Ce qui rend la série Ys si singulière, c'est qu'en dépit de son statut de franchise vénérable (plus de 25 ans d'existence), elle occupe un espace assez modeste dans la famille élargie des action-RPG. On l'a souvent qualifiée de Zelda sous amphétamines, ou de Secret of Mana survolté. Il n'empêche que la formule Ys est beaucoup moins soucieuse de préserver un équilibre entre toutes les données fondamentales du jeu de rôle japonais. The Oath in Felghana est l'opus de la rédemption, puisqu'il se veut être la réécriture du vilain petit canard de la série, le mal aimé Ys III, sorti en 1989 sur d'obscures plateformes, et qui est un peu à la saga Ys ce que Zelda II est à la série à succès de Nintendo.
Aux premiers abords, pas de quoi tomber au plafond, car si le jeu met l'aventure, par le biais de son héros Adol Christin, au centre de son propos, il n'accorde qu'une place marginale à l'exploration : on a vite fait d'arpenter les quelques écrans qui relient entre eux des donjons par contre retors et bien pensés, mais avares d'énigmes et tout juste ponctués de sympathiques segments de plateforme. L'intégration d'un aspect "metroidvania", elle, se veut ici forcée et dispensable. Dans le domaine scénaristique, on peine à se hisser au-dessus de la moyenne, même si l'ensemble narratif, qui reste peu envahissant, se laisse agréablement suivre. Reste que le récit n'a globalement pour autre ambition que la réalisation des clichés inhérents au genre.
Tous ces impensés se retrouvent néanmoins dans un système de combat entièrement tourné vers la célérité des affrontements, et qui repose sur la tension manifeste entre défouloir sans vergogne et minutie tactique. The Oath in Felghana établit ainsi un pacte avec le joueur en délaissant tout ce qui se mettrait en travers du raffinement conceptuel dans ce seul secteur de jeu que sont les affrontements. Les décors parcourus, bien que très charmants, ne sont qu'un prétexte à la chasse aux monstres compulsive, qui met avant tout un point d'honneur à récompenser l'action frénétique, mais qui requiert parfois de convenablement jauger des forces en présence. Pour s'en rendre compte, il suffira d'avoir à surmonter les pics de difficulté que constituent les boss, qui mettent le joueur à rude épreuve, faisant appel à sa capacité à s'insérer dans cette symphonie millimétrée, portée par des harmoniques opéra-rock lyriques et sublimes à même de doper les réflexes d'un joueur déjà suspendu à sa manette.
Avec ce qui aurait pu être un banal remake, Falcom parachève l'institution d'une formule qui constitue un pan entier de la saga (Ys VI, Ys Origin), dont la présente itération constitue la pierre angulaire. Par là-même ils démontrent un grand savoir faire en matière de pure efficacité ludique, et une grande humilité vis à vis de secteurs de jeu qu'ils ne parviennent manifestement pas à maîtriser, mais qu'ils traitent avec tant de désinvolture que cela, loin de porter préjudice à l'ensemble, lui permet de se poser comme une référence discrète et unique du genre.
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