Au cas où ce n'était pas clair, j'adore la Wii U. Je l'aime d'amour depuis que j'ai eu sa mablette entre les mains pour la première fois, lors de la Paris Games Week 2012 (certains choppent une copine après leur bac, d'autres choppent une invitation à la PGW, nous n'avons pas les mêmes valeurs). Sa ludothèque n'était pas nombreuse, mais les titres sortant dessus étaient qualitatifs, et ses premières années (ou plutôt ses premiers mois) ont même vu un certain nombre d'éditeurs tiers lancer des projets ou des portages dessus, comme pour se faire pardonner de ne pas avoir soutenu la Wii.
Parmi ces projets, on trouve ZombiU, un des titres de lancement de la console. Son concept reposait tellement sur l'utilisation du Gamepad qu'il aurait été parfaitement stupide de le porter sur d'autres consoles 2 ans plus tard, ah ah !
Malheureusement, depuis la sortie de la Wii U, de l'eau a coulé sous les ponts, et la console ne s'est pas vendue comme des petits pains. Et si elle perdra son eShop en mars, Ubisoft prend un peu d'avance sur le planning et compte couper ses serveurs Wii U au 1er octobre. ZombiU étant un des jeux impactés, j'ai légèrement décalé ma partie, que j'avais initialement programmée pour octobre/novembre, afin de fêter les 10 ans du jeu et de la console.
Précaution qui au final s'est avérée fort peu utile, puisque je n'ai pas du tout remarqué ce que le mode en ligne apportait. A priori j'étais censé croiser des zombies d'autres joueurs dans les rues, mais rien de tel ne s'est présenté à moi. Du coup, soyez rassurés, vous ne perdrez rien de l'expérience si vous y jouez pour le 20ème anniversaire.
ZombiU est donc un survival-horror en vue FPS, héritier spirituel du tout premier jeu d'Ubisoft dans les années 80, Zombi. On y incarne un rescapé d'une invasion de zombies à Londres qui va tenter de s'échapper de là, guidé par un mystérieux homme qui semble avoir ses propres plans….
L'originalité du titre, c'est qu'à chaque fois que notre personnage meurt, il est remplacé par un autre survivant avec un nouveau look, un nouveau métier, etc. Celui-ci peut alors retourner sur les lieux de la mort de son prédécesseur (entretemps zombifié) pour tenter de le tuer et récupérer les objets qu'il portait sur lui lors de son trépas (armes, munitions…). Et si vous vous faites tuer avant d'avoir pu récupérer le loot du prédécesseur, ses armes sont perdues à jamais. Vu qu'il n'y a qu'un seul sniper et deux fusils mitrailleurs dans tout le jeu, vous n'avez pas intérêt à ce que ça leur arrive !
Le concept est vraiment fun sur le papier mais assez mal intégré in-game, lorsqu'on meurt notre guide s'adresse au nouveau venu comme s'il le connaissait déjà et ne prend pas la peine de le briefer sur la mission en cours. Il est également relativement incohérent que la trentaine d'avatars que j'ai possédés suivent tous les mêmes missions à la lettre, alors que certaines consistent à désobéir au guide.
Autre chose, si notre avatar est généré aléatoirement à chaque mort, cela n'influe pas sur leurs statistiques. Une policière ne maniera pas mieux les armes qu'un étudiant, un homme ne frappera pas plus fort qu'une femme… Dommage que ce côté rogue-lite n'ait pas été un peu plus poussé, Rogue Legacy (sorti 8 mois plus tard certes) propose un concept similaire mais avec un aspect aléatoire à chaque génération de personnage qui peut grandement influencer la façon de jouer. Ca m'aurait bien amusé d'essayer de survivre avec un personnage aux stats de merde, et à l'inverse chopper un bon personnage donnerait encore plus envie de le maintenir longtemps en vie.
Le plus important dans un survival horror, c'est la tension. Je trouve que sur ce point-là, ZombiU est trop timide. Passée la découverte du concept, les deux premiers tiers du jeu ronronnent vachement, les zombies étant très facilement manipulables et la mablette est un outil quasiment craqué.
