Xenoblade Chronicles 2
7.2
Xenoblade Chronicles 2

Jeu de Monolith Software et Nintendo (2017Nintendo Switch)

Pendant mes premières dizaines d'heures de jeu, je l'avoue, Xenoblade Chronicles 2 m'a vraiment, vraiment peu conquis, et dans mes dernières dizaines d'heures de jeu, il a vraiment, vraiment failli me perdre. Pourtant, si je prends la peine d'en parler alors qu'il devient rare que je consacre du temps à ça, c'est parce que certains aspects du jeu m'ont beaucoup plu et parce que je le trouve intéressant à bien des égards.


Alors commençons par le commencement, pourquoi a-t-il fallu des dizaines d'heures pour que je commence à m'immerger dans le jeu ? Comme beaucoup de JRPG (mais pas que), le jeu met tout simplement un temps fou à vraiment se lancer, en rupture totale avec le premier de la série, qui nous donne très vite une relative liberté (certes, il faut attendre l'arrivée de l'élément perturbateur pour vraiment débarquer dans la partie open world du jeu, mais on nous laisse dès la zone de départ tâtonner avec une grande partie des systèmes du jeu). Concrètement la majeure partie du gameplay repose sur des synergies entre personnages, et il faut déjà attendre la fin du premier chapitre pour qu'on en contrôle plusieurs. Ensuite, les systèmes se débloquent au fur et à mesure, parfois après des dizaines d'heures de jeu. La progression est hachée, peu naturelle, avec de soudains pics de difficulté qui contraignent soit à farmer comme un porc, soit à reconsidérer un des nombreux systèmes qu'on a pu délaisser. Le souci c'est que ces systèmes peuvent être parfois obscurs, voire carrément rébarbatifs (un des personnages ne peut progresser qu'en faisant en boucle un mini-jeu arcade dont on fait le tour du concept en deux minutes, ce qui ne serait pas gravissime s'il n'était pas un des principaux personnages jouables pendant au moins les deux tiers du scénario), quand ils ne sont pas purement punitifs (pour débloquer la compétence suivante de ta lame, va trouver tel monstre avec tel épithète qui n'apparait que sur 3m² d'une carte gigantesque à une heure précise sans que ces détails ne te soient accessibles). Tout cela rend extrêmement laborieux d'accéder au plaisir d'expérimenter avec le gameplay, pourtant présent une fois qu'on a réussi à booker dans son agenda les bien 30-40h nécessaires à avoir accès à la plupart des systèmes les plus importants et a en avoir une vue d'ensemble. Ce qui est frustrant, c'est qu'on ne peut à peu près pas se reposer sur de la progression classique pour se sentir un peu en contrôle tant XC 2 s'efforce de réinventer l'eau chaude en permanence : tu veux upgrade ton équipement, dépenser tes points de compétence, te focus sur une skill ? Le jeu ne te le permet pas vraiment. Pour seul équipement, tu as des accessoires qui n'améliorent que de manière superficielle ton gameplay (hormis vers la fin du jeu où tu ramasses des trucs qui renvoient les dégâts élémentaires, soignent automatiquement, empêchent les ko...) et des améliorations d'armes qui sont peu nombreuses et apparaissent de manière assez linéaire pour bump up tes dps. Non mon gars, complète des arbres de compétence pour des lames ordinaires (ce qui demande plusieurs heures de farming) afin de recevoir des objets qui confèrent des points de maitrise pour tes armes, que tu dois ensuite utiliser en te trouvant dans le bon sous-menu afin de les ajouter à ton capital (sur la bonne arme, donc tu dois te projeter dans l'utilité de telle arme à long terme, sinon c'est juste gaspillé) pour enfin les attribuer à la compétence de ton arme. Cela t'est vite fait expliqué, mais si tu as mal jaugé l'importance de ce système parmi tous les autres, il te faudra un certain temps même pour retrouver le bon sous-menu et comprendre que les points n'ont pas été auto-attribués. Je vais même pas parler de la récupération (une activité de looting qui est la principale source de revenus du jeu mais qui se noie largement dans l'intrigue et le design du jeu) ni du système de troc (qui semble trivial la majeure partie du jeu mais qui est en réalité vraiment utile à condition de passer des heures à planifier et pratiquer différentes activités de looting), on n'a pas le temps. Vous l'avez compris, c'était déjà une caractéristique du 1 mais ici c'est carrément devenu un frein, Xenoblade 2 nécessite d'investir beaucoup de temps, de manière très suivie, au jeu pour vraiment progresser.


