Cinéphilie obsessionnelle — 2018
Longs métrages uniquement. Revus : 10. Cinéma : 36.
↑↑ Werner Herzog dans le documentaire de Les Blank, "Burden of Dreams", sur le tournage de "Fitzcarraldo" (1982)↑↑
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Mois après mois, pour le meilleur et ...
627 films
créee il y a presque 7 ans · modifiée il y a presque 6 ansBurden of Dreams (1982)
1 h 35 min. Sortie : 22 septembre 1982 (États-Unis). Making-of
Documentaire de Les Blank
Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
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Comme on pouvait le pressentir en regardant "Fitzcarraldo", l'envers du décor du film est aussi passionnant que le film en lui-même. En captant l'atmosphère qui régnait autour du tournage comme on capterait celle dans les coulisses d'un opéra, Les Blank saisit la démesure et la folie en plein vol et va bien au-delà de la simple énumération d'anecdotes. Le parallèle avec le tournage chaotique de Coppola dans "Apocalypse Now", raconté dans "Aux cœurs des ténèbres", prend ici tout son sens. On est bien loin de l'insouciance de "Werner Herzog Eats His Shoe", le court-métrage qui avait déjà réuni les deux réalisateurs deux ans plus tôt et dans lequel Herzog mangeait littéralement sa chaussure (agrémentée d'ail et de fines herbes dans un boullon qui avait tout de même mijoté cinq heures) après avoir perdu un pari.
Il serait tentant d'énumérer toutes les encombres, toutes les avaries, toutes les maladies, toutes les blessures qui ont émaillé le tournage du film, au fond de l'Amazonie pendant de longues années. Le documentaire de Les Blank a beau ne retracer que 5 semaines du tournage, l'ampleur démentielle de la tâche (et de la folie mégalomaniaque de Herzog, dans une magnifique mise en abyme de "Fitzcarraldo") apparaît de manière parfaitement claire et intelligible. La sidération est totale, de l'interaction avec les tribus indiennes à l'installation des campements de fortune dans la jungle en passant par les délires psychotiques de Klaus Kinski et la célébrissime séquence dans laquelle un énorme bateau fut tiré en haut d'une colline pour rejoindre un autre fleuve parallèle. Et Herzog, à qui on rappelle que le vrai Fitzcarraldo avait fait traverser le bateau en pièces détachées, de surenchérir (en substance) en insistant sur le fait que tourner cette séquence avec le bateau imposant en un seul morceau aura une toute autre gueule et donnera une meilleure idée des efforts fournis... Difficile de lui donner tort. Difficile aussi de voir ailleurs que dans sa volonté et sa détermination de fer la capacité presque inhumaine à surmonter toutes les épreuves, toutes les embûches, toute la lassitude des reports et toutes les tensions ainsi suscitées, et ainsi la capacité à terminer un tel film envers et contre tout (et tous).
Suite là : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1982/373479
La Taverne de l'Irlandais (1963)
Donovan's Reef
1 h 49 min. Sortie : 2 octobre 1963 (France). Action, Comédie, Romance
Film de John Ford
Morrinson a mis 6/10.
Annotation :
Il y a dans "La Taverne de l'Irlandais" tout ce que le cinéma de John Ford (mineur) peut produire chez moi en termes d'enthousiasme et de répulsion.
Difficile de ne pas tomber un minimum sous le charme de la vie sur cette île fictive de la Polynésie, avec la troupe multicolore de ses protagonistes : Lee Marvin et John Wayne se foutent joyeusement sur la gueule dans leurs concours réguliers de gros biceps et d'amour inavoué, le docteur Dedham qui vogue à ses occupations médicales à travers l'île, l'ambiance dans le café et sur les plages... Il se dégage de ce lieu une atmosphère particulièrement attachante, si tant est qu'on soit en mesure d'accepter les bastons comme des signes d'amitié indirecte. Et l'ensemble forme un bien étrange mélange de mentalités, de nationalités et de tempéraments : on est plongés rapidement dans un univers totalement déjanté, dans lequel des enfants peuvent soudainement (et en douce) partir dans une reprise jazzy étonnante de Frère Jacques. Une drôle de mixture.
Tous ces aspects-là, liés à l'amitié (dans sa composante on ne peut plus virile), peuvent trouver leur place, à mes yeux, du côté de chez Ford. Mais à côté de toutes ces joyeusetés, il faut tout de même en passer par un bel étalage de clichés que l'on a aucun mal à qualifier (de manière certes anachronique) de racistes et misogynes. Si le folklore polynésien peut faire l'objet d'une certaine tolérance, avec ses vahinés et leurs colliers de fleurs qu'elles distribuent aux nouveaux venus en même temps que des baisers, la description des Chinois est par contre d'une bêtise sans nom, notamment lors de la scène où ils s'acharnent sur le jukebox. Cette touche-là ternit vraiment le portrait de l'île (et le peintre qui tient le pinceau). Et au-delà de ça, tout le parcours de la fille de Dedham qui quitte Boston pour démontrer que son père mène sur les îles une vie aux mœurs licencieuses, dans le but de le déshériter, ne brille pas particulièrement par sa subtilité. C'est la bonne puritaine qui sera d'abord scandalisée par des personnages comme celui de Wayne avant de se dévergonder progressivement, à grands coups de déshabillages subits et de fessées "bien méritées" pour montrer qui sera le patron dans le ménage.
Suite là : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1963/374090
Asphalte (1929)
Asphalt
1 h 30 min. Sortie : 12 mars 1929 (Allemagne). Drame
Film de Joe May
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Je ne connaissais pas Joe May et pourtant il semblerait qu'il soit un élément majeur du cinéma muet allemand. Cette assertion est toutefois à prendre avec des pincettes, car sur la base de ce simple "Asphalt", produit à la fin de l'ère du muet (l'un des derniers films muets allemands, d'ailleurs), il est difficile de saisir l'importance de son travail.
Une sensation assez étonnante parcourt le film : on a l'impression que la parole fait vraiment défaut à la narration, qu'il manque des cartons ou que le réalisateur filme de trop longues scènes sans explications extra-diégétiques (sensation éprouvée avant d'avoir connaissance de la position historique fu film). L'autre chose qui fait cruellement défaut au film, c'est la contrepartie masculine au personnage de Betty Amann, exquise. C'est un peu la Miriam Hopkins de "Trouble in Paradise" de Lubitsch, sans l'humour et sans son partenaire. Avec son minois, ses mimiques, ses positions, son visage dissimulé derrière son chapeau et son haut col, elle ne laisse que très peu de place au flic un peu trop niais interprété par Gustav Frohlich. L'équilibre n'est pas en soi une nécessité, mais dans le cas d'une telle romance, son absence est un peu désagréable. La jalousie qui est censée alimenter la péripétie de la dernière partie, lorsque le complice de la dame pointe le bout de son nez, tourne un peu à vide dans ces conditions
Toutes les tentatives auxquelles elle a recours pour charmer voire ensorceler le policier lors de son escorte (à grand renfort de larmes, de désespoir et de mouchoirs) restent toutefois réussies, à la fois drôles et tragiques, au-delà d'une base de scénario assez peu consistante. Ce n'est pas dans leur duo qu'on trouvera la meilleure matière, mais sans doute dans les expérimentations visuelles, à commencer par la séquence d'ouverture annonçant la touche expressionniste qui parcourra tout le film. Des angles de vue surprenants, des effets spéciaux ambitieux et fluides pour l'époque, des captations de travaux ouvriers et de machines en pleine action très singulières, des gros plans sur les visages si caractéristiques, même si tout cela évolue globalement en marge de la trame narrative à proprement parler. Mais plus qu'une manifestation clairement établie du cinéma expressionniste, "Asphalt" constitue un étrange avant-goût du cinéma noir et en donne un aperçu depuis les codes du muet à la lisière du parlant.
Le Plus Grand Cirque du monde (1964)
Circus World
2 h 15 min. Sortie : 9 décembre 1964 (France). Drame, Western
Film de Henry Hathaway
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
En dépit d'un sujet de cinéma assez peu passionnant, Henry Hathaway parvient à faire un portrait choral d'une troupe de cirque assez attachant. Loin de moi l'idée de dénigrer le cirque tant qu'il ne se résume pas à fouetter des félidés, mais en tant qu'objet de cinéma, avec tous ses filtres intermédiaires comme le montage, la magie ne peut pas opérer comme elle le fait au cours d'une véritable représentation. Heureusement, "Circus World" ne se contente pas de filmer des numéros.
