Ah ah !
Liste inspirée par le rire d'Adrian Leverkühn (dans Le Docteur Faustus)... d'autres à venir, j'espère.
10 livres
créée il y a presque 7 ans · modifiée il y a environ 6 ansLe Docteur Faustus (1947)
Doktor Faustus
Sortie : 1947 (Allemagne). Roman
livre de Thomas Mann
Vernon79 a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Mais en repensant à ce rire d'Adrian, je trouve rétrospectivement qu'il décelait une certaine connaissance, une railleuse initiation. Ce rire lui est resté. Plus tard, à ses côtés dans une salle de concert ou de théâtre, je le lui ai souvent entendu quand le frappait un truc artistique, ingénieux, un processus échappant à la foule, au cœur de la structure musicale, une fine allusion psychique dans le dialogue du drame. À l'époque dont je parle, ce rire n'était pas de son âge et résonnait déjà comme celui de l'adulte. C'était une légère exhalaison d'air par la bouche et le nez avec un renversement de la tête court, froid, voire méprisant, comme s'il voulait dire : « Bien, cela ! Drôle, curieux, amusant. » Mais, en même temps, ses yeux prenaient une expression singulièrement attentive, cherchaient au loin, et leur crépuscule pailleté de métal s'obscurcissait plus profondément.
.............
–Je n'aime pas, répondis-je, t'entendre assimiler la nature au mal. L'humanisme, l'ancien et le nouveau, appelle cela une diffamation des sources de vie.
–Mon cher, il n'y a pas grand-chose à diffamer là.
–On en vient alors, continuai je sans me démonter, à jouer le rôle de négateur des œuvres, on se fait avocat du néant. Qui croit au diable lui appartient déjà.
Il eut un petit rire.
–Tu n'entends pas la plaisanterie. J'ai parlé en théologien et donc nécessairement comme un théologien.
–Restons-en là, dis-je en riant aussi. Tu mets en général plus de sérieux dans tes plaisanteries que dans ta gravité.
...............
Cette légèreté rafraîchissante, tout comme son débit rapide, légèrement bredouillant, sa voix toujours assez haute, parfois passant au registre aigu, juraient un peu avec sa personne physique, contrastaient avec son obésité et en même temps il accordaient harmonieusement. Cette légèreté qui avait passé dans sa chair et dans son sens, je l'appelle rafraîchissante parce qu'elle vous donnait le sentiment comique et réconfortant qu'on prenait la vie beaucoup trop au sérieux, bien à tort. Elle semblait sans cesse vouloir dire : « mais pourquoi pas ? Et après ? Aucune importance ! Gai, gai, soyons gais ! » Et malgré soi, on s'efforçait de faire chorus.
Exégèse des lieux communs (1902)
Sortie : 1902 (France). Essai, Culture & société
livre de Léon Bloy
Annotation :
http://www.aasm.ch/pages/echos/ESM045013.pdf
Son hilarité semblait, pour partie, lui servir de soupape.
(Ne vaut-il pas mieux se presser de rire, pour ne pas
pleurer ?) Aux oreilles de ceux qui le connaissaient bien,
elle sonnait comme un signal qui leur faisait saisir beaucoup
de ce qu'il sentait et pensait, notamment dans
l'ordre critique. « Le rire est, avant tout, une correction »,
observe Bergson
L'Adolescent (1875)
(traduction André Markowicz)
Подросток (Podrostok)
Sortie : 1998 (France). Roman
livre de Fiodor Dostoïevski
Annotation :
"La gaieté de l'homme, c'est son trait le plus révélateur, avec les pieds et les mains. Il est des caractères que vous n'arrivez pas à percer: mais un jour cet homme éclate d'un rire bien franc, et voilà du coup tout son caractère étalé devant vous".
Le Livre du rire et de l'oubli (1978)
Kniha smíchu a zapomnění
Sortie : 1979 (France). Roman
livre de Milan Kundera
Vernon79 a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
En haut, telle la voûte de ce temple de la volupté, éclate le rire, « transe délicieuse du bonheur, comble extrême de la jouissance. Rire de la jouissance, jouissance du rire ». Incontestablement, ce rire là est « au-delà de la plaisanterie, de la moquerie, du ridicule ». Les deux sœurs allongées sur leur lit ne rient de rien de précis, le rire n’a pas d’objet, il est l’expression de l’être qui se réjouit d’être. De même que par son gémissement celui qui a mal s’enchaîne à la seconde présente de son corps souffrant (et il est tout entier en dehors du passé et de l’avenir), de même, celui qui éclate de ce rire extatique est sans souvenirs et sans désir, car il jette son cri à la seconde présente du monde et ne veux rien connaître qu’elle.
Vous vous souvenez certainement de cette scène pour l’avoir vu dans des dizaines de mauvais films : un garçon et une fille se tiennent par la main et courent dans un beau paysage printanier (ou estival).
Ils courent, ils courent, ils courent et ils rient. Le rire des deux coureurs doit proclamer au monde entier et aux spectateurs de tous les cinémas : nous sommes heureux, nous sommes contents d’être au monde, nous sommes d’accord avec l’être ! C’est une scène stupide, un cliché, mais elle exprime une attitude humaine fondamentale : le rire sérieux, le rire « au-delà de la plaisanterie ».
Toutes les églises, tous les fabricants de linge, tous les généraux, tous les partis politiques sont d’accord sur ce rire là, et tous se précipitent pour placer l’image de ces deux coureurs riant sur leurs affiches où ils font de la propagande pour leur religion, leurs produits, leur idéologie, leur peuple, leur sexe et leur poudre à laver la vaisselle.
