé faire partie de celles et ceux qui considèrent VLR comme une oeuvre majeure, c'est finalement une de mes plus grosses déceptions vidéoludiques.

zoruninho
3
Écrit par

Créée

le 1 juil. 2022

Critique lue 102 fois

1 j'aime

zoruninho

Écrit par

Critique lue 102 fois

1

D'autres avis sur Virtue's Last Reward

Virtue's Last Reward
Red13
9

Au Lutin Preserve

- Cette critique ne contient strictement aucun spoil du jeu, seulement certains éléments de contexte qui ne perturberont aucunement votre expérience de jeu future sur le titre - Virtue's Last Reward...

le 6 juin 2014

17 j'aime

18

Virtue's Last Reward
TheBTaka
10

Tu fui, ego eris.

Pour prévenir d'entrée de jeu, cette critique ne présentera aucun spoil, ou si elle le fera, ça sera derrière une balise spoiler. Vous pouvez donc lire cette critique sans avoir terminé V'sLR ou...

le 24 mars 2016

16 j'aime

7

Virtue's Last Reward
Twelvy
10

Tout ce que le jeu vidéo peut apporter à la narration

Virtue's Last Reward est mon premier jeu Vita. Le bouche à oreille autour du titre a eu raison de moi et je me suis décidé à l'acheter, ne serait-ce que pour tester un genre que je ne connaissais pas...

le 31 août 2013

8 j'aime

Du même critique

The Last Guardian
zoruninho
5

Grandiose frustration

The Last Guardian est l'essence même de l'expérience qui alterne le chaud et le froid. Quelques qualités majeures qui tentent de camoufler la pauvreté de l'ensemble. Autant le dire tout de suite :...

le 13 mars 2017

38 j'aime

14

VDM, la série
zoruninho
1

Vous avez une vie de merde ? Venez nous la raconter à la direction générale de la vie de merde

Allo ? La direction générale de la vie de merde ? Oui c'est pour vous faire part d'une terrible mésaventure qui m'est arrivée aujourd'hui. J'ai découvert sur senscritique l'existence d'une série VDM...

le 21 août 2013

12 j'aime

2

Compton
zoruninho
7

The Final Compton

Plus besoin de présenter Dr Dre je pense, la légende parle pour lui. Après un 2001 culte, l'artiste se consacre davantage à la production d'artistes qu'à la réalisation d'un nouvel album. On compte...

le 7 août 2015

9 j'aime