任侠道 (la voie du Ninkyo) se dit d'une mentalité japonaise assez vieille qui consiste à aider les gens dans le besoin même en risquant sa vie, afin d'accomplir son devoir moral et social en tant qu'homme. C'est un grand classique des films de Yakuzas, et c'est tout l'esprit de Ryu ga Gotoku.
Ce jeu est sans aucun doute le meilleur hommage que le 10e art a pu faire à l'univers des Yakuza Eigas. Tous les grands thèmes propres sont là : fidélité pour son maître, amitié au sein de la "famille", trahison, délinquance, concurrence, menaces, accusation à tord, recherche de puissance, manipulation et surtout ce code de l'honneur si particulier de la pègre japonaise.
Le jeu se présente comme une excellente aventure beat'em all/RPG avec une histoire riche en rebondissements, narration et personnages charismatiques. Les évènements s'enchaînent en toute logique et le jeu mélange à la fois sérieux, exagération et humour tout en restant suffisamment sobre et efficace dans la mise en scène pour ne pas tomber dans la démesure kitsch et ridicule qu'on rencontre souvent dans les jeux vidéos japonais plus récents. En gros, c'est de la mise en scène japonaise à son meilleur. On n'atteint pas non plus Metal Gear Solid mais on en est pas non plus très loin.
Mais Ryu Ga Gotoku (oui j'insiste sur ce titre original que je trouve largement plus classe que la version occidentale peu subtile) ne se contente pas d'être un simple film interactif et propose une aventure ouverte dans le quartier de Kamuro-cho ni trop petit, ni inutilement gigantesque. On explore, on découvre des gens qui nous demandent à l'aide, on upgrade ses capacités, on achète des items rares... Le jeu est également bourré d'activités secondaires, comme des paris, pachinkos, machine de jeu, recherche d'objets ou encore jeu de drague dans les bars à hôtesses.
Dommage que l'exploration ne se fait pas de manière aussi fluide qu'espéré. Si on peut encore pardonner les micro-freezes de chargements, les caméras placées dans des directions totalement opposées entre 2 zones rendent parfois la progression désagréable. D'une zone à l'autre, le nord peut se trouver en haut de l'écran, ou à gauche, en bas, à droite...
Les combats sont brutaux et bien mis en scène, avec une panoplie d'attaques à débloquer tout le long du jeu. Mais ça consiste aussi en 80% du gameplay. Ils sont vraiment très très nombreux en plus d'être rarement très difficiles à part contre quelques boss qui nous donneront du fil à retordre. L'absence de lock est assez énervante, on passe notre temps à donner des coups dans le vide.
Vers la fin il faudra quand même un peu se forcer, car même si l'histoire vous tiendra en haleine, les combats répétitifs finissent par lasser. C'est principalement le défaut pour moi de ce jeu qui fait de Ryu ga Gotoku un bon jeu, mais pas une excellence.
Graphiquement, le jeu accuse un certain âge mais l'ambiance de Kamuro-cho est suffisamment charmante pour qu'on puisse fermer les yeux sur les défauts techniques. Pour y avoir été plusieurs fois, je peux vous garantir que la reproduction du vrai Kabuki-cho à Shinjuku est parfaite. Les personnages ont un physique un peu particulier avec des épaules énormes, mais on s'y fait rapidement. Seules les animations rigides font taches au milieu de tout ça.
Niveau sonore, le bilan est assez moyen. Les bruitages sont peu variés et se révèlent au final assez pauvres. En particulier, l'ambiance sonore de la ville est un loop de 5 secondes qui devient assez insupportable au bout d'un moment. La version française du jeu contient les voix anglaises uniquement et c'est franchement dommage pour un univers aussi typé asiatique. Le doublage est d'ailleurs franchement bof, malgré la présence de Mark Hamill et Michael Madsen.
Si vous avez de l'affinité avec la culture japonaise moderne et les films de Yakuzas, vous allez probablement adorer Ryu ga Gotoku. Malgré une progression assez répétitive et un gameplay parfois un peu bancal, on passera quand même une vingtaine d'heure (voire plus) à profiter d'une aventure passionnante dans le milieu hostile de la jungle urbaine tokyoïte, au côté d'un mafieux classe et vieille école qui incarne l'honneur et la dignité traditionnels japonais qui se fait de plus en plus oublier dans ce pays.