En effet, sur notre Gamepad s'affiche une carte des lieux, et au début du jeu on a la possibilité d'appuyer sur un bouton pour activer un sonar et avoir un vague aperçu des environs (le plus important étant la position des ennemis). C'est une bonne mécanique puisque le sonar nous force à détourner les yeux de l'écran et nécessite quelques secondes pour être rechargé, on ne peut donc pas trop en abuser. Cependant, à peu près au tiers du jeu, on obtient un upgrade qui active le sonar en permanence. Donc on sait toujours où se situent les ennemis devant nous, et c'est un énorme avantage pour prévoir notre stratégie, ça coupe tout effet de surprise à nos assaillants.
A quelques reprises, le jeu tente de feinter en insérant des brouilleurs qui nous empêchent d'utiliser cette fonction. Cependant, cela n'arrive que rarement, les brouilleurs n'ont pas une très grande portée et il suffit de les détruire pour regagner le contrôle. Dommage, une zone entière avec cette contrainte aurait vraiment été intéressante, après plusieurs heures où j'étais en mode pilote automatique.
Revenons à la tension. Comme je le disais, le dernier tiers du jeu rattrape un peu cette sensation de gâchis. On a un passage dans une crèche flippant au possible qui introduit l'ennemi le plus angoissant du jeu (malheureusement on n'affronte pas d'enfants zombifiés, c'est pas que j'aime la violence infantile mais quitte à faire un jeu PEGI 18 qui se passe en partie dans une crèche, autant y aller à fond non ?) suivi d'une phase beat'em up étonnamment bien intégrée (bien mieux que dans Alisa quoi), d'un retour dans un bâtiment déjà visité mais dévasté et finalement d'une fuite en avant pour tenter de chopper le dernier hélico qui quitte Londres (la ville se fait nuke à la fin, comme Raccoon City dans RE3). Bref, les 3-4 dernières heures (pour une dizaine au total) permettent de finir l'aventure sur une bonne note et de nous faire oublier les errances du début.
Reste que la mécanique principale du jeu, à savoir le côté "j'incarne différents survivants qui se relaient" est assez casse-couille par moment. Lorsqu'on est mort et que l'avatar suivant doit se retaper tooooouuuuuut le chemin depuis l'abri (sachant que les zombies tués ne repopent pas, donc on parcourt parfois pendant 10 minutes des zones de jeu vides), c'est juste chiant. Et frustrant si on se fait instakill à l'instant même où on arrive sur le lieu de notre précédent trépas.
D'ailleurs, sur les 33 survivants que j'ai incarnés, je pense que j'ai gaspillé une trentaine de vies sur 4 lieux à peine. Donc en-dehors de quelques pics de difficulté, l'aventure peut se montrer angoissante mais reste globalement un parcours de santé.
Plusieurs raisons à ça. Déjà comme je l'ai dit, les zombies sont des créatures très facilement manipulables. Si on rentre dans leur champ de vision ou qu'on pointe la lampe-torche dans leur direction, ils vont automatiquement nous foncer dessus. Et si une horde de zombies est très dure à gérer, si vous arrivez à tuer les zombies un à un en usant patiemment de cette méthode, le jeu devient une belle blague.
Pourquoi ne pas utiliser une méthode plus ludique ? Facile : les munitions pour les armes à feu sont très limitées et les explosifs ne sont pas aussi puissants qu'on pourrait le penser, d'autant que je n'avais pas toujours accès à mes précédentes armes, voyez-vous. Surtout, chaque survivant est équipé d'une batte de cricket (on est en Angleterre après tout) qui peut être utilisée à l'infini, donc pourquoi se priver ?
Dans certains cas j'aurais bien voulu m'épargner le combat, mais les options pour passer en douce sont quasiment inexistantes. On ne peut pas se baisser, les zones d'ombre ne permettent pas une meilleure discrétion que celles en pleine lumière, le leurre qu'on peut utiliser ne dure pas longtemps (et est plutôt à coupler avec un explosif, histoire de bien faire le ménage)... Bref, il faut tuer les zombies.
