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Beetlejuice renaît, Angelina Jolie brille dans Maria de Pablo Larraín, et Nicole Kidman explore les thèmes de la domination et la soumission dans un film A24.

2 septembre 2024 (Modifié le 2 septembre 2024)

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Hello ! C’est Anna de SensCritique, et dans ce journal de bord, je vais partager avec vous mes aventures à la Mostra de Venise, (presque) en direct.

Jour 1 : La Mostra, la Mostra

Le festival a commencé le 28 août avec la première de Beetlejuice Beetlejuice, la suite du film culte de Tim Burton, et on a même eu la chance de croiser l’équipe du film.

À ce stade avancé de sa carrière, l'animation de Tim Burton surpasse nettement ses films en prise de vue réelle. Elle est plus perspicace et personnelle, dépourvue de grandiloquence et de prétention. Les Noces funèbres est empreint d'une esthétique funéraire raffinée et de silhouettes à la manière d'El Greco, tandis que Frankenweenie évoque avec émotion la fragilité de la vie et la nécessité de l'autre, perçue comme une force intérieure.

Beetlejuice Beetlejuice reprend en partie le ton direct de son animation. C'est une pure nécro esthétique. Le décadentisme typiquement burtonien, qui avait donné naissance au premier Beetlejuice, se manifeste ici. C'est une célébration de la décomposition, la dissolution d'une habitude aristocratique. Un spectacle sans morale complexe ni double fond. Un scherzo, une étude légère, esthétisée à l'extrême comme un vidéoclip.

Tim Burton est l'un des rares réalisateurs hollywoodiens contemporains à traiter activement du deuil, un sujet généralement évacué de la culture occidentale. Dans cette culture, le deuil est perçu comme quelque chose d'inacceptable, presque honteux, et le sentiment de perte comme un obstacle gênant plutôt qu'un élément important de la connaissance de soi. Il n'est donc pas surprenant que le film commence par un passage funèbre — la mort inattendue du patriarche de la famille Deetz, Charles (Jeffrey Jones).

Sa veuve Delia (Catherine O'Hara), une artiste contemporaine, se trouve dans un état de désespoir, se souvenant avec une douce tristesse de son mari comme d'un « maître lubrique à tout faire » et, en mémoire de lui, elle recouvre la maison d'un linceul de deuil. Sa belle-fille Lydia (Winona Ryder, reprenant le rôle qu'elle tenait dans le premier film) est tout aussi désorientée. Lydia est un médium et la présentatrice d'une émission télévisée dédiée à la communication avec les fantômes dans des maisons hantées. Sa fille Astrid, interprétée par Jenna Ortega, qui ne quitte jamais son personnage de Mercredi Addams, est indépendante, acérée dans ses propos et hyper-rationnelle, et donc sceptique quant aux capacités paranormales de sa mère. Elle est également en deuil de son père, décédé dans des circonstances inconnues en Amazonie, et cette nostalgie est la force motrice de son personnage.

Astrid symbolise un rôle déjà bien ancré pour l'actrice, celui de la « sad girl », une écolière intellectuelle (dans le film, elle a, dit-on, relu Crime et Châtiment de Dostoïevski de Dostoïevski trois fois). D'ailleurs, la ressemblance avec l'héroïne de la série à succès n'est pas fortuite. Les scénaristes de Beetlejuice Beetlejuice, Alfred Gough et Miles Millar ont écrit le scénario pour Wednesday avec Burton.

Enfin, complètent le tableau familial l'amant séduisant mais agaçant de Lydia (Justin Theroux) et, bien sûr, Beetlejuice (Michael Keaton) — une interprétation modernisée et considérablement simplifiée du Méphistophélès de Goethe, une force qui veut éternellement faire le mal, mais qui accomplit toujours le bien. Son ancienne fiancée morte, au nom évocateur de Dolores, est jouée par Monica Bellucci, la compagne actuelle de Burton. Dolores peut aspirer les âmes et ainsi tuer même les habitants de l'au-delà. Elle cherche à se venger de Beetlejuice pour d'anciennes offenses.