La chose la plus drôle dans cette histoire qui se déroule au début du 20ème siècle, c'est sans doute que John Wayne, le propriétaire du cirque éponyme, est arrivé à conserver son accoutrement de cowboy dans un contexte qui ne le légitimais a priori pas du tout. À la faveur d'un numéro de cirque censé retranscrire l'attaque d'une diligence, le voilà de retour au Far West... Toujours le même genre de personnage cela dit, la brute d'apparence rustre qui cache un grand cœur (un peu comme dans "Donovan's Reef d'ailleurs, avec beaucoup moins de bastons) : on peut s'en lasser, tout comme on peut rester parfaitement insensible à l'histoire d'amour sous-jacente qui a motivé la tournée en Europe et toute la quête de maternité / paternité qui m'ennuie profondément.
C'est le spectacle hollywoodien dans tout ce qui m'indiffère, entre histoires d'amour plates et action teintée de rivalité... Le film reste cela dit riche dans la description des coulisses du spectacle, avec une petite composante hommage à l'âge d'or de ces grands cirques. Au milieu de la troupe, il y a bien sûr l'étincelante Claudia Cardinale, magnifique, en pleine ascension, bouffant l'écran jusque dans ses maladresses et son accent anglais hésitant, reléguant Rita Hayworth sur le bas-côté. La mise en scène de Hathaway colore agréablement les péripéties comme le naufrage presque comique du bateau ou l'incendie d'une partie du chapiteau.
Dans la première heure, le film remplit son contrat dans la dimension spectaculaire. Mais la (longue) deuxième partie vire en revanche au soap opera archi-classique et à la romance bas de gamme : la nostalgie qui est censée envahir l'espace lors des retrouvailles entre papi Wayne et mamie Hayworth ne fonctionne que très modérément, et le "retour" du personnage de Cardinale ne brille pas vraiment par son acuité.
L'Heure d'été (2008)
1 h 40 min. Sortie : 5 mars 2008 (France). Drame
Film de Olivier Assayas
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
La lourdeur de la démarche empêche parfois de simplement en mesurer les effets. Je connais très mal Olivier Assayas, ou plus précisément je croyais connaître son cinéma et je le redécouvre à chaque nouveau film vu, mais je n'avais jamais ressenti chez lui cette approche auparavant. La première partie, dans laquelle une famille se rassemble chez la grand-mère, est en réalité à l'image du film : en manque patent de subtilité, à la mécanique trop apparente, aux articulations trop artificielles. Chaque personne est comme enfermé dans son stéréotype, et il m'est impossible dans ces conditions de m'investir dans cet univers. Les comédiens ont beau faire tout ce qu'ils peuvent, ils ne peuvent pas grand chose en regard du reste.
Le film se veut constamment modéré, contrebalancé, serein par-ci et inquiet par-là, chaleureux par-ci et mélancolique par-là. Mais cela ne l'empêche pas d'être affreusement poussif dans sa peinture d'une dislocation. Qui ne comprend pas que la grand-mère va mourir, après cette première partie ? C'est un élément de mise en scène totalement raté, totalement bâclé. Le rôle de Jérémie Renner est la seconde chose la plus mal décrite, enfermé dans son rôle d'affairiste arriviste, dont les gestes sont affreusement prévisibles et sans surprise. Il veut vendre la maison et récupérer l'argent pour partir en Asie, point. Dans ce canevas, tout ce qui a trait au deuil et à l'héritage est comme un coup de bâton dans l'eau. Toutes les contradictions entre valeur marchande et valeur sentimentale sont croquées très superficiellement. Et que dire de la séquence conclusive, si ce n'est qu'on ne peut que constater qu'Assayas ne sait absolument pas filmer la jeunesse ?
Le film plie sous le poids de son artificialité, et ne laisse aucune place à la réflexion sur le travail de mémoire et de partage des biens. Trop de dialogues, trop d'explicitations. Trop lisse, trop contrôlé, et des considérations du côté des familles bourgeoises au final assez peu engageantes.
La Grande Aventure LEGO (2014)
The LEGO Movie
1 h 40 min. Sortie : 19 février 2014 (France). Animation, Aventure, Comédie
Long-métrage d'animation de Phil Lord et Christopher Miller
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Ce film correspond assez bien à l'archétype du dessin-animé insupportable à mes yeux. La première séquence, à elle seule, m'a fait totalement dérailler. Beaucoup trop hystérique, beaucoup trop creux, et en conséquence beaucoup trop ennuyeux : les 100 minutes paraissent infiniment longues dans ces conditions assez peu confortables...
Évidemment, c'est un des spots publicitaires les plus longs. Personne ne s'en cache, pas même les producteurs, ni même le couple de réalisateurs qui pouvait mettre en confiance si on se base sur leurs efforts précédents ("Tempête de boulettes géantes" et "21 Jump Street"). Mais en étant resté aussi extérieur au récit qu'à l'élan d'adhésion quasi unanime, il y a quelque chose d'aussi étrange que fascinant de lire les avis des passionnés qui sont retournés en enfance. Le signe évident d'une campagne publicitaire qui a marqué des points, beaucoup de points.
Et au fond, la trame narrative est d'un manque d'inventivité incroyable (en ce sens, à l'opposé de la technique d'animation, vraiment impressionnante) en ressassant cette sempiternelle histoire de l'individu lambda qui devient un être exceptionnel par la seule force de sa volonté. Il y croit et ça suffit à prouver sa valeur. Joli tour de force : vanter par devant l'anticonformisme et la créativité pour mieux faire passer la grosse pilule d'un conformisme béat. Ce trait aussi banal à Hollywood que soporifique est certes compensé par un montage épileptique compensant l'endormissement par un effet inverse, très indigeste. Je n'irai pas jusqu'à dire que rien ne fonctionne, il y a bien quelques vannes qui fonctionnent, quelques personnages bien calibrés (Batman, par exemple), mais le film déborde de maladresse et d'insignifiance, à l'instar de sa séquence "réelle" finale, d'une bêtise et d'un ridicule sans nom.
Plus j'y pense et plus je développe une réaction épidermique, allergique à ce film.
Le Général (1998)
The General
2 h 04 min. Sortie : 25 novembre 1998 (France). Biopic, Policier, Drame
Film de John Boorman
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Si l'on s'en tient à mon aversion notable pou le genre du biopic, dans la majeure partie des cas, cette incursion de la part de John Boorman ne s'en sort pas si mal dans le cadre plutôt étroit de ce registre : mettre en scène quelques morceaux choisis de la vie de Martin Cahill, un "célèbre" criminel irlandais.
Évacuons d'emblée les défauts : le noir et blanc était-il indispensable ? Et la petite musique jazzy ? Et la longueur, qui s'étale sur plus de deux heures ? Rien n'est moins sûr... Tout concourt à faire de ce film une œuvre trop longue et au final assez peu convaincante. Heureusement, Brendan Gleeson rompt la monotonie du noir et blanc artificiel et de la mise en scène peu inspirée et ses nombreuses frasques constituent l'essentiel de l'intérêt d'un tel film. À côté, la présence de Jon Voight paraît bien pâle et inutile, le versant policer étant sans doute l'un des grands défauts du film.
Il est bien difficile de mettre son personnage dans une case, le gentil méchant ou le méchant gentil, très clairement un brigand mais qui revêt parfois les habits d'une sorte de Robin des bois en allant voler des toiles de maître. L'idée du film est sans doute de faire glisser le portrait du regard tendre à quelque chose de mois futile : la scène où il crucifie un gars sur une table de billard avant de se raviser et de le larguer aux urgences est très éclairante à ce titre. Les ambiguïtés sont recherchées, mais pas vraiment brillamment exposées à mes yeux, le film étant un peu trop à la croisée des chemins, entre comédie satirique, toile de fond politique de l'Irlande de la fin du 20ème siècle, policier et portrait psychologique.
On peut s'amuser en apprenant que Boorman fut l'une des victimes des cambriolages de Martin Cahill himself... La scène du disque d'or (pas en or) reflète cela, comme une allusion au prix remporté avec "Délivrance". Mais j'ai le sentiment que la tentative d'en faire un personnage contradictoire, d'abord irrévérencieux (on dirait vraiment le chef d'une bande de gentils lascars dans la première partie) puis dangereux n'est pas tout à fait fructueuse. Le processus de démystification ne va pas à son terme. Le fait de commencer par la fin, enfin, en évoquant son assassinat par l'IRA avec un petit sourire en coin censé suggérer beaucoup de choses, n'est pas non plus un choix très bien soutenu : la suite ne permet pas de justifier une telle accroche.
