Un monde lent de lourds

Bonjour, je m’appelle Step, j’ai été joueur et je me suis soigné. J’ai débuté très jeune, une époque difficilement concevable pour nos juvéniles contemporains, un temps où un adolescent pouvait créer ses propres jeux sur des écrans monochromes. Il suffisait d’une balle, d’un mur et d’une raquette. J’ai passé d’innombrables et trépidantes soirées à diriger un sous-marin dans un monde hostile, figuré par des croix, des ronds et des points. Puis, la couleur survint avec Space Invader, Pac Man et Galaxian... J’ai acquis, pour une fortune, mes premières consoles et PC. Je me suis marié. Nous avons eu des enfants et vint le rude temps du sevrage. J’ai rangé mes manettes et mes disquettes, définitivement. J’ai connu une courte rechute, il y a dix ans. Un collègue et deux neveux m’initièrent à Counter-Strike : je découvrais, fasciné, les jeux en réseau, le plaisir de se confronter, à toutes heures, à des êtres lointains mais humains. Hélas, je me découvrais inadapté, comme obsolète, car incapable de sortir du statut de cible mouvante. La partie était trop rapide, trop technique, mes doigts se refusaient à courir sur le clavier en combinaisons absconses. Je rêvais d’un environnement plus lent, où je pourrais me déplacer paisiblement. Je rêvais d’une armure qui m’éviterait un head shot fatal toutes les cinq secondes. Je rêvais d’une manipulation intuitive, bouger, stopper, viser, puis tirer. Je rêvais d’une map (carte) suffisamment grande pour que l’on puisse s’y cacher. Je rêvais d’une règle plus complexe, proposant des stratégies plus subtiles que « je cours, saute en te tirant une balle dans la tête ». Le tout serait déployé sur des parties courtes. Pourquoi pas des blindés, des vieux, cheminant dans un environnement réaliste ?

Wargaming.net l’a fait. En mieux. Ce sont mes fils qui m’y ont initié ! J’ai rapidement fait mieux que de me défendre. J’ai débuté avec un petit char Renault, c’est sympa un FT-17 ! Puis, j’ai développé des arborescences allemande et anglaise. Je dispose aujourd’hui d’un VK 30.01 et d’un Churchill I. Je ne souhaite pas dépasser le tier 5. J’y suis bien. Mon kill ratio est fluctuant. Si je me laisse aller à prendre trop risques, je suis prestement éliminé. Si, par contre, je reste blotti dans le pack, si je prends le temps de m’embusquer, de viser, mes statistiques remontent. Je détiens désormais une collection de décorations qui, si je les additionne à mes badges SC, ferait blêmir de jalousie un maréchal de feue la grande Union Soviétique. L’occasion de vous livrer l’une de mes frustrations : le game play favorise outrageusement les productions russes, impossible d’affronter de face un KV1 ou KV2 ! P… de Russes. Je ne vous ai pas tout dit. Je joue sous un pseudo, en cachette. Quand la maisonnée dort, quand ma femme est de sortie. Word of Tanks "bataille" jour et nuit. D’ailleurs, je vais devoir vous laisser. Pas le temps de me relire, je compte sur votre indulgence et discrétion, je vais faire péter un p… de Kliment Vorochilov !