SI Yakuza 3 montrait des signes d'essoufflement autour du personnage de Kyriu, et s'en tirait avec un décor exotique, l'île méridionale d'Okinawa, son ambiance de lieu de villégiature et sa culture spécifique, ce Yakuza 4 revient à Kamurocho, en ayant bien fait ses devoirs.
Dès le début, on ne joue pas Kyriu-chan, et c'est un changement bienvenu. Au total, il y aura quatre personnages :
- Akiyama, usurier et propriétaire de boîte de nuit bordélique, en apparence décontracté, au fonds profondément détaché et torturé. Le personnage le plus ambigu, intéressant et attachant. Baraqué, il joue de ses pieds et son style de combat est très rapide.
- Saejima, un immence croque-mitaine lent aux poings très puissants. Son histoire est la plus sombre : il suffit de dire qu'il est un ancien compagnon de jeunesse de Majima, et qu'il est responsable du meurtre de 18 personnes dans la même journée. Il a l'aura d'un Jean Valjean ou d'un Edmond Dantès.
- Tanimura est également très réussi. Flic jeune et beau gosse, pourri et joueur, il veut comprendre la mort de son père. Métis, multilingue, il vit dans le quartier chinois, dédale de béton aux murs très étroits. Son style de combat est le plus original, avec un système d'esquive qui envoie les ennemis dans le décor.
- Enfin, il y a Kyriu, désormais quadra, qui continuait sa vie de rédemption à la tête d'un orphelinat.
Evidemment, les destins de ces personnages vont converger, au gré d'une intrigue qui apporte la réponse à la question du premier opus : pourquoi 100 milliards de yens ont-il disparu des caisses du clan Tojo il y a cinq ans ?
Le jeu prend un risque, celui de déboussoler le spectateur, car au départ chaque personnage n'a accès qu'à des lieux spécifiques, et se déplace différemment : Akiyama utilise à l'occasion les toîts, système de passerelle qui rappelle Mirror's Edge en plus simple. Saejima, poursuivi par la police, doit se déplacer par les égoûts, tel Jean Valjean. Ces réseaux ne sont pas évidents à comprendre au début, la carte du quartier se faisant désormais sur quatre niveaux. Car à chaque chapitre, il faut se réaccoutumer au circuit auquel a accès chaque personnage, et c'est frustrant au début.
Le jeu a aussi quelques soucis, du fait de son ambition, pour guider le joueur (le système de suivi des quêtes est parfois un peu sommaire).
Les activités dans la ville sont toujours là. A noter qu'avec Akiyama, vous mènerez le jeu de coaching d'hôtesses de bar, tandis qu'avec Tanimura et Kyriu, vous pourrez draguer ces hôtesses. Il y a beaucoup de quêtes annexes très intéressantes, où l'on retrouve des thèmes assez adultes et sociaux (les SDF rejetés en marge, et ici aussi beaucoup la question des immigrés, habitants invisibles de la cité). ça parle aussi de prison (pour une fois, une partie du jeu s'y déroule).
L'histoire est vraiment palpitante et sombre. On peut toujours reprocher à la profusion des quêtes de la délayer un peu, mais Yakuza 4 se situe clairement dans le haut du panier. On sent les débuts de la crise, ça parle de restructurations, de l'étau qui se resserre sur les yakuzas, de chômage. Et pendant ce temps, la gentrification progresse avec la construction de Kamurocho Hills.
Un jeu bien écrit, qui n'a pas le meilleur système de combat ou de mini-jeux de la série mais dont l'histoire a une grande cohérence, avec des moments mémorables.