C'est pour ça que je mentionne d'ailleurs que les dernières dizaines d'heures du jeu sont vraiment lourdes également, cette fois parce que tu vois bien que tu arrives à la fin du jeu mais que tu te tapes des cinématiques interminables. Parfois une dizaine de minutes d'une cinématique sans la moindre originalité. C'est juste objectivement trop long, c'est du mauvais game design, ça me hérisse d'ailleurs tout autant dans un Kingdom Hearts ou un Final Fantasy, bien qu'il faille reconnaitre à cette dernière série beaucoup d'efforts récents pour investir le joueur dans ces moments creux. Dans Xenoblade 2, le scénario se résume globalement à "Il faut tuer Dieu, ah et au fait tout le monde se fout sur la gueule parce qu'il y a des méchants" mais emballé dans un lore excessivement capillotracté (on vit sur des continents-créatures qui sont des Lames réincarnées qui sont des créatures synthétiques qui se synchronisent avec un Pilote pour se battre mais qui oublient leurs précédentes vies, les continents sont en guerre, certaines Lames n'ont pas besoin de Pilote, certaines Lames sont renégates, il existe des Lames primordiales qui redessinent les équilibres, et aussi le héros est un gamin qui se fait un harem). Dans les dernières heures du jeu, ça donne ça : début de la cinématique : les protagonistes arrivent dans une nouvelle zone, ils reconnaissent les lieux et en profitent pour se poser des questions existentielles sur la vie et sur leurs relations ; premier interlude : on voit ce que le groupe des méchants fait pendant ce temps-là, qui en profitent pour se poser des questions existentielles sur la vie et sur leurs relations ; interlude dans l'interlude : on voit un flashback d'une vie antérieure d'un des méchants qui explique pourquoi il en est arrivé là ; deuxième interlude : on voit l'évolution de la situation géopolitique pendant le temps qu'il a fallu aux protagonistes pour parcourir trois kilomètres à pied, et où en est le conflit qui sert de toile de fond, on en profite pour prendre le pouls du méchant qui dirige l'un des empires en question ; interlude dans l'interlude : flashback sur la jeunesse du méchant, qui a plusieurs siècles, pour qu'on comprenne comment il en est arrivé là ; retour sur les protagonistes qui bouffent un hot-dog, blague stupide du nopon qui dure deux minutes de trop, quelques plans sur le physique des héroïnes parce qu'on a payé cher les chara-designers et animateurs donc on rentabilise, et puis on va bientôt reprendre le gameplay donc faut réveiller un peu les joueurs ; on refait un bref topo d'où on en est et on repart. Rebelote trois kilomètres plus loin. Ce n'est pas seulement la longueur le problème (même si c'en est un, clairement), c'est la lourdeur du dispositif et du contenu. Après pour être un poil honnête j'ai conscience qu'à trente ans passés, avec des milliers de jeux à mon actif, je ne suis pas le public-cible du jeu, et qu'un ado en mal d'émotions et de lore pourrait prendre son pied devant ce genre de traitement, dans un jeu qui veut clairement donner une impression de gigantisme. N'empêche, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il y avait moyen de faire beaucoup mieux. Dans ces dernières heures, il y a aussi énormément de farming pour flinguer les boss, mais rendu là on commence vraiment à mieux comprendre l'intérêt des différents systèmes, des quêtes annexes, etc., donc en vrai c'est limite le plus intéressant de cette section du jeu, donc je ne considère pas ça comme un problème.


Mais du coup, quels aspects du jeu m'ont plu ? Déjà vers la fin je me suis fait la réflexion qu'il y avait un peu une vibe Golden Sun qui me plaisait bien, avec les lames cachées qui font penser aux invocations, les compétences de terrain qui rappellent les psynergies (sans approcher le génie de celles-ci, qui donnent une surcouche d'interactions avec l'environnement totalement inouïes) ou encore ces lieux très majestueux où chaque mètre carré peut receler un objet caché, incitant à l'exploration. Et puis il faut le dire, le jeu est plein à craquer, jusqu'à la nausée même, de contenu. Toutes les Lames rares ont droit à leur quête annexe et leur arbre de compétence. Chaque zone contient des lieux cachés, on peut repasser parfois 4 ou 5 fois au même endroit et trouver un nouveau truc. Il y a plein de petites activités à réaliser. Clairement, Xenoblade 2 a des ambitions honorables, et c'est sans doute de cet excès d'ambitions, insuffisamment tempéré par le tamis de l'expérience joueur, dont viennent les défauts que j'ai mentionnés. Je sais que beaucoup de gamers de mon âge critiquent volontiers les jeux trop longs pour d'excellentes raisons. Pour ma part je ne pense pas que ce soit nécessairement le problème, par contre il faut qu'on puisse se sentir avancer et prendre du plaisir même quand on n'a que quelques dizaines de minutes devant soi, et clairement, Xenoblade 2 échoue à ce niveau.


Ce que je trouve intéressant, et qui me fait un peu regretter le manque d'une vraie direction orientée expérience de joueur, comme dans un From Software ou la trilogie des FFVII remakes, c'est justement cet incroyable potentiel. Le système de Lames est riche, les personnages sont attachants, le level design est sublime, en fait si le jeu était moins hermétique et la trame narrative moins lourde, le concept est incroyable et mémorable. Je n'aurais personnellement pas été contre une suite qui reprend exactement le même concept et l'améliore en tous points. Ce que je regrette le plus, c'est que ce n'est qu'en préparant mes combats contre les derniers boss que j'ai retrouvé le plaisir d'interagir avec le monde du jeu que procurait le premier opus.


Au final, je recommande le jeu principalement aux mordus de JRPG, ceux qui ont autant aimé FFIX que FFX, qui ont autant aimé poursuivre des chocobos dans les marais et se prendre la tête sur des mini-jeux obscurs que synthétiser des armes aux compétences uniques et se perdre dans des arbres de compétence vertigineux. Xenoblade 2 échoue souvent là où ses modèles ont réussi, qu'il s'agisse du 1, des FF mentionnés ou de Golden Sun, mais il gratte ces démangeaisons bien spécifiques et réveille des souvenirs plaisants chez ceux qui savent. Les autres, surtout si vous estimez votre temps, passez votre chemin.

Antevre
7
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le 28 nov. 2024

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