Le peuple a renversé le roi, Robespierre a fait la terreur, après c’est Napoléon”. Si vous avez été scolarisé, c’est à peu près ce que vous devez avoir retenu de la Révolution française de 1789. C’est ensuite auprès d’historiens rigoureux – pensons à Stéphane Bern – que vous avez pu étancher votre soif de savoir critique. Vous savez donc que Marie-Antoinette buvait son Nespresso avec deux sucres, en admirant au mur le portrait de son arrière-arrière-arrière grand-père gaulois : un druide Celte nommé Panoramix. Plus de critiques sur La Gazette du Game
We. The revolution débute quelques jours avant le procès de Louis XVI. On y incarne Alexis Fidèle, un juge du Comité de Salut Public alors en place. Dans ce jeu de stratégie / gestion en milieu judiciaire, il ne s’agira pas tant de rendre justice que de ménager les factions en place : les révolutionnaires, le peuple, les aristocrates. Le jour, on pond des verdicts plus ou moins discutables pour maintenir nos différentes jauges de réputation et donc rester en poste / en vie. La nuit, elle, est réservée à la vraie politique : celle des complots, des traîtrises, de l’intimidation et des parties fines. Entre les deux, prendre soin de sa petite famille apportera quelques bonus.
Massacre au massicot
Au début de chaque audience, on ouvre le dossier d’accusation. On prend connaissance de l’affaire, afin de pouvoir qualifier correctement chaque élément (mobile, contexte, pièce à conviction…). De notre efficacité dépend alors le nombre de questions qu’on pourra poser à l’accusé. Certaines feront pencher les jurés vers la relaxe, d’autres vers la guillotine. Il faudra donc la jouer fine pour sauver la nuque de certains, ou au contraire les mener à l’échafaud. Parfois les cas sont évidents, parfois on découvrira trop tard la culpabilité assez relative d’un pauvre bougre, sans pouvoir lui donner une chance de remonter dans l’estime des jurés par une question sur son enfance difficile. Il est toujours possible – moyennant un gros malus de réputation – de rendre un verdict contraire à l’avis des jurés. Mais c’est mauvais pour la carrière.
Des couteaux Danton dos
En parallèle des affaires publiques, la partie « complot » du titre est intéressante, bien que moins jouissive. Pour convaincre et se faire des alliés, il faudra user du bon ton sur chaque sujet (blague, humilité, agressivité ou manipulation), selon la position de votre interlocuteur. Ces discussions en environnement feutré, dont dépend votre avenir politique et physique, sont assez courtes pour être agréables, bien que certaines mécaniques semblent artificielles. Pourquoi dépenser de précieux points de réputation pour connaître la position de Danton sur Robespierre, alors que le jeu me guide déjà en indiquant la force de tel ou tel argument ?
Les amateurs de Papers, please ou This is the Police seront comblés et retrouveront leurs mécaniques favorites. Bémol : un remplissage pollue un peu le dernier quart, avec des combats “tactiques” sur plateau sans grand intérêt mais obligatoires, tout comme les phases de jeux de dés. Le titre aurait clairement gagné à être élagué et concentré sur les seuls procès. Pas de quoi faire oublier la direction artistique façon peinture de maître polygonale, l’écriture, le sens du détail et tous ces cachets à la cire orgasmiques scellant le sort d’un aristocrate. Le jeu nous met face à nos responsabilités, car c’est en personne qu’on va faire tomber le couperet. Alors oui, on se sent un peu sale après une condamnation politique pour satisfaire la foule en furie. Mais comprenez qu’il en va du destin de la France. Imaginez qu’elle tombe aux mains de bourgeois qui exploitent et méprisent les masses laborieuses ? Brrr.