Dog Star Man (1964)
1 h 15 min. Sortie : 1964 (États-Unis). Expérimental
Film de Stan Brakhage
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Alors là, je ressors de ce morceau très brut de cinéma expérimental comme on ressortirait d'une salle obscure du MoMA projetant une vidéo méconnue d'un artiste inconnu, sur une thématique inconnue. Sans manuel d'explication ou d'interprétation. Autrement dit, on ne comprend rien, et il n'y a sans doute rien à comprendre, tout à ressentir : c'est là sans doute le drame de ces œuvres extrêmement conceptuelles qui me laissent invariablement froid, hermétique, comme un con dans sa bulle qui n'aurait pas su s'ouvrir au monde. C'est long, pénible, fatigant, et je n'en tire vraiment pas grand chose à titre personnel, tout en ayant conscience qu'on puisse tout à fait y trouver son compte.
Ma magnanimité ne tient qu'au caractère exceptionnel (comprendre : peu commun) du film, n'ayant que très rarement fréquenté ce genre d'horizons, les premiers moments au moins attisent ma curiosité. Mais bon sang, ces 75 minutes en paraissent le triple, c'est un supplice. Le prologue est 100% expérimental, totalement dénué d'éléments narratifs : la démarche est donc claire, il faut se laisser aller au gré du courant, s'immerger dans le flux d'images qui sont censées faire sens (ou plutôt sensation). L'auteur le définit comme "cosmological epic" et "creation myth"... Pourquoi pas. Mais dès la partie 1 (sur 4 au total), un ersatz de trame se dessine à travers ce personnage, interprété par Brakhage himself, gravissant les pentes d'une montagne enneigée avec son chien. Et tout le travail de surimpression tombe un peu à l'eau, à grand renfort de plans naturels (dans une forêt, principalement) et de gros plans d'organes sanglants non-identifiés...
L'indigestion d'impressions est un raz-de-marée qui anéantit tous les micro-bouts de bonnes idées dans le registre de l'abstrait (car, encore une fois, la partie intelligible de la narration, avec cette ascension, n'est vraiment pas le point fort du montage). C'est boursoufflé, ennuyeux, et à titre personnel assez laid.
11.6 (2012)
1 h 42 min. Sortie : 3 avril 2013. Thriller, Drame
Film de Philippe Godeau
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
Ce n'est pas tant que le film soit fondamentalement mauvais : c'est surtout son caractère profondément inutile qui se révèle très irritant. Encore une excroissance sortie de la rubrique "faits divers", un classique dans le cinéma français contemporain : très peu d'effort à fournir, prise de risque minimale, on se contente de raconter ce qu'une page Wikipédia aurait pu faire. Comme si quelqu'un, à un moment, avait oublié qu'il s'agissait là de cinéma... C'est désolant.
D'autant plus désolant que le film semble confondre mystère, absence de prise de position et profusion d'interprétations : il aborde toute les pistes possibles pour expliquer le comportement de Toni Musulin et les traite à égalité. Frustration sociale au travail avec des brimades incessantes, instabilité psychologique, attrait pour le luxe et les Ferrari, jubilation pure à l'idée de faire chier la justice ou la police, insatisfaction amoureuse, etc. Il y a littéralement tout et ça en devient aussi gênant qu'inutile. Ajoutons à cela pas mal de choses totalement superflues, comme le personnage de Bouli Lanners et les séquences autour des camions avec picole, putes et tirs au pistolet.
À côté de ça, je commence à en avoir assez de ce personnage que Cluzet semble interpréter inlassablement, en se contentant de variations minimales. Le taiseux, le besogneux, le mec qui encaisse, ça suffit... Ici, dommage que Godeau ne creuse pas plus avant la piste de l'humiliation sociale et du manque de reconnaissance, il y avait là matière à faire quelque chose d'intéressant, quitte à s'éloigner de la réalité des faits (dont on se fout royalement ici).
L'archétype du film qui ne sert à rien.
House (1977)
Hausu
1 h 28 min. Sortie : 28 juin 2023 (France). Comédie, Épouvante-Horreur
Film de Nobuhiko Ôbayashi
Morrinson a mis 3/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Un épisode de Scooby-Doo greffé à Evil Dead tourné par Mario Bava sous LSD à la sauce japonaise. Difficile, très difficile de faire la part des choses dans ce bordel psychédélique, surréaliste, et avant tout suprêmement kitsch (le mot semble avoir été inventé pour ce film) entre les délires complètement foutraques du début à la fin et l'audace évidente d'un tel projet.
La débilité du scénario et l'excentricité démentielle de la mise en scène empêchent de s'ennuyer et de passer un vrai mauvais moment. Dans le pire des cas, on pouffe (de honte et) de rire. Impossible de savoir si l'interprétation de la bande de gamines, parties chez la tante de l'une d'entre elles, est intentionnellement catastrophique ou bien si cela fait partie du jeu : on est quoi qu'il en soit dans la caricature barrée du manga, avec la bouffeuse, la karaté kid, l'intello, la musicienne, la photographe, etc. Nobuhiko Ôbayashi vient du clip, de la pub et de l'expérimental et ça se voit... Ça bricole à tout va, ça colle, ça dessine, ça déconstruit tout dans un tourbillon incessant de n'importe quoi, au risque de devenir fatigant sur la durée. Mais impossible de ne pas saluer l'audace.
Personne ne pourrait sincèrement apprécier le film au même titre qu'un autre, pour sa beauté visuelle ou pour la profondeur de son script. C'est moche, c'est grotesque, c'est parfois cartoonesque, parfois soap opéra, parfois roman photo, etc. Des ralentis à foison, des effets spéciaux calamiteux, tout pour construire une expérience originale, si ce n'est unique. Mais c'est aussi un exercice de style, avec ses défauts, ses risques, ses excès. Une forme d'imprévisibilité absolue, un film qui pousse à la schizophrénie (et à la crise d'épilepsie), de l'humour et du second degré utilisés avec plus ou moins de finesse en se reposant sur une série ininterrompue de stéréotypes... Le film ne s'arrête jamais dans sa lancée, toujours plus bête, toujours plus laid, toujours plus kitsch, mais toujours plus surprenant aussi : un jusqu'au-boutisme qui force le respect.
Et ces musiques :
https://www.youtube.com/watch?v=qg-WT8Wg5kI
https://www.youtube.com/watch?v=O4dHBXEmtWE
Sans adieu (2017)
1 h 39 min. Sortie : 25 octobre 2017 (France).
Documentaire de Christophe Agou
Morrinson a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
[ Cinéma ]
"Sans adieu" ressemble étrangement à la série de films réalisés par Raymond Depardon, ses "Profils paysans" en trois chapitres, en déplaçant le sujet de la Lozère, Haute-Loire, Ardèche et Haute-Saône au Forez. Si le rapprochement peut servir de guide à ceux qui ont apprécié le travail de Depardon, on peut aussi préciser que l'approche de Christophe Agou (photographe exilé à New York mort en 2015) diffère sensiblement en deux points : la forme, beaucoup moins travaillée et beaucoup plus brute, caméra mobile et numérique typique de la fin des années 90 à l'appui, et les personnages, beaucoup plus enclins à s'exprimer verbalement, que ce soit en dialoguant avec eux-même ou en engueulant un chien. Le plus grand dénominateur commun entre les deux, c'est sans aucun doute la tendresse de ces portraits de paysans, extraits de leur univers comme autant de pépites brutes.
"Sans adieu", c'est ce que disait Claudette (la mamie de 75 ans que l'on peut voir dans la bande-annonce en train de gueuler un délicieux "ah tue-moi ce chien moi il m'énerve alors !" suivi de "tu vas voir toi qu'je vais t'en passer une va !", d'une tendresse assez paradoxale) au réalisateur quand il se séparait, une expression pour dire "au revoir, et on se reverra". Christophe Agou a grandi dans la région qu'il a filmé ici et il connaissait bien les gens qui y figurent, cela ne fait aucun doute : le caractère authentique de l'intimité témoigne à lui tout seul de la nature du projet. Au plus près du monde paysan, sans trop savoir de quelle génération il est question : difficile de réaliser qu'on se situe 40 ans après la vision semblable (en beaucoup plus drôle et beaucoup moins épuré ici) qu'en donnait Dominique Benicheti dans le magnifique "Le Cousin Jules".
