On croyait avoir tout vu, en matière de jeux indés sortis des matrices préfabriquées de RPG Maker.
Du jeu de rôle rétro à la japonaise, copié-collé au cliché près.
Des promenades narratives aussi touchantes que soporifiques.
Des farces sauvées par leur humour potache aux excès gentiment référencés.
"Veni, vidi, vici, circulez y'a rien à voir", comme disait l'autre, tant on fait vite le tour de ces variations-sur-un-même-thème, métaphoriquement comme manette en main.
Wait se serait sans doute ajouté à la longue liste des "pourquoi pas / à quoi bon ?" s'il n'avait su se démarquer de ses prédécesseurs et choisir avec soin les vieux pots dans lesquels il a cuisiné sa "meilleure soupe" (Lovecraft, Silent Hill, the Lost Room, 9 Hours 9 Persons 9 Door, excusez du peu...), ni intégrer avec tant d'élégance ces références illustres (jusque dans sa bande-son à la Yamaoka).
Bien qu'il peine à convaincre en tant que jeu proprement dit, la faute à une interactivité réduite au strict minimum, à ses mécaniques fondées sur la répétition et à ses énigmes mal équilibrées, ce nouveau cru surprend par son approche atypique de la narration et par la qualité de son récit, moins conventionnel qu'il n'y paraît en cours de premier run.
Car alors qu'on croit s'embarquer pour un petit trip narratif d'une heure, sympa-mais-sans-plus, on se surprend à recommencer une fois, deux fois, trois fois, chaque nouvelle itération apportant son lot de variations, de révélations, de nouvelles pistes scénaristiques, de nouvelles perspectives pour mieux comprendre l'ensemble (à condition toutefois qu'on ne se trompe pas d'embranchements ou qu'on n'aille pas trop vite en besogne, le jeu regorgeant d'easter eggs). Ceci, de façon à mieux prolonger ou contredire ce qui aura pu précéder, étoffant peu à peu une trame classique en surface mais complexe en profondeur, démontrant par-là même qu'il suffit d'une bonne idée, une seule, bien exploitée, pour poser une ambiance poisseuse juste-ce-qu'il-faut et faire plonger le joueur-lecteur-spectateur tête la première dans les abysses en spirale du Fantastique avec un grand F.
En effet, qu'on ne s'y trompe pas.
Wait est très bon en l'état, mais il aurait mérité mieux.
Un bouquin, un survival horror à l'ancienne, un walking simulator photoréaliste, un film, une série TV, qu'importe !
Quel que soit le média, il aurait marqué les esprits aussi sûrement qu'un Twin Peaks ou un Donnie Darko.
Au lieu de quoi restera-t-il, pour le meilleur et pour le pire, un petit jeu fauché connu d'une poignée d'initiés.
Dont je suis, par bonheur.
Aussi, en dépit de tous mes regrets, je ne regrette rien.