C'était quelques jours avant Noël, période bénie s'il en est, il était environ 17h je pense et il faisait déjà nuit. Sous la pluie pas encore battante, j'arpentais les rue de La Rochelle entre les klaxons des voitures et le halo clignottant des guirlandes à la recherche de cadeaux pour compléter les listes déjà replètes des membres de ma famille. J'entrai par mégarde ou par instinct dans le regretté Ultima où, évitant soigneusement le rayon airsoft qui vampirisaient de plus en plus l'espace, je me dirigeai sans rien y chercher vers le généreux rayon occasions. Point de vieux sage asiatique ici pour vous acceuillir ni même de petit garçon avec une casquette des Yankees prêt à échanger quelques dollars (ici des francs) contre quelque créature étrange venue d'Orient mais je m'en tirai plutôt pas mal puisque je repérai entre un Metal Gear et un FFVII (on y reviendra) la pétulante illustration de jaquette de Wild Arms et en un clin d'oeil, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "Eastwood", je suis reparti avec le jeu sous le bras, me suis posé à l'arrêt de bus et ai dévoré la notice. Car oui, grand lecteur de notices devant l'éternel je fus et je resterai.
Alors non, le jeu ne m'étais pas tout à fait inconnu.
Game One faisant, j'avais distingué la finesse et la beauté épique de cette intro animée au milieu d'une bouillie de clips en 3D plus ou moins bien mappée typique de l'époque, la musique de Michiko Naruke avait déjà fait au moins deux tiers du boulot, je la sifflote encore chaque jour, vraiment. Quelle félicité de pouvoir reproduire l'expérience à volonté dans ma chambre d'ado (attardé) !
Derrière ça, je ne savais pas à quoi m'attendre. Un rpg certes, mais apprenons que de rpg je ne connaissais en tout et pour tout que Warriors of the Eternal Sun sur Megadrive, Final Fantasy VII chez Sony et tout ce qu'on nommait encore "jeux d'aventures" sur tous les supports.
Wild Arms, est donc un rpg et un jeu d'aventures. Trois aventures, une par personnage, chacun avec ses spécialités, son histoire, son passé. Au départ, on vous demande de choisir, mais ils vont se retrouver comme vous le suggère l'intro (mais regardez-là encore c'est si beau !).
Nous avons le chasseur de trésors accompagné de son rat apprivoisé (et parlant) en quête de gloire, de puissance et de fortune. Le jeune garçon moitié prodige moitié idiot du village prêt à se sacrifier pour faire le bien mais rejeté de tous en raison de son usage d'une technologie taboue. Et enfin, ha, la Princesse, qui passe de première de la classe à rubans roses à baroudeuse aux cheveux coupés à la garçonne qui, non contente de maîtriser la magie, apprend à dompter le plus puissant des golems. Chacun trouvera ce qu'il cherche, même si ce n'est pas ce qu'il attendait.
Ah oui ça rigole pas en matière de background. On a ici droit à un monde patchwork insolite cousu avec les plus beaux des clichés. Filgaia, le monde où on évolue, jadis verdoyant aujourd'hui aride à cause de l'intervention d'anciens dieux ou démons on ne sait trop, est coincé pile entre western spaghetti et heroic fantasy à la japonaise. On y suivra nos trois héros aux prises avec des forces qui les dépassent, entre technologie ancienne mais supérieure et visions eschatologiques.
Alors oui, techniquement c'est inégal. On passe d'une somptueuse 2D un peu SD (ça en fait des D) avec ses ombrages et ses détails aussi fouillés que possible lors des phases d'exploration, des traces de pas après avoir marché dans une flaque vous y pensez, à un hideuse 3D (et là les fans de FFVII ces rustres se sont moqués) lors des combats (malgré, et on nous le vante en dos de jaquette, des éclairages dynamiques réussis) des plus basiques en guise de passage obligatoire sur cette console de Sony sensée se tourner vers le futur. Tout y est relativement classique, dans le sens le plus noble du terme, la progression n'est pas spécialement compliquée et on parcourt l'aventure sans s'arracher les cheveux.
Mais cette histoire !
Oh oui, cette histoire et ce monde !
On y suit des personnages attachants, des méchants plus ou moins au courant de ce qu'il se trame (et "je m'appelle Lolitia"), des golems (traduire, des robots géants) et un monde vespéral, où la poudre parle aussi bien que la magie.
L'expérience est revêche car ici point de grand spectacle, point de cinématique à part celle du début qui ne daigne même pas être en images de synthèses, mais quelque chose qui, si vous vous impliquez un minimum, vous transportera bien plus loin que vous ne l'imagineriez.
Wild Arms est arrivé chez moi comme une évidence, le jeu qui, avec Silent Hill a justifié à mes yeux l'hérésie de Sony face à maître Sega. Dans l'ombre de ses concurrents FFVII ou Alundra, le jeu de MediaVision restera dans mon esprit comme une page d'une période bien précise, un brin de nostalgie, une pointe d'émerveillement et surtout, bien-sûr, des heures d'aventure.