La galerie de portraits est d'une sincérité touchante. Il faut voir la vieille Claudette traverser des champs de boue en bottes, appuyée sur une béquille, pour aller donner à manger à des poules et des chiens dans des carcasses de voitures abandonnées. Et cette paille dans les cheveux qu'elle lave dans l'évier, ce téléphone à travers lequel elle fulmine contre l'administration et l'assistante sociale incapables de l'aider, ces publicités débiles qui l'agacent et ces banques aux démarches un peu trop compliquées... Quand elle déménagera dans une maison beaucoup plus moderne, c'est le chien qu'elle engueulait à la moindre occasion qui lui manquera le plus.
Suite : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2017/1557181
Mise à mort du cerf sacré (2017)
The Killing of a Sacred Deer
2 h 01 min. Sortie : 1 novembre 2017. Drame, Thriller, Fantastique
Film de Yórgos Lánthimos
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
[ Cinéma ]
La gratuité du projet et la lourdeur démonstrative de sa mise en scène fait vraiment peine à voir. Autant j'avais pu apprécier le délire très froid dans "The Lobster", qui était lui aussi régi par une thèse (l'absurdité de la nécessité de la vie de couple, par exemple) mais qui maniait l'humour et la critique de manière infiniment plus subtile qu'ici, autant cette "Mise à mort du cerf sacré" plie sous le poids de ses propres boursoufflures une fois écoulée une première partie qui laissait quelques espoirs.
Certains effets sont d'une lourdeur parfaitement indigeste et nuisent presque inexorablement à l'immersion, et bien sûr à l'adhésion. Le climat anxiogène, notamment, à grand renfort de travellings arrière ou avant incessants et de musique stéréotypée du genre, est d'une artificialité dérangeante. On comprend assez vite que Lanthimos ne joue pas du côté du réalisme, on l'aurait deviné avant de commencer le film, mais même sous couvert de l'argument "fable", le manque d'originalité et de subtilité de la démarche est une vraie plaie. Dans un premier temps, l'humour noir fonctionne, et la description de cette petite famille bourgeoise peut séduire. Ils sont tous beaux, grands, riches, ils vivent dans une belle maison et les enfants veulent continuer le chemin tracé par leurs parents. Mais le film peine à instiller du sens dans cette veine, et s'enfonce dans la voie du portrait acide, complètement arc-bouté sur des personnages archétypaux. La figure de Colin Farrel, dans son rôle de chirurgien, est d'une écrasante banalité.
Même l'argument fantastique n'est pas satisfaisant, il fait un peu posé là par hasard, sans structure, pour des motifs bassement bouche-trou du scénario (récompensé à Cannes, on croit rêver). À l'image de sa dernière séquence, où la famille battue et humiliée se lève et s'en va, le film est très lourd et à la symbolique un peu bébête. Le côté robotique de la famille n'est pas du tout justifié, au sens où les comportements confinent à l'irréalisme avec pour justification futile la foutaise du fantastique. La froideur pour la froideur, c'est loin d'être une bonne idée, aussi beau soit l'écrin dans lequel tout cela est fourré. L'absurdité et la provocation revendiquées s'écrasent platement contre le mur de la bêtise, bien au-delà des quelques bonnes idées (la figure du mal est bien maîtrisée) et des effets recherchés chez le spectateur (ce côté rigoureux et atone de l'univers malmené régulièrement par des crises d'hystérie).
Osiris, la 9ème planète (2016)
Science Fiction Volume One : The Osiris Child
1 h 39 min. Sortie : août 2017 (France). Action, Science-fiction
Film de Shane Abbess
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
La bouillie science-fictionnelle du XXIe siècle dans toute sa splendeur, tout ce qu'elle peut susciter comme émanation étrange, malformée, bancale et insignifiante. Ce film appelle toutefois plus à la honte qu'à la haine et se permet un final suffisamment surprenant pour ne pas qu'on le jette dans la benne à ordures que le genre alimente si régulièrement.
Mais il faut tout de même en passer par la présentation d'un univers horriblement bâclé, dont le manque de moyens transpire de chaque plan, de chaque décor, de chaque costume. Ça fait de la peine, et ce d'autant plus qu'on sent que le film se donne beaucoup de mal pour cacher sa misère avec des petits bouts de sparadrap. Le design des créatures est à ce titre assez emblématique : des drôles de choses, comme un croisement entre des tortues ninja qui aurait trop mangé de pizza et les Skeksès issus de "Dark Crystal" (avec une petite touche spéciale "Alien"). Le plus drôle, c'est que leur apparence laisse penser tout sauf l'agilité et la dextérité dont elle font preuve au cours de leurs carnages. C'est plutôt risible, dans le cadre très carton pâte de la prison ou lors de l'attaque de l'armurerie, à grands coups de cut comme autant de cache-misère.
À côté de ces considérations très matérialistes, il y a aussi un scénario affligeant, avec quelques éléments de SF balancés à la va-vite et un père qui part au secours de sa fille : l'horreur du stéréotype américain alors qu'on est en plein cinéma australien. On peut ajouter à ce joli tableau des personnages secondaires bien nuls comme les punks que les deux personnages principaux rencontrent à mi-parcours et on obtient une mixture vraiment très étrange et peu comestible. Cerise sur le gâteau, le découpage en plusieurs chapitres est une très mauvaise idée tant il casse le rythme des parties axées "action", avec chrono affiché à l'appui comme dans "24" : erreur basique en même temps qu'un artifice pompeux.
Blade of the Immortal (2017)
Mugen no jûnin
2 h 20 min. Sortie : 25 septembre 2021 (France). Action, Drame, Fantastique
Film de Takashi Miike
Morrinson a mis 5/10.
Annotation :
Miike a réalisé son premier film au début des années 90 et en l'espace de 25 ans, il aura réalisé une centaine de films (sans compter le reste de ses productions en matière de séries et autres). "Blade of the Immortal" serait même son centième effort, et même s'il faudrait - difficilement - vérifier cette assertion, force est de constater la vigueur et la fougue intacte voire renouvelée dont il fait toujours preuve dans ce film.
C'est l'un des rares réalisateurs dont le caractère inarrêtable, prolifique à l'excès, excentrique et touche à tout ne me dérange pas, toutes nationalités confondues. Il doit y avoir une forme d'adhésion sous-jacente mais je crois sincèrement que mon appréciation est dénuée de tout attachement au nom Miike. Je ne connais que très peu la partie chanbara chez lui, n'ayant vu que le remake de Kobayashi, "Hara-Kiri", et c'est presque pétri de honte que je dois avouer ne pas avoir été déçu par ces 140 minutes de bastons gores. C'est l'idée que je me fais d'un manga correctement adapté, respectueux de la forme originale tout en exploitant les capacités d'un autre médium.
Son côté punk hyper-violent n'est au final pas aussi exprimé que je l'aurais imaginé : c'est certes très violent, mais pas plus qu'une série B gore. Et le rythme n'est pas insoutenable, il est au contraire relativement bien dosé pour faire passer la longueur du film. Le crescendo dans les combats, dans les enjeux, dans les révélations est plutôt bien maîtrisé. L'ensemble se tient plutôt bien dans sa pratique de la surenchère, à grand renfort de combats à 1 (ou 2, ou 3) contre 100, avec au centre un anti-héro sans grande surprise mais convaincant dans le rôle de la brute hirsute couverte de cicatrices. Tous les aspects liés aux "vers de sang" lui conférant son immortalité et à son side-kick féminin ne sont ni géniaux ni particulièrement originaux, mais ils n'ont pas constitué d'obstacle. Quelques touches d'humour par-ci, par exemple pour récupérer un membre sectionné, une profusion d'armes blanches par-là (rappelant les meilleurs moments de la Shaw Brothers) : "Blade of the Immortal" joue bien sûr avec la surenchère sans pour autant tomber dans le trop mauvais goût. Un numéro d'équilibriste qui mérite d'être salué.
Naked (1993)
2 h 11 min. Sortie : 10 novembre 1993 (France). Drame
Film de Mike Leigh
Morrinson a mis 7/10.
Annotation :
Tout dans "Naked" gravite autour de la prestation de David Thewlis et sa présence est il faut le dire particulièrement marquante. La surprise est en plus renforcée, à titre personnel, par le passif que j'entretenais avec Mike Leigh, fait d'un assentiment assez vague dans le fond mais teinté d'une certaine incompatibilité dans la forme (typiquement le côté feel-good movie dans "Be Happy") qui m'avait toujours dérangé. La noirceur de l'univers dépeint ici est parfaitement à l'opposé de tout ce que je connaissais chez lui, et c'est une révélation aussi rare qu'appréciable.