C’est justement de ce rire là que rient Michèle et Gabrielle. Elles sortent d’une papeterie, elles se donnent la main, et, dans leur main restée libre, elles balancent chacune un petit paquet où il y a du papier de couleur, de la colle et des élastiques.
« Madame Raphaëlle sera enthousiasmée, tu vas voir », dit Gabrielle, et elle émet des sons aigus et saccadés. Michèle est d’accord avec elle et fait entendre à peu près le même bruit.
Sarrasine (1831)
Sortie : 1831 (France). Recueil de nouvelles
livre de Honoré de Balzac
Vernon79 a mis 8/10.
Annotation :
« Enfin, cette espèce d'idole japonaise conservait sur ses lèvres bleuâtres un rire fixe et arrêté, un rire implacable et goguenard, comme celui d'une tête de mort. »
« Au moment où les premières lueurs du matin surprirent les convives, une femme proposa d'aller à Frascati. […] Une fois sortis de Rome, la gaieté, un moment réprimée par les combats que chacun avait livrés au sommeil, se réveilla soudain. Hommes et femmes, tous paraissaient habitués à cette vie étrange, à ces plaisir continus, à cet entraînement d'artiste qui fait de la vie une fête perpétuelle où l'on rit sans arrière-pensée »
Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818)
Frankenstein; or, The Modern Prometheus
Sortie : 1821 (France). Roman, Science-fiction, Fantasy
livre de Mary Shelley
Vernon79 a mis 10/10.
Annotation :
I was answered through the stillness of night by a loud
and fiendish laugh. It rang on my ears long and heavily; the
mountains re-echoed it, and I felt as if all hell surrounded
me with mockery and laughter. Surely in that moment
I should have been possessed by frenzy and have destroyed
my miserable existence but that my vow was heard and
that I was reserved for vengeance. The laughter died away,
when a well-known and abhorred voice, apparently close
to my ear, addressed me in an audible whisper, ‘I am satisfied,
miserable wretch! You have determined to live, and I
am satisfied.’
La Horde du contrevent (2004)
Sortie : 15 octobre 2004. Roman, Science-fiction, Fantasy
livre de Alain Damasio
Vernon79 a mis 8/10 et a écrit une critique.
Annotation :
Le noeud qui me soudait à Caracole, en corde à rire, en fil de rien, une complicité et des regards, du bout à bout de joies en chanvre, tissées en laine de tout, ce noeud vibra alors plus dense qu'un métal, presque aussi puissant qu'un vif.
La Sonate à Kreutzer (1889)
Крейцерова соната
Sortie : 9 décembre 1974 (France). Nouvelle
livre de Léon Tolstoï
Vernon79 a mis 7/10.
Annotation :
Préface:
On sait, par le journal de Léon Tolstoï et celui de Sonia, qu'en cette année 1889 où va se trouver diffusée, au moins par copie, la huitième version d'une œuvre souvent remaniée, le couple redoute une 14ème grossesse qui serait la véritable « postface » de La Sonate à Kreutzer, dans un éclat de rire général.
Livre:
Au milieu de la tirade de la dame, on entendit derrière moi un son semblable à un rire ou à un sanglot interrompu ; en nous retournant, nous aperçûmes mon voisin, le monsieur solitaire aux cheveux blancs et aux yeux brillants, qui pendant la discussion, apparemment intéressée, s'était approché de nous sans se faire remarquer. Il se tenait debout, les mains posées sur le dossier de son siège. Il était manifestement troublé ; son visage était rouge et le muscle d'une de ses joues tressaillait. […] Il fit entendre ce son particulier, se tut et but encore une gorgée de thé.
Le Naufragé
Der Untergeher
Sortie : 1983 (France). Roman
livre de Thomas Bernhard
Vernon79 a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
Je ne suis pas du genre à sacrifier mon existence à la sentimentalité. J'ai éclaté de rire et j'ai fait transporter le piano dans la maison du maître d'école, je me suis délecté des jours durant de mon propre rire au sujet du piano transporté et me suis gaussé de ma carrière de pianiste virtuose brisé par moi-même en un instant.
p93 aucun de ces adorateurs de Glenn ne s'aviserait de croire de Glenn qu'il savait rire comme il a toujours ri, pensais-je, et donc il n'y avait homme à prendre davantage au sérieux, pensais-je, et celui qui ne sait pas rire comme Glenn ne doit pas être pris au sérieux comme Glenn.
Le Rire (1900)
Essai sur la signification du comique
Sortie : 1900 (France). Essai, Philosophie
livre de Henri Bergson
Annotation :
« Un homme, qui courait dans la rue, trébuche et tombe : les passants rient. On ne rirait pas de lui, je pense, si l’on pouvait supposer que la fantaisie lui est venue tout à coup de s’asseoir par terre. On rit de ce qu’il s’est assis involontairement. Ce n’est donc pas son changement brusque d’attitude qui fait rire, c’est ce qu’il y a d’involontaire dans le changement, c’est la maladresse. Une pierre était peut-être sur le chemin. Il aurait fallu changer d’allure ou tourner l’obstacle. Mais par manque de souplesse, par distraction ou obstination du corps, par un effet de raideur ou de vitesse acquise, les muscles ont continué d’accomplir le même mouvement quand les circonstances demandaient autre chose. C’est pourquoi l’homme est tombé, et c’est de quoi les passants rient. »