Volume !
Volume est un petit jeu d’infiltration aux nombreuses possibilités qui, s’il n’est pas d’une folle originalité, s’avére plutôt réussit… On contrôle ii un personnage dans des niveaux dont il doit...
le 15 mars 2018
Thomas Was Alone avait fait les beaux jours du lancement d’un coin de Pixel. Je m’étais à l’époque enthousiasmé devant sa brillante synergie gameplay / narration. Trois ans après ce festival de forme géométriques, son designer Mike Bithell nous propose Volume: un jeu d’infiltration avec un noms de shampoing et des extraits de révolutions.
Le jeu d’infiltration est un des genres le plus difficile à designer. Le plaisir de jeu provient de l’invisibilité du joueur: contrairement aux autres genres, tous les systèmes de jeu sont donc basés sur son absence plutôt que sa présence. Seulement cet état n’étant pas permanent, le joueur se fait inévitablement prendre à un moment ou un autre et c’est là que le jeu se révèle le plus souvent inconsistant. Quel meilleur exemple pour illustrer cela que les longs instants passés dans les casiers des premiers Metal Gear Solid à attendre que le niveau d’alerte retombe à zéro. Si les premières fois la tension est à son paroxysme, à la dixième l’ennui pointe le bout de son nez. C’est pourquoi de nombreux jeux d’infiltration ont choisi de réduire drastiquement le temps de jeu passé dans cet état. le joueur a quelques secondes pour sortir du champ de recherche. S’il y parvient, le système retrouve son état initial; sinon, il est tué.
La deuxième difficulté propre au jeu d’infiltration concerne les conditions mettant un terme à l’invisibilité du joueur. Dans les premières générations de jeux d’infiltration, soucis de réalisme oblige, le joueur n’avait pas toutes les informations à sa disposition. De nombreux éléments du système de jeu comme les déplacements des gardes, leurs réactions ou leurs apparitions lui étaient dissimulés. Ainsi, il se faisait souvent surprendre par des personnages hors champ ou des réactions inattendues. Seul l’échec menait à une infiltration sans encombre, forçant ainsi le joueur à faire périodiquement face à la frustrante phase de visibilité.
Volume jette lui par la fenêtre toute considération de réalisme. Ainsi libéré de cette contrainte, il met dans les mains du joueur tous les éléments lui permettant une infiltration sans accros. Le cône de vue des ennemis est clairement défini, quitte à ce qu’ils ne vous voie pas leur chatouiller la colonne vertébrale. Les sons sont distinctement illustrés par une vague autour des personnages se diffusant aussi bien à travers les murs que dans un espace ouvert. Les ennemis ont subi une ablations totale du sens de l’initiative, avec des déplacements et réactions prévisibles au centimètre près. Les murs n’existent qu’en deux tailles: petite pour se dissimuler accroupi et grande pour se dissimuler debout. La trajectoire entière des objets que l’on peut lancer s’affiche dès que l’on vise. Et évidemment chaque nouvel élément de gameplay est expliqué clairement avant d’être introduit. Bref, tout est pensé pour que le joueur ne puisse s’en prendre qu’à lui-même si l’alarme retentit.
Selon les termes classiques de l’immersion dans un univers, tout ces compromis avec le réalisme devraient faire obstacle au plaisir de jeu. C’est sans compter sur la conjugaison de l’extraordinaire je-m’en-foutisme de notre esprit et de la savoureuse pirouette scénaristique mis en place par Mike Bithell. Ce dernier, conscient qu’il ne faut pas grand chose à notre imagination pour transformer en récit cohérent les situations les plus improbables a placé la trame narrative dans une simulation informatique. Ce parti pris fonctionne si bien que l’auteur se permet régulièrement de rire de ces incohérences sans jamais briser notre précieuse suspension d’incrédulité. Une nouvelle démonstration, si besoin est, qu’un bon système de règle vaut narrativement tout le réalisme du monde.
Non content de faire partie de la nouvelle vague de l’infiltration, Volume est également un brillant éditeur de niveaux. Malgré son interface pas toujours des plus pratique, le joueur bombardé créateur ne fuit pas devant l’ampleur de la tâche. Une accessibilité que l’on doit à l’excellente lisibilité du système d’infiltrations. Tous les efforts faits pour rendre le gameplay limpide et ses éléments distincts les uns des autres paient d’autant plus une fois l’éditeur de niveaux entre les mains. Le mode histoire terminé, le joueur a toutes les connaissances nécessaires pour créer un niveau pertinent en quelques minutes. D’ailleurs, afin de vous prouver ce que j’avance, j’ai publié dans le jeu trois niveaux bricolés par mes soins illustrant les points du paragraphe précédent. Il vous suffit pour cela d’entrer UCDP dans la recherche en ligne. De rien.
On dit souvent que les idées sont dans l’air et qu’il est très difficile pour nombre d’entre elles de leur attribuer un auteur défini. Volume est rempli de trouvailles brillantes réalisées avec talent. Son seul défaut finalement est de sortir au même moment que deux mastodontes ayant eu les mêmes idées mais avec beaucoup plus d’argent. Comme le disait Alanis Morissette dans les années nonante, la vie est parfois faite de coïncidences un peu pourries: un phobique de l’avion qui s’écrase lors de son premier vol, se retrouver avec dix mille cuillères quand tu as besoin d’un couteau ou mourir le lendemain d’une victoire à la loterie. Aujourd’hui j’ajouterais sans plaisir aucun: sortir Volume en même temps que Metal Gear Solid V et Super Mario Maker.
Publié sur [uncoindepixel.ch][1]
Créée
le 18 sept. 2015
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