Tous les personnages secondaires sont évidemment bien en-dessous du protagoniste destroy, à commencer par un personnage masculin, Jeremy / Sebastian, vraiment pas très convaincant dans son rôle archétypal de malade mental et pervers sexuel. Archie vaut également le détour, séquence hilarante essentiellement composées d'onomatopées sous influence écossaise. Les autres personnages, féminins, sont plus intéressants (bien qu'à peine esquissés) et offrent de bons contrepoints aux délires existentiels de Thewlis. Est-il un clochard ? Un ex-étudiant en philo ? Un malade mental doublé d'un penchant pour le viol dans les rues glauques de Manchester ? Difficile à dire, et force est de constater qu'en esquissant intentionnellement des ébauches de personnages, privés de contexte bien établi, Mike Leigh réussi son coup et nous plonge de force dans un univers aux contours incertains.
Parfois parfaitement intelligible, d'autres fois en roue libre totale, le personnage de Johnny Fletcher est néanmoins toujours aussi habile dans la joute oratoire, dans le lyrisme, et dans la manipulation des citations. Est-il chanceux ou condamné, dans son délire et dans ses capacités intellectuelles ? En général, ce genre de logorrhées me lasse vite, et "Naked" n'échappe pas à une certaine forme de lassitude du haut de ses 130 minutes. Mais les monologues font quasiment toujours sens, de l'ordre de l'érudition linguistique un brin tape-à-l'œil qui évite toutefois l'exercice de style vain (la scène avec le gardien, par exemple, est sans doute de trop et confine au bavardage). Une chose est sûre, on n'oublie pas ce personnage, son débit oratoire, sa rhétorique implacable, son humour corrosif, et son instabilité aussi désabusée que créatrice.
Wheelman (2017)
1 h 20 min. Sortie : 20 octobre 2017. Action, Thriller
Film DTV (direct-to-video) de Jeremy Rush
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Il y a comme un filon, exploité avec plus ou moins de bonheur ces dernières années, dans le film de casse. Avec des degrés d'immersion très divers, de l'extrême exercice de style (très réussi) "Locke" aux très populaires "Drive" et "Baby Driver", beaucoup plus enclins à exploiter le registre de l'action (à des degrés là aussi très divers, le premier étant aussi convaincant que ce que le second est exaspérant). "Wheelman" se positionne très clairement dans la seconde catégorie, à grand renfort de crissements de pneus, de coups de fusils automatiques, d'hémoglobine qui gicle et de "fuck" assénés exhaustivement à toutes les sauces (c'est impressionnant).
Si "Wheelman" présente de fait très peu d'intérêt, hormis chez ceux pour qui contempler longuement et sous toutes les coutures la tronche de Frank Grillo constitue un intérêt, il ne fait au final pas si mal sa maigre besogne. Pas de tentative de virtuosité, uniquement du très fonctionnel. Certains abus sont à relever, comme l'utilisation du téléphone un peu trop systématique et répétitif (à la différence notable de "Locke") et l'implication de la famille pas gérée de manière exceptionnelle. C'est un film qui tente son petit coup d'éclat, ses petits accès de violence, ses petites décharges d'adrénaline avec gros bruits de moteur à l'appui. Autant de choses auxquelles je reste parfaitement insensible et hermétique, mais qui s'accompagnent d'une certaine gestion de la tension pas complètement ratée. Forcément, au bout d'un moment dans ces conditions (toujours les mêmes plans autour de la voiture, mise à part une séquence entre deux véhicules), on se lasse. L'intrigue n'est clairement ni l'objectif ni le point fort du film, mais il arrive parfois à faire oublier cela.
Mustang Island (2017)
1 h 26 min. Sortie : 1 avril 2017 (France).
Film de Craig Elrod
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Toute ma représentation du cinéma américain dit indépendant contemporain pourrait se retrouver condensé dans ce film. Autant de bonnes idées ponctuelles que de clichés éculés de ce genre de cinéma qui plombe l'ensemble...
La toute première séquence, en quelques secondes seulement, laisse augurer le meilleur : une fête de nouvel an et un moment tant attendu qui ne se passe pas exactement comme prévu. La tronche de benêt de Macon Blair est en soit un argument comique que je n'avais jusque là pas du tout mesuré : il faut dire que ses rôles chez Jeremy Saulnier, que ce soit dans le génial "Blue Ruin" ou dans l'un peu moins bien "Green Room" ne travaillent pas dans la même direction... Mais dans le registre du mec largué et triste, il est aussi très bon. Le film aura ses quelques moments de fulgurance, ses instants où la mécanique fonctionne bien où l'humour l'emporte.
Mais à de (trop) nombreuses reprises, je me suis cru dans un Noah Baumbach qui me laisse parfaitement froid, derrière le glacis du noir et blanc un brin stéréotypé dans le label "indie". Il y a des longueurs extrêmement pénalisantes quand elles ne sont pas constructives, heureusement entrecoupées de moments délirants, comme par exemple chaque apparition du gros beauf rencontré sur place et qui n'en rate pas une pour se montrer ridicule. Mais même lui s'enferme dans une forme de répétitivité plombante. C'est en fait surtout Lee Eddy qui traverse le film de manière régulière et appréciable. Quelle que soit la situation, elle reste crédible, tour à tour drôle et émouvante, à l'image de l'ultime plan où son visage crispé se détend très lentement dans le vent.
Ma saison préférée (1993)
2 h 07 min. Sortie : 14 mai 1993 (France). Drame, Romance
Film de André Téchiné
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
"Les Égarés" m'avait laissé une impression mitigée, vaguement positive, mais à la lumière de ce nouveau film de Téchiné que je vois, l'envie de le réévaluer sous un angle différent (et beaucoup moins clément) se fait sentir. Ce que j'avais interprété comme du flou intentionnel teinté de maladresses éparses était sans doute beaucoup moins ponctuel et innocent...
Le mélange des genres dans "Ma Saison préférée" est tout simplement une catastrophe : alors qu'il tente de dresser un portrait tragique d'une famille concentrée autour du noyau mère-fille-fils, l'autre versant attaché à décrire la jeunesse est d'une lourdeur et d'une bêtise incroyables. Téchiné n'est visiblement pas du tout à l'aise avec tout ce qui tourne autour du désir sexuel : la séquence où Catherine Deveneuve se fait à moitié violer ("elle repousse, mais au fond, elle désire", ben voyons) au bord de la Garonne est affreusement gênante, et tout ce qui tourne autour de la relation des deux jeunes est tout aussi effroyable de nullité (la jeune et son strip-tease qui sort de nulle part autour de considération pseudo-artistique, son benêt de copain qui pourrait postuler au titre de pire acteur de sa génération, etc.).
Dans cet écrin aussi souillé, il paraît bien difficile de s'impliquer dans le cœur du sujet, à savoir le rapprochement entre un frère et une sœur suite à la sénescence de leur mère. Impossible de se sentir concerné par ce regard sur les vestiges de l'enfance et le deuil des illusions (les séquences où Deneuve et Auteuil rejouent comme dans un rêve leurs souvenirs d'enfance sont assez maladroites) quand la charpente du bon sens et du bon goût menace de céder. Idem pour ce qui est de la relation incestueuse naissante, qu'on devine, et qui aurait pu vraiment donner quelque chose d'intéressant s'il n'y avait pas autant de ratés par ailleurs...
La Vie de château (1966)
1 h 28 min. Sortie : 25 janvier 1966 (France). Comédie romantique, Guerre
Film de Jean-Paul Rappeneau
Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Dans sa dimension comique (voire loufoque) qui évolue au milieu d'un contexte historique (l'occupation allemande) pourtant assez peu propice au genre, "La Vie de château" peut faire penser à des film classiques comme "Jeux dangereux" de Lubitsch sorti plus de 20 ans avant. Le parallèle va d'ailleurs bien au-delà de la seule toile de fond historique puisque tout le film semble gouverné par une ambiance et un ton faisant irrémédiablement penser à la screwball comédie caractéristique de l'âge d'or d'Hollywood (source d'inspiration avouée de Jean-Paul Rappeneau).
La mixture ne se savoure toutefois pas instantanément, en dépit d'un couple haut en couleur formé par Philippe Noiret au sommet de son indolence et Catherine Deneuve aux airs de papillon enfermé cherchant à s'évader de son couple. L'association est quelque peu improbable, mais à mesure que l'on progresse dans le récit de leurs incompatibilités apparentes, avec d'un côté le mari gentiment débonnaire et passif et de l'autre la femme aussi gracieuse que pétillante, leur union tend à se normaliser à mesure que le charme des deux comédiens opère.
