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Lion d’or pour Almodovar, les coupes Volpi pour Vincent Lindon et Nicole Kidman, le prix du public pour un film iranien

10 septembre 2024 (Modifié le 10 septembre 2024)

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La 81e édition de la Mostra de Venise, qui s'est déroulée du 28 août au 7 septembre 2024 s'est achevée en dévoilant son palmarès ! Voici la liste complète des récompenses décernées lors de la compétition et nos coups de cœur.

Hello, c’est Anna de SensCritique et j’ai le plaisir de vous partager le palmarès de la Mostra de Venise de cette année par le jury présidé par Isabelle Huppert, ainsi que nos six coups de cœur du festival qui ont tous rapporté des prix. Bref, je vous raconte !

Les coupes Volpi pour les meilleures prestations ont été décernées à Nicole Kidman et Vincent Lindon. L'actrice a été primée pour son rôle remarquable dans Babygirl, un film A24 qui explore la thématique du BDSM. Une ambiance proche de films comme Eyes Wide Shut ou La Pianiste qui échappe au regard masculin, brise les tabous et traite la sexualité d’une façon consciente, réfléchie et éthique. C’est un tournant décisif pour Nicole Kidman, qui sort de sa zone de confort et de l'image qu'elle avait jusqu'alors au cinéma, afin de pousser la représentation féminine plus loin et se réinventer en tant qu’actrice.

Jouer avec le feu, pour lequel Vincent Lindon a reçu son prix, est un drame social français, rappelant le style des frères Dardenne, réalisé par le duo de sœurs Delphine et Muriel Coulin. Le film explore les origines du fascisme et le développement du mouvement d'extrême droite en France d’aujourd’hui à travers la relation entre un père (Vincent Lindon) et ses deux fils, l'un d'eux entrant à la Sorbonne tandis que l'autre rejoint l'extrême droite. Vincent Lindon est efficace dans le rôle du père aimant et compréhensif, tout comme dans Titane de Julia Ducournau, où il excelle également dans le rôle de figure parentale non toxique. Paradoxalement, Jouer avec le feu est une histoire sur le monde éminemment masculin réalisée par deux femmes. Les sœurs Coulin réussissent dans ce monde sombre et cruel à saisir un fil de compassion et à choisir l'humanisme, bien que cela soit presque aussi difficile que d'apprendre à marcher à nouveau.

The Witness est un film du réalisateur iranien Nader Saeivar, monté et coécrit avec Jafar Panahi, abordant le mouvement mondial des femmes "Femme, Vie, Liberté", déclenché par la mort de Mahsa Amini aux mains de la police des mœurs en Iran, à travers l’histoire d’une famille particulière. L’enseignante d’histoire Tarlan devient témoin du meurtre de sa fille adoptive Zara, tuée par son mari autoritaire, jaloux et obsédé de protéger sa réputation face aux rumeurs sur l'école de danse de sa femme. Au cœur du récit se trouvent des femmes qui luttent pour la justice, prêtes à tout risquer, sauf leur dignité. Ce film est un hommage à toutes les femmes mortes en défendant leur droit de disposer de leur propre corps.

La meilleure réalisation est allée à Brady Corbet pour The Brutalist, un film-roman moderniste, une œuvre d’art totale et une expérience exceptionnelle à vivre en 70 mm dédié aux artistes traumatisés par la tragédie du XXe siècle. Ce film aussi universel qu'expérimental, aux scènes audacieuses et au design sonore saisissant, explore la fuite d’un homme du fascisme vers le capitalisme, tout en abordant des thématiques esthétiques, émotionnelles et intellectuelles avec une performance mémorable de Adrien Brody. Pour en savoir plus, découvrez notre journal de bord #2 de la Mostra.

Parmi les films qui nous ont laissés bouche bée lors de cette Mostra, Avril, réalisé par la cinéaste géorgienne Dea Kulumbegashvili. Un drame social sur les avortements clandestins, qui rappelle par son esthétique, à la fois 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu, Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda, et même Never Rarely Sometimes Always d'Eliza Hittman. Le film dépasse cependant les limites de ce qui est habituellement montré à l’écran, choquant d'emblée le spectateur avec des scènes naturalistes montrant des naissances d'enfants mort-nés, des césariennes et d'autres détails physiologiques. Avril nous plonge dans un état de tension angoissante, à la frontière entre l'existence et la non-existence, en particulier lors de la scène centrale de l'avortement, filmée en temps réel. L'un des personnages fascinants du film est un monstre mystérieux, réminiscence du Saturne dévorant ses enfants de Francisco Goya.

Le travail de caméra radical et expérimental d'Arseni Khachaturan, avec des plans statiques tournés à la main, souligne l'instabilité du monde et la fragilité intérieure des personnages. Khachaturan, un opérateur new-yorkais originaire de Minsk, a déjà collaboré avec la réalisatrice sur son premier film Au commencement, et a travaillé avec Luca Guadagnino (l’un des producteurs d’Avril), notamment sur le road movie cannibale Bones and All présenté à la Mostra de 2022. Le design sonore tout aussi expérimental de Matthew Herbert, avec son pouls intérieur, accompagne l'héroïne errante dans les ténèbres, évoquant les œuvres de Jonathan Glazer. Tout cela s’appuie sur une analyse précise des données et une étude sociologique des réalités légales en Géorgie, où les avortements sont légaux mais toujours socialement stigmatisés. Le film montre que le body horror le plus effrayant est le quotidien de la vie dans un corps féminin, dans une société profondément misogyne. Le film a eu le prix spécial du jury.

Et pour finir, le film qui nous tient le plus à coeur, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler dans notre journal de bord #2, The Room Next Door de Pedro Almodovar, un poème tragique sur l’art de vivre et l’art de mourir avec les deux reines absolues du cinéma contemporain Tilda Swinton et Julianne Moore. Le Lion d’or absolument mérité !

Le palmarès complet de compétition de Venise 2024

LION D'OR du Meilleur Film : THE ROOM NEXT DOOR de Pedro Almodóvar

LION D'ARGENT – GRAND PRIX DU JURY : VERMIGLIO de Maura Delpero

LION D'ARGENT – PRIX DU MEILLEUR RÉALISATEUR : Brady Corbet pour le film THE BRUTALIST

COUPE VOLPI de la Meilleure Actrice : Nicole Kidman pour le film BABYGIRL de Halina Reijn

COUPE VOLPI du Meilleur Acteur : Vincent Lindon pour le film JOUER AVEC LE FEU de Delphine Coulin et Muriel Coulin

PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO : Murilo Hauser et Heitor Lorega pour le film AINDA ESTOU AQUI de Walter Salles

PRIX SPÉCIAL DU JURY : APRIL de Dea Kulumbegashvili

PRIX MARCELLO MASTROIANNI du Meilleur Jeune Acteur ou Actrice : Paul Kircher pour le film LEURS ENFANTS APRÈS EUX de Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma

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