Le film présente également un personnage interprété par Willem Dafoe — un détective et acteur raté, rappelant des personnages de films noirs, de giallo et de Pulp Fiction ; Danny DeVito dans un rôle très bref, et un caméo du ver de sable de Dune.

Jour 2 : Les grandes femmes

Lors de la deuxième journée, nous avons eu en entretien l’actrice Souheila Yacoub et la réalisatrice Aude Léa Rapin de Planète B, un film de genre au féminin qui traite des problèmes écologiques et sociétaux en réinventant les codes de la science-fiction.

La journée s'est conclue avec quatre interviews et une discussion avec le réalisateur et l’actrice principale de Quiet life (Aléxandros Avranás et Chulpan Khamatova), un film grec du programme parallèle Orizzonti qui traite du syndrome énigmatique des enfants de familles immigrées en Suède.

La grande avant-première du jour était Maria de Pablo Larraín. Le film poursuit sa « trilogie des femmes tragiques » après Spencer et Jackie. Un rôle de grande diva, qui marquera sans doute la carrière d'Angelina Jolie, correspond parfaitement à l'aura de l'actrice. Elle s'est entraînée pendant sept mois au chant d'opéra. Pour reproduire la voix de Maria Callas, le réalisateur a utilisé l'intelligence artificielle afin de superposer la voix de Maria à celle de Jolie. Nous avons eu l'occasion de rencontrer Angelina à la sortie de la conférence de presse. Malheureusement, le film a été froidement accueilli par la critique, car il semble se concentrer davantage sur l'icône et le symbole que sur la véritable personnalité de Maria Callas, donnant ainsi l'impression d'être déconnecté de la réalité.

Jour 3 : Alors, il faut qu’on parle finalement…du désir féminin

Le troisième jour a été marqué par le questionnement du désir féminin et des dynamiques du pouvoir dans les relations (romantiques et sexuelles) inégales. Et oui, je fais bien sûr référence à la série d’Alfonso Cuarón, Disclaimer. Elle met en scène une liaison énigmatique entre une journaliste forte d’esprit, indépendante et légèrement égocentrique (interprétée par Cate Blanchett et Leila George D'Onofrio), et un jeune homme beaucoup plus jeune et moins autonome. L'intrigue se révèle à travers la publication d’un roman où l’héroïne principale semble être son double.

On retrouve presque le même type de personnage dans Babygirl de la réalisatrice Halina Reijn signé A24, accueillie avec bienveillance par le public. Le personnage de Nicole Kidman, une CEO très réputée et très puissante qui mène une vie de famille parfaite, découvre une insatisfaction profonde dans son couple avec Jacob (Antonio Banderas), ce qui la ramène au questionnement de son désir qu’elle explore dans une relation problématique avec son stagiaire Samuel (Harris Dickinson).

Ce film aborde la culture du BDSM hors du « male gaze ». Malgré la ressemblance à première vue aux grands classiques du genre des films érotiques, comme Eyes Wide Shut et La Pianiste, la cinéaste rompt vivement avec le culte de la cruauté caractéristique de ce type de sujet, en parlant du consentement et de « l'écart énorme d'orgasmes entre les hommes et les femmes », selon les mots de la réalisatrice. Le film réinvente les codes en prenant en compte la recherche récente et la quête de la nouvelle génération autour de la sexualité. Les deux héroïnes (celles de Disclaimer et de Babygirl,) ne sont pas parfaites ou moralement irréprochables mais c’est exactement cette imperfection qui les rend plus complexes et plus humaines.

Pendant la conférence de presse, Antonio Banderas a évoqué l'éthique de travail sur le tournage, en soulignant à quel point ils étaient attentifs les uns aux autres, et la contribution de la réalisatrice dans cette approche. Le personnage d’Antonio Banderas (après son dernier rôle dans Dolor y Gloria d'Almodovar) mérite une attention particulière. Surtout pour la légèreté et l'auto-dérision avec lesquelles l’acteur déconstruit sa propre image de macho, créée soigneusement au fil des années.

C'est tout pour le moment. Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux pour suivre en direct les actualités de la Mostra, et rendez-vous très bientôt dans la prochaine édition de notre journal de bord !

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