Tout le film semble construit sur des personnages ambivalents : les nazis sont relativement accommodants et blagueurs, le commerçant plutôt pleutre et vaguement collabo se découvrira une passion de résistant quand il ressentira l'éloignement de son grand amour (les revirements de Noiret sont vraiment délectables), et la femme insatisfaite de son mariage n'aura de cesse de chercher son oxygène et son bonheur ailleurs (Deneuve très bonne dans ce registre comique pas du tout réaliste). Et dans l'arrière plan, une série de personnages secondaires consistants, à commencer par le couple pittoresque et hilarant des beaux-parents.
Deneuve volette à travers le film en distillant son charme et ses sautes d'humeur avec délice, dans un magma diffus de sentiments incertains, dans une révolte ayant pour but d'échapper à son aliénation. Noiret campe de son côté un personnage dont la simplicité (dans la première partie du film) et la bonhomie rappellent de manière anti-chronologique celui qu'il incarnera dans "Alexandre le bienheureux" (1967) transporté dans l'univers du "Vieux Fusil" (1975). "La Vie de château" constitue une vision champêtre très sing. des moments qui précédèrent le débarquement allié (quelques passages d'anthologie pour arracher des piquets anti-parachutistes ou pour distraire des soldats allemands), un vaudeville foutraque, burlesque et souvent euphorisant.
Miss Sloane (2017)
2 h 12 min. Sortie : 8 mars 2017. Drame, Thriller
Film de John Madden
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
La froideur du film (et non pas celle de son personnage principal, qui est recherchée) renvoie inévitablement à son vide, à l'exercice un peu vain auquel il s'adonne. C'est typiquement le genre de film qu'on a déjà vu tellement de fois (certes sur une thématique peu balisée par le cinéma mais particulièrement bien connue ailleurs : le lobbying), il n'y a vraiment aucune surprise et le nœud du problème tient sans doute à ça : le film repose sur une série de twists parfaitement superfétatoires, affreusement stéréotypés, qui plombent une intrigue qui n'en avait pourtant pas besoin.
Le personnage de Jessica Chastain est beaucoup trop parfait, elle a prévu tout dans le moindre détail et ça en devient exaspérant. On n'apprend rien d'intéressant sur les coulisses du pouvoir, et les faiblesses du personnages ne sont que des faire-valoir pour dépeindre une femme prétendument imparfaite, mais dont les ambiguïtés ne tiennent pas un instant. Le récit parfaitement huilé qui en devient parfaitement lisse, ponctué par des dialogues incessants prononcés à une vitesse vite indigeste. Tout est en réalité calibré au millimètre et cette absence de latitude, de prise de risque, d'originalité est extrêmement pénalisant. Il y avait sans doute mieux à faire, plus ambivalent sur une thématique aussi importance aux États-Unis que les dérives du deuxième amendement de la Constitution. Au final, le film vire rapidement à l'observation dénuée de chair et de sens de son protagoniste plutôt que d'analyser les répercussions dudit amendement : pourquoi pas, mais pas en des termes aussi prétentieux et vains. Avec une référence à Frankenheimer affreusement gratuite : un personnage nommé Manucharian voit son nom déformé en Manchurian, allusion à "The Manchurian Candidate".
Showgirls (1995)
2 h 11 min. Sortie : 10 janvier 1996 (France). Comédie dramatique
Film de Paul Verhoeven
Morrinson a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Il n'y en a pas deux comme Verhoeven pour tirer dans le tas, pour revêtir les habits de l'ennemi pour mieux s'immiscer en son sein et le détruire de l'intérieur, pour se livrer à une critique aussi corrosive de la société américaine. De la même façon qu'il me paraît impossible de ne pas percevoir la composante satirique d'un film comme "Starship Troopers", il me paraît tout aussi impensable de prendre "Showgirls" (sorti deux ans plus tôt) au premier degré et d'y voir, tout à fait logiquement dans ces conditions, une abomination à tous les niveaux. Les deux films procèdent pourtant exactement de la même façon, en utilisant et en détournant les codes d'un genre à des fins bien particulières, le premier en direction de la culture belliciste et le second dans celle de la marchandisation du corps féminin.
Ce n'est évidemment pas une œuvre que l'on peut apprécier pour son réalisme ou pour sa subtilité : on est clairement dans le registre du conte et la subtilité, justement, est à chercher dans l'opération de détournement au cœur des enjeux. Les 13 nominations aux Razzie Awards de 1996 font même penser que la démarche fut trop subtile, ratée ou mal interprétée par le public d'alors. Pourtant, les caricatures explosent de tous les côtés, dans tous les sens, à tous les niveaux. De la psychologie archétypale des personnages à l'esthétique kitsch et surchargée, jusqu'au final terriblement symbolique propageant la satire de Las Vegas à Hollywood, tout évolue dans la même direction. Mais sans doute que la satire est plus facilement acceptable et assimilable quand elle traite d'une politique étrangère que lorsqu'elle s'attaque directement à l'être humain.
J'aurais bien du mal à trouver un équivalent à "Showgirls", ne serait-ce que dans la plongée de sa protagoniste dans un monde aussi affreux suscitant pourtant en elle, paradoxalement, une attirance et un désir aussi forts. L'enfer de la valeur d'échange du corps de la femme dans une industrie parfaitement huilée, où l'arrivisme ne trouve d'équivalent que dans la vulgarité omniprésente : pour dépeindre cet environnement et le parcours d'Elizabeth Berkley, Verhoeven n'y va pas de main morte dans ses coups de pinceau rajoutant à chaque scène une couche d'obscénité supplémentaire....
Suite là : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1995/354660
Section 99 (2017)
Brawl in Cell Block 99
2 h 12 min. Sortie : 25 septembre 2018 (France). Action, Gangster, Thriller
Film DTV (direct-to-video) de S. Craig Zahler
Morrinson a mis 6/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Après un coup d'éclat aussi marquant que "Bone Tomahawk", on attendait S. Craig Zahler au tournant. Dans un premier temps, on aurait bien du mal à déterminer une continuité de style dans un tel changement de registre, en abandonnant le western au profit d'un genre qui reste très incertain au début. Et Vince Vaughn, à contre emploi total dans le rôle d'un ex-boxeur vaguement incontrôlable, doté d'une force et d'une carrure impressionnantes, à l'instabilité psychologique (apparente) menaçante, alimente l'incertitude que l'on peut nourrir quant à la direction dans laquelle on s'embarque.
Pourtant, tout est dans le titre, "Brawl in Cell Block 99" : tout, absolument tout converge vers un gros moment de baston dans le fameux Cell Block 99.
Et c'est là une illustration évidente de la profonde nature de série B que le film empoigne avec force. De ces séries B pour lesquelles le scénario n'est qu'un prétexte, uniquement quelques points de repère pour baliser très évasivement le chemin de son protagoniste dans sa descente aux enfers. La façon de rendre compte de son état d'esprit et de ses pulsions violentes pour se défouler est vraiment l'attraction du film, tant elle est intrigante, originale, viscérale. Vince Vaughn dégage quelque chose de vraiment très particulier dans ce film, du haut de ses quasi 2 mètres et derrière son masque taciturne ne laissant transparaître que très peu d'émotions.
Toute la première partie attachée à la description de son couple et des raisons qui l'enverront en prison fait craindre le pire, par son manque d'intérêt propre, par son esthétique bleutée dévitalisée. Mais à partir du moment où l'on entre dans la (première) prison, "Brawl in Cell Block 99" abat ses cartes et se livre à un jeu de massacre et à une jolie démonstration de cinéma bis dont l'absurdité, la violence, et le grotesque iront crescendo jusqu'à la toute fin. Exactement comme dans "Bone Tomahawk", le film joue beaucoup sur un travail de bruitage particulièrement soigné et sur ses accès de violence aussi soudains qu'insoutenables, en accentuant ici leur composante jusqu'au-boutiste à la limite du loufoque.
Suite https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2017/1557181
Babai, mon père (2015)
Babai
1 h 44 min. Sortie : 10 janvier 2018 (France). Drame
Film de Visar Morina
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
"Babai" est un récit d'apprentissage un peu particulier dans son contexte, mais sans grande surprise dans les thématiques qui le sous-tendent, basées sur l'absence plus ou moins avérée du père. Tout le film semble capté à hauteur de l'enfant protagoniste, un gamin kosovare de 10 ans qui devra traverser toute l'Europe pour rejoindre son paternel parti en Allemagne sans son fils, abandonné à sa famille. Si le jeune acteur est plutôt convaincant dans sa réserve, dans son intériorisation, son comportement et ses réactions n'offrent pas autant d'intérêt.