Il y a aussi un gros manque de variété au niveau des ennemis. Déjà, il n'y a aucun boss, on n'affrontera que des zombies tout au long du jeu. Dommage, parce qu'un bossfight contre Sa Majesté (RIP au passage) est teasé à un moment, selon notre guide il s'agirait d'une reptilienne immunisée au virus. Moquerie envers les théories du complot ou non, ça m'aurait bien fait marrer d'affronter Elizabeth II qui rampe au plafond et qui me frappe avec une langue géante fourchue, mais j'imagine que c'était trop touchy pour l'audience britannique.
Ensuite, s'il existe plusieurs espèces de zombies (cracheurs d'acide, stats boostées, kamikazes…), 90% des ennemis sont les simples zombies de base, qui ne nécessitent pas de stratégie particulière pour être abattus.
Au passage, j'aimerais bien qu'on m'explique comment des types ont pu se faire zombifier alors qu'ils avaient une ceinture d'explosifs autour de la taille et que la moindre secousse les fait exploser. Ils se sont fait bouffer dans leur sommeil par des zombies ninjas ?
Je ne vais pas forcément m'étendre sur les autres éléments du titre. Graphiquement c'est honorable (pas trop compris pourquoi tout le monde lui tombait dessus, c'est pas moins beau que beaucoup de jeux PS360) et la musique est oubliable en-dehors de quelques morceaux (le rock un peu crade dans une des dernières séquences ou la musique de la crèche) mais sert tout à fait l'ambiance. J'aime bien aussi les effets de saleté sur l'écran principal, ça donne un peu de cachet à cette direction artistique un peu générique.
Reste l'utilisation du Gamepad. Outre la carte, notre mablette préférée sert aussi d'inventaire, de lunette pour le fusil sniper, d'outil de crochetage pour certaines serrures… A chaque fois qu'on s'arrête pour faire l'une ou l'autre option, notre personnage s'immobilise également. Il faut alors garder un oeil sur l'écran TV pour s'assurer qu'aucun zombie ne nous prend en traître alors qu'on est en train de faire nos affaires.
Le Gamepad sert aussi de scanner. Comme dans Resident Evil Revelations, cela permet de dévoiler d'éventuelles munitions cachées dans le décor ou même de résoudre certaines énigmes. Bref, le jeu utilise vraiment bien la manette, et c'est peut-être le meilleur exemple de l'implémentation de ses fonctionnalités pour un jeu solo. Triste qu'il soit sorti en même temps que la console et qu'on n'ait rien eu de mieux les 4 années suivantes.
Si, une dernière chose : les temps de chargement sont INSUPPORTABLES. Ca dure des plombes, y'en a parfois trois à la suite (sans déconner : tu prends une bouche d'égout -> chargement -> tu arrives dans une pièce et tu veux en sortir -> chargement -> en fait t'as pris la sortie nord et il fallait prendre la sortie sud -> chargement). C'est vraiment nul à chier.
Ah, et j'ai dû éteindre la console à un moment parce qu'elle avait freeze juste après une sauvegarde (pas juste avant, God merci). Pas sûr que le jeu ait bénéficié de beaucoup de fignolage vu sa période de sortie imposée.
Du coup, ZombiU était une expérience sympa mais très brute de décoffrage. Il y a autant d'idées qui marchent que d'idées qui ne marchent pas et le jeu met beaucoup trop de temps avant de démarrer, il aurait sûrement bénéficié d'une suite qui aurait amélioré l'expérience et le rythme. Malheureusement celle-ci semble avoir été annulée au moment du report de Rayman Legends, sale période pour Ubi Montpellier.
Cela dit, un jeu Ubisoft qui se passe à Londres et où on peut contrôler des dizaines de citoyens anonymes… Ca ne vous fait pas penser à Watch Dogs Legion ? J'extrapole sûrement, les deux titres n'ont pas été développés par le même studio, mais j'aime m'imaginer que ce jeu de 2012 qui se voulait majeur a au moins pu influencer la série de l'éditeur qui avait le vent en poupe 8 ans plus tard.