Relecture pulp décomplexée du précurseur des jeux d'action à la première personne - que beaucoup prétendent adorer mais auquel personne n'a jamais véritablement joué - The New Order, malgré une écriture très clivante, a permis de replacer sur le devant de la scène une licence moribonde, mise au rebut grâce à quelques tentatives médiocres de surfer sur une certaine nostalgie de l'illustre Return to Castle Wolfenstein.
Si je peux reprocher beaucoup de choses à Bethesda, notamment leur conception du jeu de rôle à l'occidentale à côté de la plaque et la désastreuse incompétence de leurs services marketing et communication pour le volet éditeur, je ne peux en revanche que saluer une ligne éditoriale tenue par des vieux briscars et pour des vieux briscars. Cette position à contre-pied des tendances générales frileuses, couplée à l'octroi une grande liberté aux studios en charge de projets ambitieux, a tout de même permis l’avènement de la saga Dishonored, le dernier Doom (2016), les récents Wolfenstein et une petite merveille sortie cette année dans la quasi-indifférence générale : Prey.
Loin de moi l'idée de la jouer vieux ronchon, mais poser sa paire de gonades hypertrophiées sur la table pour gifler cet exaspérant gamedesign de FPS qui n'a que trop longtemps perduré, le tout en promouvant le retour en grâce de l'immersive sim avait ce je-ne-sais-quoi d'inespéré quand FPS rimait avec Call of Duty, sa mollesse et son rythme dicté par l'auto-regen, ses pistolets à bouchons et son écriture dégoulinante de patriotisme qui rappelle les pires heures d'un nègre de Tom Clancy (l'écrivain, pas le sobriquet raciste).
Parce que Wolfenstein 2 : The New Colossus constitue en ce jour l'exacte limite opposée du spectre, à savoir un fast-FPS bourrin et technique au rythme effréné. Pour couronner le tout, le bousin bénéficie en plus d'une écriture aux petits oignons, qui en profite pour dynamiter pour de bon quelques retenues qui ont pu laisser perplexe ceux qui s'interrogeaient, dans l'explosion finale, sur le degré de lecture à adopter pour apprécier The New Order.
La réponse, d'une évidence pourtant aussi frappante qu'une absence de svastika dans les versions germanophones, était bien entendu de tous les adopter, pour séparer le pulp grand-guignolesque des idées et messages plus élaborés envoyés par les développeurs.
Parce que la force de l'écriture de The New Collossus est d'être plus nuancée dans sa représentation du nazisme. Caricaturé à l'extrême par l'industrie hollywoodienne, le nazi était pendant très longtemps ce qu'est devenu le zombie ces dernières années : un monstre imbécile, cloné pour former un bataillon de chair à canon. The New Collossus se permet de briser le cliché confortable qui supprimait toute humanisation du nazi, à l'image d'OSS 117, enfonçant une porte ouverte pour secouer le joueur : les nazis ne sont pas des monstres, ce sont des hommes, des hommes au service d'une idéologie monstrueuse et meurtrière que nous aurions tort de considérer comme un vestige du passé. Condamnant tour à tour les actes abjects de l'oppresseur, la lâcheté et les poussées de fascisme chez les opprimés et la violence incroyable que répand le groupuscule résistant en génocidant du nazi de façon débridée et jouissive, le jeu se permet en outre d'en mettre une couche au joueur, grâce à la construction d'une dissonance ludo-narrative proche de ces petits apartés géniaux d'un Austin Powers.
Assez tergiversé sur les qualités d'écriture du jeu, revenons sur les autres aspects du jeu, qui s'inscrivent dans la parfaite continuité de The New Order. Fast-FPS bourrin mais difficile, The New Colossus reprend le mélange infiltration / défonçage de visages avec un fusil à pompe dans chaque main.
Si le level design a bénéficié d'une stricte amélioration à l'image d'un premier niveau particulièrement bien foutu et surprenant et un twist au premier tiers du jeu (qui permettra d'explorer les niveaux suivants de trois manières bien différentes), il faudra également compter sur la diversité des situations, quelque peu développées avec l’apparition de nouveaux ennemis, d'un arsenal légèrement retouché, et d'un level design favorisant la fuite en avant maboule, sous un torrent de plombs, flammes, au rythme des explosions et des gerbes de sang.
Ces doux dingues ont définitivement mis du Doom dans mon Wolfenstein, je ne vais pas m'en plaindre tant le déferlement de violence sous état de flow rend l'aventure toujours plus jouissive.
Et puisqu'on parle de Doom, ça tombe bien : Wolfenstein 2 en reprend une fois 2 plus 2 éléments brillants : le zicos Mike Gordon, qui régalait déjà nos esgourdes sur The New Order et l'Id Tech 6, d'une solidité à toute épreuve. Le jeu semble avoir bénéficié d'un soin tout particulier pour la partie optimisation, se permettant de tourner un coucou suisse tout en offrant une partie technique vraiment impressionnante.
Une fois de plus, les artistes de Machine Games ont été très inspirés par leur univers uchronique complètement barrée, à mi-chemin entre les années 50 et un univers steampunk que n'aurait pas renié le hollandais violent (P.Verhoven). Encore une fois, chapeau bas les artistes.
Au moment de terminer cette critique, je me me permets de t’interpeller, toi la fille ou toi le mec sympa, qui me suit ou passait par là complètement par hasard.
Quel type de produits veux-tu acheter ces prochaines années : des expériences insipides et identiques à chaque renumérotation, gavées de lootboxes mais markettées au rouleau compresseur ou les productions de studios qui savent créer des jeux avec de la patate et piochent des idées dans leur cervelet plutôt que chez la concurrence ?
Personnellement je n'ai pas de bille chez Zenimax, mais quand je vois les échecs commerciaux de Dishonored 2, Prey et ce nouveau Wolfenstein, à mettre en corrélation avec des campagnes de communication merdiques et des choix en terme de planning de sortie absolument idiots, je commence à me demander si la volonté de l'éditeur est réellement de vendre ces jeux.
Bref, une fois de plus le consommateur sera seul juge.