Peut-être est-ce lié au fait que je ne suis pas très au fait des conditions du Kosovo à la veille de la guerre de la fin des année 90, mais il ne m'a pas semblé que le climat était particulièrement bien retranscrit. Il n'y a pas vraiment de repères permettant d'identifier l'époque, avant que le conflit n'éclate. La vie quotidienne est celle d'une famille pauvre, vendant des cigarettes dans la rue pour subsister chez les oncles et chez le père. Le départ du père qui abandonne volontairement son fils ne fait pas l'objet d'un traitement satisfaisant, et la rétention d'informations quant aux raisons qui le poussent à agir ainsi ne semblent justifiée par rien d'autre qu'une mécanique de scénario trop apparente. L'obstination du fils à retrouver son père, dans ces conditions, ne parvient pas à délivrer toutes les émotions attendues.
Il y a quelques passages très bien construits cela dit, notamment le passage en bateau au large des côtes italiennes, dans la nuit. La tension, la peur, la menace sont très bien retranscrites. Mais une fois les deux personnages réunis en Allemagne, le film retombe dans une sorte de portrait vague et peu percutant (alors qu'il est le centre du film). Il y a également une sorte d'inversion des rôles entre père et fils du point de vue de la responsabilité qui n'affleure que marginalement, comme si l'alchimie ne prenait jamais vraiment, dans un récit en manque de perspicacité et de crédibilité.
12 jours (2017)
1 h 30 min. Sortie : 29 novembre 2017.
Documentaire de Raymond Depardon
Morrinson a mis 6/10 et a écrit une critique.
Annotation :
[ Cinéma ]
Si l'on n'attendait pas le Depardon des années 2010 du côté du Wiseman des années 1960 ("Titicut Follies", 1967), il y a tout de même matière à être un peu déçu par ces "12 jours" en immersion dans une instance bien particulière des hôpitaux psychiatriques. Les 12 jours du titre, c'est le délai maximal dont dispose l'administration pour présenter toute personne internée sans son consentement, sous la contrainte, à un juge des libertés et de la détention. Le juge ("qui ne sert à rien", dira l'une d'entre eux sur le ton de la blague) dispose des rapports d'un collège de psychiatres pour prendre sa décision lors d'une entrevue avec le patient et son avocat (son conseil).
Force est de constater, d'emblée, la pertinence de la position de la caméra de Raymond Depardon et le micro de Claudine Nougaret : il se joue dans ces entretiens des face-à-face d'une rare asymétrie et d'une rare inégalité en termes d'accès au langage (un trait qui avait déjà été étudié avec une perspicacité certaine dans "10e chambre, instants d'audience"). D'un côté le juge, avec son discours constamment ponctué de vocabulaire technique ("comportement hétéro-agressif ", "effet d'une poly-addiction", "prévention de récidive de passage à l’acte") et de tournures étranges ("conformément à l’avis médical" pour "autoriser les médecins à poursuivre le traitement" pour signifier que la patient se voit refuser sa demande de sortie). De l'autre, des personnes aux troubles extrêmement variés, d'une fragilité évidente, sous l'influence de divers médicaments et parfois manifestement limités par leur élocution balbutiante et leur pensée confuse, au mieux, et au pire totalement incohérente. Comprendre l'histoire du patient derrière son masque, évaluer sa souffrance et sonder son mal-être intérieur constituent des tâches d'une difficulté abyssale. Entre les deux, une barrière insurmontable qui n'aura pour effet, malgré la bienveillance évidente de certains juges, que de préparer le terrain au rouleau compresseur de la décision s'appuyant sur les avis médicaux.
Suite là : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_2017/1557181
Papa ou Maman 2 (2016)
1 h 26 min. Sortie : 7 décembre 2016. Comédie
Film de Martin Bourboulon
Morrinson a mis 4/10.
Annotation :
Cette suite peut paraître justifiée dans la mesure ou les ressorts comiques ont été déplacé du couple au bord de la rupture au couple séparé... mais pas complètement. Du délire un peu trash du premier, on passe à une peinture du ou des couples beaucoup plus loufoque, radicalement versée dans l'absurde. Et dans ce registre, il faut le dire, "Papa ou Maman 2" ne s'en sort pas trop mal.
L'introduction fait pourtant un peu peur, tant Bourboulon ne semble pas du tout maîtriser la technique du plan-séquence, rendant la scène inutilement longue, inconfortable à regarder, et pas forcément incontournable. Mais une fois passée ce coup d'esbroufe raté, la situation des deux parents Foïs / Lafitte prend tout son sens dans les modalités bizarroïdes de leur divorce : ils vivent face à face et mènent une vie pas complètement séparée. Dans la gestion de l'absurde qui semble régir les lois de la garde alternée (avec un enfant né après le divorce...), le film s'en sort très bien, tout comme dans la complexité des échanges entre les parents et leurs nouveaux conjoints respectifs.
Les actes manqués fusent, les lapsus volent dans tous les sens, et l'incertitude quant à la position et l'attitude à avoir des uns et des autres donnent lieu à quelques séquences vraiment bien foutues. Mais, car il y a bien sûr un grand "mais", le film s'écrase complètement dans sa deuxième moitié. Un retour au conventionnel comique, reprenant des éléments du premier film (qui souffrait exactement du même mal). Le projet de réunion initié par les enfants, en outre pas franchement folichons et remplissant un peu l'espace, ne conduit à rien de nouveau, rien de drôle. Très courant, même, dans le registre du remariage. Le film file vers la réconciliation de ses deux protagonistes dans un élan assez peu inspiré et vaguement moralisateur,
Rock'n Roll (2017)
2 h 03 min. Sortie : 15 février 2017. Comédie
Film de Guillaume Canet
Morrinson a mis 1/10.
Annotation :
Mais quelle misère intellectuelle... C'est vraiment sidérant, tour à tour affligeant et drôle de voir Canet jouer dans / tourner / écrire le scénario de / etc. (on ne compte plus le nombre d'occurrences de son nom sur l'affiche) cette comédie se voulant déjantée et jusqu’au-boutiste. La mise en abyme de sa propre vie est une telle bêtise, ça en deviendrait presque touchant. À aucun moment, en tous cas, la sauce ne prend : l'ensemble se complaît dans une fange bien peu ragoûtante.
Très vite, c'est le malaise. Tellement gênant de voir des gags nullissimes, des accès de sérieux où Canet se croit profond... Ce n'est que poussif, complaisant, maladroit, et fondamentalement ringard. On n'en peut plus de son problème de couille à lui, et de son accent québecois à elle, c'est insupportable. Et de la visite chez Johnny, aussi, joli moment catastrophique. Il y a même Kev Adams pendant 30 secondes. Le freak dans lequel il se transforme dans la dernière partie produit pendant un petit moment une certaine surprise, mais le film retrouve très vite les rails de la connerie pas drôle et pas intéressante. La tentative de satire sur la quête éternelle de la jeunesse tombe à l'eau aussi vite qu'elle est arrivée et confine à la gêne, elle aussi. La réflexion sur le paraître, sur la crise existentielle de la quarantaine, est digne d'une dissertation de collégien.
Autre grand moment gênant : lorsque Canet l'acteur (dans le film dans le film de Canet, produit par Attal père et fils) s'énerve et jette du café sur une femme qui s'énerve. À ce moment-là, il crie quelque chose du genre "voilà, ça c'est du cinéma !". Sa définition du "vrai cinéma", celui qui tente, celui qui ose. La consternation n'a pas de limite, et on ne peut qu'argumenter sur le choix de la pire séquence du film (celle où Cotillard et le néo-Canet bodybuildé font l'amour de manière censément torride vaut le détour, aussi, un grand moment beauf et tape-à-l'œil). Aussi racoleur que ridicule.
The Revenge (2016)
I Am Wrath
1 h 32 min. Sortie : 11 mai 2016 (France). Drame, Policier, Thriller
Film DTV (direct-to-video) de Chuck Russell
Morrinson a mis 1/10.
Annotation :
Ce n'est pas vraiment dans mes habitudes d'adopter cette grille de lecture, mais je pense que "I Am Wrath" correspond parfaitement à la version sans cesse renouvelée du bon film de facho, le porte-étendard de la bêtise humaine et intellectuelle qui fait sourire un moment, avant de faire froid dans le dos. Sous couvert d'une composante liée au revenge movie, exactement comme "Mister Brown" avec Michael Caine, ce film essaie de mettre en scène de manière légitime le parcours de vengeance de John Travolta après l'assassinat de sa femme.
Et le film n'y va pas par quatre chemins : Travolta assiste à la mort de sa femme dès la 4ème ou 5ème minute du film, agressée à coups de couteau par une bande de voyous (étrangement étrangers) aux visages particulièrement expressifs dans le registre du méchant sadique. Dès cet instant, on comprend les deux clés du film : son orientation politique, attachée à dépeindre une Amérique en proie à des violences systématiques (celle des malfrats, bien sûr) et devant l'impuissance des autorités, qui conduit à la prise en main de l'application de la loi (ou son bras armé disons) par ses valeureux citoyens (le duo de protagonistes est à ce titre tellement bête...), d'une part, et d'autre part le ridicule de sa mise en scène qui dans un autre contexte, aurait pu conduire à un nanar potentiellement risible, presque un coup de cœur en la matière.
De là l'inconfort de visionnage qui n'autorise jamais vraiment de rire à gorge déployée devant cette édification de la connerie. Il faut voir le traitement de l'athéisme initial de Travolta, qui accepte tout de même le livre saint de la part du prêtre pour tomber par hasard sur la phrase qui donne son nom au film ("Therefore I am full of the wrath of the LORD"), qu'il se tatouera sur le dos en caractère 250. Ben voyons. Il faut voir aussi comment est mis en scène la corruption de la police, avec le duo de flic véreux bien moisi, arborant les pires clichés du genre, laissant filer le suspect numéro 1 sous les yeux du mari éploré, le truand lui faisant même un clin d'œil (au ralenti bien sûr, autre grande plaie du film) sadique sur le chemin de la sortie. Il faut voir comment le pote de Travolta dans le film arrive à tuer 4 ou 5 malfrats dans son magasin à la seule force de son super-entraînement, cassant même une matraque cloutée à coup de tibia... Non vraiment, s'il on ajoute à cela la fin de parcours de Travolta, qui ira jusqu'à buter le gouverneur, on tient là un joli paquet de connerie.
De l'or pour les braves (1970)
Kelly's Heroes
2 h 24 min. Sortie : 26 février 1971 (France). Guerre, Aventure, Comédie
Film de Brian G. Hutton
Morrinson a mis 7/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Je ne saurais dire avec précision ce qui me plaît dans les deux films que j'ai vus de Brian G. Hutton pour l'instant, celui-ci et "Quand les aigles attaquent", avec une nette préférence toutefois pour le film en question ici. Sans doute que l'incertitude quant à la direction du film joue un rôle important dans l'appréciation : on ne sait pas, pendant un bon moment au début, si l'on se dirige vers un film de guerre classique, vers une comédie, vers une satire, etc. C'est une zone grise plutôt appréciable, à côté des deux arguments forts du film : Clint Eastwood et Donald Sutherland.
Car ces deux-là, tout de même, sont de sacrés numéros et pourraient légitimer le visionnage d'un film à eux seuls. Drôle de constater que "M.A.S.H." sorti la même année, et dans lequel Sutherland occupa le rôle principal (si je me souviens bien). Ils sont à l'image de la troupe pittoresque qu'Eastwood alias Kelly rassemble autour de lui, imprévisible, multicolore, et motivée par des raisons bien différentes pour les suivre dans leur folle entreprise : passer derrière les lignes ennemies pour récupérer un trésor 14 000 lingots d'or enfermés dans une banque. Les scènes où Eastwood appâte des soldats, en caméra subjective, avec le lingot d'or au centre de l'écran faisant vaciller la raison de son interlocuteur, sont mémorables.
Si certaines scènes d'action pure sont vraiment très bien menées (je pense surtout à l'évolution des tanks dans Clermont, avec une puissance de feu et un pouvoir de destruction tangibles), quoiqu plutôt inutiles dans le récit, c'est vraiment sa composante satirique qui le rend si particulier. Les accents anti-militaires caractéristiques des années 70 se ressentent un peu partout, du personnage de Sutherland (un drôle de tankiste hippie déchaîné sous LSD, totalement anachronique) aux intérêts particuliers mêlés dans la guerre unifiant sous la bannière de la convoitise des soldats d'horizons (voire de camps !) divers. Les références au western teintées d'humour ne sont pas particulièrement probantes à mes yeux, mais elles ne sont pas pour autant handicapantes : c'est presque de l'ordre de la blague. Tout comme le personnage de Sutherland, du reste, confirmant la volonté de se détacher de la réalité historique (film tourné en Yougoslavie) mais pourvue d'un vrai propos (à des années-lumière de "Fury" ou "Les Rois du Désert", donc, au hasard).
Suite là : https://www.senscritique.com/liste/Top_films_1970/374008
Le Plus Beau des combats (2000)
Remember the Titans
1 h 53 min. Sortie : 18 avril 2001 (France). Biopic, Drame, Sport
Film de Boaz Yakin
Morrinson a mis 2/10.
Annotation :
La dimension consensuelle du film, du point de vue purement cinématographique, fait peine à voir. Loin de moi l'idée d'égratigner l'autre versant consensuel, celui qui s'attache à essayer de décrire le racisme : cet aspect-là est d'une touchante naïveté, pétri de bonnes intentions (visiblement toujours d'actualité) mais qui s'écrasent sur le mur d'un académisme artistique anéantissant tout début de tentative d'effort.
Cet apprentissage de la tolérance via l'esprit d'équipe sous le regard des deux coachs, un blanc, un noir, est d'une bêtise assez sidérante. J'ai d'ailleurs toujours détesté, à titre très personnel, cette vision très militaire du sport, avec toutes ses supposées vertus émancipatrices. C'est d'une telle hypocrisie... surtout aux États-Unis, c'est à se tordre de rire. On rit aussi beaucoup dans les stéréotypes enchaînés par le film sur le thème de l'exploit sportif, avec les victoires successives et les moments de tension qu'on a déjà vus cinq mille fois, avec à la clé le climax du dernier match de la saison et la victoire in extremis à quelques secondes de la fin. Pathétique. Forcément, si on inculque la tolérance en utilisant ce film (véridique, d'après le Wikipédia EN), pas étonnant que la mixité raciale soit aussi problématique.
La sempiternelle "histoire vraie" lustrée sous toutes ses coutures pour correspondre au moule hollywoodien de l'époque. Il y a sans doute beaucoup de choses intéressantes à tirer des faits, mais ce n'est pas dans un tel film qu'on les trouvera, mêlant aussi insidieusement le vrai, le faux et le romancé. Un film classiquement américain dans sa démonstration du pouvoir contenu dans chacun des éléments de la nation, avec une forme de patriotisme sous-jacent qui semble expliquer les raisons de l'exploit... Alors que tout ce qui a trait à la discrimination dite positive, au parachutage du coach noir dans un univers blanc, ou des difficultés d'intégration aurait sans doute pu donner quelque chose d'intéressant dans un cadre moins mièvre et moins sirupeux (bon sang ces violons, alors que la BO est correcte à côté de ça, si l'on excepte sa présence archétypale et trop insistante).
La Nuit des morts-vivants (1990)
Night of the Living Dead
1 h 32 min. Sortie : 5 octobre 1999 (France). Épouvante-Horreur
Film de Tom Savini
Morrinson a mis 3/10.
Annotation :
J'ai beaucoup de mal à comprendre d'où le film tient sa réputation et d'où provient une moyenne aussi faramineuse pour ce qui n'est qu'un très mauvais remake et une très mauvaise série B.
Déjà, tout le propos assez sulfureux (à l'époque du Romero) sur la xénophobie est globalement éliminé. Le personnage noir est liquidé à la fin, mais pour une bonne raison, étant donné sa transformation en zombie. Tout le huis clos dans la maison est d'une paresse et d'un non-intérêt tous deux sidérants, avec la reprise des principaux éléments du film original à la sauce de 1990 (ou plutôt fin des 80s si l'on en juge par le mauvais goût esthétique général). Les effets spéciaux sont certes bien supérieur à l'original, mais le noir et blanc cachait la misère... Ici, tout est exposé sans décence.
L'idée de proposer un point de vue différent en se concentrant sur la fin sur un personnage féminin fort, mais cette perspective n'est que très peu exploitée et n'est pas à la hauteur de l'échange ainsi opéré. Il y a bien un début d'idée dans le portrait qui est fait des rednecks libérateurs, finalement aussi cons (et plus cruels) que les zombies et démontrant un sadisme certains dans l'acharnement sur les zombies, passés du côté du phénomène de foire à la toute fin. Un trait vraiment trop appuyé, qui ne se savoure pas avec finesse tant le portrait des bassesses humaines est réalisé au stabilo.
Peu d'inspiration, et une relecture d'un mythe qui se résume à un bel échec, partagé entre ridicule et insupportable. Non, vraiment, je ne comprend pas la magnanimité qui prédomine autour de ce film.